OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Relents tunisiens d’ACTA http://owni.fr/2012/11/15/relents-tunisiens-d-acta/ http://owni.fr/2012/11/15/relents-tunisiens-d-acta/#comments Thu, 15 Nov 2012 15:55:08 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=125573

Inscrire la propriété intellectuelle dans la Constitution tunisienne, en voilà une idée saugrenue et inquiétante qui mobilise le Parti Pirate local, T’Harrek et Fi9, deux groupes autonomes œuvrant pour renouveler la démocratie, et HackerScop, la coopérative de travailleurs montée par le hackerspace de Tunis. Ce samedi, ils organisaient une table ronde de sensibilisation avec des cinéastes et des vendeurs de DVD. Elle fait partie de leur contre-opération, baptisée “el fikr mouch milk”, “l’idée n’est pas une propriété”.

Actuellement, le pays est en transition. Suite au départ du dictateur Ben Ali en janvier 2011, une assemblée a été désignée pour rédiger une nouvelle Constitution, avec le 23 octobre dernier comme date butoir. Si l’objectif n’est pas complètement atteint, une partie a déjà été dévoilée. L’article 26 est clair :

La propriété intellectuelle et littéraire est garantie.

“On sentait que ça venait de l’extérieur”

Cet été, les Tunisiens ont vu surgir une “campagne nationale de sensibilisation sur la contrefaçon en Tunisie”, Bidoun taklid, littéralement “sans contrefaçon”. Mais ce n’est pas un plagiat de la chanson de Mylène Farmer. Empreinte de main rouge sang en guise de logo, fond noir et gris anthracite, musique du spot radio dramatisante (on s’est permis de l’embedder sans leur autorisation), la Tunisie a aussi peur que la France de Bruno Gicquel :

Azza Chaouch, membre de hackerspace.tn et étudiante en droit, se souvient :

On ne comprenait pas d’où ça venait, en Tunisie, la contrefaçon fait vivre plein de monde, veulent-ils plus de chômeurs ? Et ils ont mis les moyens : il distribuait des tracts à la gare, avec du beau papier, ils ont un site. On sentait que ça venait de l’extérieur.

De fait, ça vient en partie de l’extérieur. Lancée officiellement par le Centre des jeunes dirigeants  de Tunisie (CJDT), a reçu le soutien du bureau méditerranéen du Middle East Partnership Initiative. Le MEPI, qui n’a pas répondu à nos questions, tout comme le CJDT, est un outil du soft power américain financé par le Départment d’État américain. Logique, selon Slim Amamou, l’emblématique figure de la révolution tunisienne, membre du Parti Pirate :

La propriété intellectuelle est une politique d’État pour les États-Unis. Les ambassadeurs américains sont tenus de présenter un rapport chaque six mois sur l’avancement du pays dans lequel ils sont en termes de propriété intellectuelle.

Et de pointer vers un des câbles diplomatiques fuités par WikiLeaks sur le climat de l’investissement début 2010. Il souligne les efforts de la Tunisie pour rentrer dans le rang :

Bien que le concept et l’application de la protection  de la propriété intellectuelle en soient encore à leurs débuts, le gouvernement fait des efforts pour susciter une prise de conscience et a accru son effort de régulation dans ce domaine.

Car la Tunisie est un pays où la contrefaçon de biens matériels fleurit, ce qui lui vaut d’être sous la pression depuis plusieurs années de la part de l’OMC. Le pays est en effet membre de l’Organisation mondiale du commerce depuis 1995, organisme international où les États-Unis pèsent de tout leur poids. La législation a déjà évolué dans son sens avec une batterie de lois en 2001.

La Tunisie 2.0 est aux urnes

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Le 23 octobre, la Tunisie a rendez-vous avec l'Histoire, pour l'élection de son Assemblée constituante. À Tunis, OWNI a ...

Et son soutien direct n’est pas nouveau. Le câble évoque “une initiative soutenue par le gouvernement américain, mise en œuvre par le ministère du Commerce, en lien avec le United States Patent and Trademark Office  (USPTO) [qui] fournit une formation aux fonctionnaires dans le champ du renforcement de la régulation de la propriété intellectuelle.” Et d’enchainer sur l’annonce d’une nouvelle législation dans le sens des États-Unis.

Faire peur

La chute de Ben Ali ne semble pas avoir diminué l’influence états-unienne dans le domaine. L’argumentaire rappelle celui d’ACTA, le traité anti-contrefaçon initié par les États-Unis et le Japon, négocié en secret, jugé liberticide et rejeté à ce titre par le Parlement européen cet été. De façon habile, la culture n’est pas pour le moment dans leur collimateur : “notre campagne s’intéresse seulement a la contrefaçon de marques mais pas encore à la contrefaçon des autres matières de la propriété intellectuelle.”

En revanche, il met en avant les dangers pour la santé et la sécurité des consommateurs, plus à même de toucher le quidam :

Pour le consommateur la contrefaçon présente de grands dangers notamment sur sa sante et sa sécurité en fonction des produits contrefaits qu’il consomme ces produits peuvent aller des médicaments contrefaits aux jouets et pièces de rechange automobiles aux produits cosmétiques, d’électroménagers, d’habillement ou alimentaire qui ne respectent aucune norme de qualité.

L’impact économique est aussi souligné : “La contrefaçon se traduit par une perte de chiffre d’affaire et de bénéfice et par conséquent elle se traduit par une baisse de la rentabilité et la perte de certains marchés”, etc.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

100 000 familles concernées

Par principe, le Parti Pirate est hostile à la notion de propriété intellectuelle. Slim martèle :

D’abord la propriété intellectuelle comme concept c’est une aberration. Ils veulent faire passer des gens qui copient pour des voleurs. La copie est un droit humain depuis le début de l’humanité. Point.

Quant à l’argument économique, encore faut-il connaître la nationalité des entreprises concernés. Pour les opposants au projet, cette inscription dans la Constitution ne ferait qu’aggraver l’économie déjà en berne :

Il est difficile de dénombrer le nombre exact des familles touchées par cette loi, mais nous savons qu’un minimum de 100 000 familles sont dépendantes de ses petits commerces qui vivent de la vente de DVD, ou de la vente des démodulateurs TV, ou encore des produits dérivés à bas prix venus de Chine reproduisant des technologies autrement trop coûteuses pour le marché tunisien.
Plus largement, les étudiants n’ont pas les moyens d’acheter des livres et apprennent grâce aux photocopies, et le public tunisien n’a pas les moyens de s’offrir les DVD originaux des grandes multinationales vendus à un prix exorbitant.

Pour échelle, le kebab vaut là-bas quatre fois moins cher qu’en France, alors acheter des titres sur iTunes… Dans ce contexte, rien d’étonnant à ce que le centre commercial Galerie 7 et ses boutiques fleurant bon la copie de DVD ait pignon sur rue.

Sondage éloquent sur le site de la campagne anti-contrefaçon

Sondage éloquent sur le site de la campagne anti-contrefaçon.

L’an II de l’hacktivisme tunisien

L’an II de l’hacktivisme tunisien

La communauté hacker tunisienne a initié de nombreux projets dans l'élan révolutionnaire de 2011. Mais derrière, les ...

 “Je ne m’habille plus, je ne regarde plus rien, ironise Azza. On gère notre quotidien grâce à la contrefaçon. Déjà aux États-Unis, ce n’est pas logique, alors ici… Comme dit Godard, ‘pour faire des films, il faut voir des films.” La citation ne déplairait pas à JLG, grand pourfendeur de la Hadopi.

Ses confrères tunisiens sont les premières cibles de cette contre-campagne, “parce que c’est le plus médiatique et parce que les cinéastes sont les plus virulents défenseurs de la propriété intellectuelle, justifie Slim Amamou. Nous avons commencé par faire du porte-à-porte chez les vendeurs de DVD. Nous leur avons fait signer une pétition contre la propriété intellectuelle”.

De la journée d’échange, il est sorti “une recommandation pour le secteur qui satisfait les cinéastes et évite la propriété intellectuelle”, se félicite l’activiste. Azza renchérit :

Il faut penser la Tunisie et pas imposer un modèle étranger.

“Introduire la notion de Propriété Intellectuelle dans la Constitution à pour unique but de faire disparaitre ce tissu économico-culturel, renchérit Slim, pour mettre en place un nouveau tissu sous le contrôle des multinationales.”

Durcissement ou pas, une chose est sûre : le site de Bidoun ne risque pas d’être pompé. Sauf à être fan de l’esthétique web des années 90.

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“L’Internet arabe était perçu comme l’Internet de Ben Laden” http://owni.fr/2012/11/07/internet-arabe-etait-percu-comme-internet-de-ben-laden/ http://owni.fr/2012/11/07/internet-arabe-etait-percu-comme-internet-de-ben-laden/#comments Wed, 07 Nov 2012 14:10:18 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=125133

Tout et son contraire a été dit, écrit, décrié, affirmé, à propos du rôle des réseaux sociaux dans les révolutions arabes. Nettement moins sur l’Internet arabe avant la chute de Ben Ali, de Moubarak, de Kadhafi et des mouvements révolutionnaires qui contestent depuis l’hiver 2010 les régimes en place partout au Moyen-Orient.

Yves Gonzalez-Quijano revient sur ces deux moments dans son ouvrage Arabités Numériques, Le printemps du web arabe. Universitaire arabophone et traducteur, il scrute l’Internet arabe (plutôt l’arabisation d’Internet) et en rend compte, entre autres, sur son blog Culture et Politique Arabes dont les articles ont parfois été repris sur Owni.

Personne n’avait vu venir les soulèvements arabes. Personne n’avait vu venir les jeunes des pays arabes sur Internet non plus. Il y avait pourtant des signes. A la fin des années 1990, un groupe tunisien connu sous le nom de Takriz lance une liste de diffusion sur laquelle circulent des informations alternatives. L’un des membres, Zouhair Yahyaoui (Ettounsi sur les réseaux) devient en 2002 l’un des premiers cyberdissidents arrêté et emprisonné en Tunisie pour son activisme en ligne, presque dix ans avant les révoltes de 2011. Triste symbole.

Marchés de substitution

Dès le début des années 2000, alors que la bulle Internet venait d’éclater, “les pays émergents en général, et ceux du monde arabe en particulier, offr[ent] des marchés de substitution grâce auxquels les industries mondialisées de l’information de la communication pouv[ent] continuer leur croissance”, note Yves Gonzalez-Quijano. Apple, qui proposait des produits arabisés dix ans plus tôt mais a abandonné la voie, est doublé par Microsoft et le multilinguisme d’Internet Explorer.

A la technique s’ajoute une idéologie nationaliste arabe qui veut son industrie du logiciel. Les initiatives de développeurs arabes, notamment en Jordanie, se multiplient. Avec certains succès, comme Maktoub, lancé en 1998 et racheté dix ans plus tard par Yahoo!. Dernier élément : l’envie. “L’arrivée d’Internet dans le monde arabe a été un appel d’air” explique le chercheur à Owni :

Internet, c’est le culte du cargo. Le savoir est accessible immédiatement, il vous tombe presque dessus, tout en échappant au contrôle social de la famille ou de l’entourage. C’est un peu comme lire sous les draps…

Révolutions interconnectées

Au milieu des années 2000, l’Internet a changé, il est moins austère, plus tourné vers l’utilisateur (user friendly). C’est le temps du web 2.0, la grande époque des blogs. Viennent les réseaux sociaux, plus compatibles avec le son et l’image. Avant l’irruption de l’Internet arabe dans les agendas médiatique et politique, avaient eu lieu plusieurs révolutions, écrit Yves Gonzalez-Quijano :

On est en présence non pas d’une seule et unique révolution, celle des réseaux sociaux dont l’extension frappe tellement les esprits aujourd’hui, mais bien de trois ou quatre, successives et interconnectées.

Comment les observateurs du monde arabe ont-ils pu ignorer ce phénomène, l’émergence de cet Internet arabe, ou plutôt l’arabisation d’Internet ? Le chercheur évoque plusieurs pistes dans son livre. ”Un blocage culturel, un exotisme orientaliste en quelque sorte, empêchait d’associer Internet et arabe” résume-t-il. Les rapports sur l’utilisation d’Internet dans la région se concentrent sur la répression, sur la censure. Ce qui a “contribué à ancrer dans les esprits la conviction que l’Internet arabe avait encore devant lui un très très long chemin à parcourir avant de pouvoir exister de plein droit et de contribuer au changement”

L’Internet de Ben Laden

Le comportement des potentats locaux est pourtant plus ambivalent. “Moubarak était perçu comme un tyran rétrograde. Tyran il l’était, mais pas rétrograde ! corrige Yves Gonzalez-Quijano. Beaucoup ont refusé de le voir.” L’Égypte est le premier État arabe à nommer un ministère aux technologies de l’information et de la communication.

Dernier biais : quand elle ne se concentre pas sur la répression, les études des années 2000 échouent sur un autre biais, la (cyber) pieuvre islamiste. La peur panique de l’islamisme après 9/11 “a fortement contribué à faire en quelque sorte ‘disparaître des écrans’ l’activité numérique arabe, totalement recouverte par une nouvelle catégorie, celle du ‘web islamique’, sujet d’un bon nombre d’études” note le chercheur, qui résume à l’oral :

En somme, l’Internet arabe était perçu comme l’Internet de Ben Laden.

Une perception qui a volé en éclat avec les soulèvements de 2011. Le Printemps arabe “a au moins eu cette vertu d’ôter un peu de leur crédibilité aux commentaires inquiets sur les risques du cyberjihad” écrit Yvez Gonzalez-Quijano.


Photo d’Alazaat [CC-by]

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L’an II de l’hacktivisme tunisien http://owni.fr/2012/10/30/lan-ii-de-lhacktivisme-tunisien/ http://owni.fr/2012/10/30/lan-ii-de-lhacktivisme-tunisien/#comments Tue, 30 Oct 2012 16:26:51 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=124393

“Ce mercredi, je pars en Suède, développer Le Parti 2.0, mon projet de cyberdémocratie locale, l’Université de Malmö m’a accordé une bourse pour recevoir une formation”, nous annonce avec son sourire doux Aymen Amri, alias eon. Tee-shirt affichant le célèbre masque des Anonymous, ordinateur flanqué d’une tripotée d’autocollants hacktivistes, ce jeune Tunisien qui coordonne le premier hackerspace du pays veut voir dans cette opportunité la preuve que la communauté hacker locale ne s’est pas endormie sur son élan révolutionnaire.

Car les derniers mois donnent l’impression d’un certain essoufflement. “Nous nous sommes dispersés”, reconnait eon. “Nous avions plusieurs activités en parallèle, poursuit son ami Sarhan Aissi, aka Tux-Tn, nous avons dû en laisser certaines, n’ayant personne derrière qui suivent et qui participent.”

“L’euphorie du moment”…

Après la chute de Ben Ali le 14 janvier 2011, de nombreux projets ont été en lancés : le Parti 2.0 de Aymen et hackerspace.tn donc, ce dernier d’abord sous la houlette de Chemseddine Ben Jemaa aka Kangoulya ; le Chaos Computer Club tunisien, du nom de son célèbre et puissant homologue allemand ; OpenGov.tn, et OpenTunisia, des plates-formes qui s’inscrivent dans la lignée des projets de gouvernance ouverte et transparente ; TelecomixTN, inspiré de Telecomix tout court, qui défend la liberté d’expression ; et même un vrai parti, le Parti Pirate tunisien, affilié à ses homologues européens. Aymen rappelle le contexte :

La communauté existait déjà avant la révolution, sans être structurée, chacun était dans son coin. On se rencontraient sur IRC, les mailing lists, Mumble, c’était un mouvement perpétuel pour échapper à la surveillance.

Mais après le 14 janvier,  il a été très facile de créer une association.

Le hacker Aymen Amri en mai 2012 à Tunis (cc) via Aymen Amri

Une “euphorie du moment”, pour reprendre l’expression de Tux-Tn, bien compréhensible. Mais la multitude des projets recouvre une poignée de personnes, qui peuvent enfin revendiquer le terme “hacker”, et non plus se cacher derrière le nom rassurant de “partisans du libre”. Un noyau dur qui peine encore à avancer.

Sans hackerspace fixe

Au début, il est question de créer des hackerspaces en lien avec des associations déjà existantes, tout en gardant l’autonomie. Hackerspace.tn ira ainsi poser ses ordinateurs chez Nawaat, emblématique blog collectif tunisien où s’exprimait l’opposition, avant d’en partir au printemps.

Et depuis, le hackerspace change de lieu chaque semaine, ce qui n’aide pas à progresser. Quant aux participants présents, “ça peut aller jusqu’à dix, comme ça peut être trois… “, détaille Aymen. Un open gov très, trop, resserré. Récemment, un des membres a envoyé un lien sur IRC vers le hackerspace design patterns, un précieux mode d’emploi pour monter et faire vivre ce type de lieu. “Deux ans après, pas trop tôt”, soupire fo0, un hacker français membre de Telecomix.

L’euphorie est d’autant plus grande que l’hacktivisme en Tunisie est le centre de l’attention dans le monde entier. OpTunisia, une opération de contournement de la censure menée par les Anonymous, a fait “le buzz”, comme dit Aymen. Cette avant-garde numérique se retrouve subitement entourée avec bienveillance.

En janvier 2012, le 4M réunit ainsi à Tunis la fine fleur franco-tunisienne des médias et du hacking, en partenariat avec CFI, Canal France International, une émanation du ministère des Affaires étrangères qui fait de la coopération sur le terrain des médias. Il est question de faire un espace co-working, sur le modèle de La Cantine. En avril, Richard Stallman, le gourou du logiciel libre, donne des conférences et fait la nique à Bull, qui a vendu des solutions aux dictatures arabes pour espionner les citoyens via sa filiale Amesys. Le Parti Pirate fait même son entrée, controversée, au gouvernement : Slim Amamou, une figure de l’opposition, devient l’éphémère secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports du gouvernement tunisien.

Mais depuis, pas grand chose de concret. La semaine dernière, Ounis, membre du hackerspace et… salafiste déplorait sur IRC :

Nous essayons de sauver ce qui peut être sauvé. Nous planifions une réunion IRL le week-end prochain, Incha’ Allah
Je suis inquiet au sujet de ce que tu appelles “le noyau dur”. Nous ne sommes plus réactifs au sein de la communauté. Je ne veux pas que les efforts dépensés soient perdus.

Il suffit de jeter un œil sur les sites en question, ou au canal IRC, aussi désert que Tunis le premier jour de l’Aïd El Kebir (quelque chose comme la Moselle un 25 décembre, le froid en moins), pour constater qu’Ounis ne joue pas les oiseaux de mauvais augure.

Décalage

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Mais il suffit aussi de trainer un peu dans la médina de Tunis pour constater le décalage entre les aspirations des hackers et les gamins pauvrement vêtus qui jouent dans des odeurs plus ou moins prégnantes de poubelles en décomposition, entre deux maisons aux peintures abimées pour une rénovée.

Heather Brooke, l’auteur de The Revolution Will Be Digitised, comparait dans The Guardian les hackerspaces aux cafés anglais du siècle des Lumières : un endroit de réflexion pour préparer les démocraties de demain, s’appuyant sur la participation d’une classe moyenne qui a accès librement à l’information.

Cela est sans doute vrai dans des pays comme l’Allemagne ou les États-Unis. Mais pour trop de Tunisiens, il semble évident que les soucis premiers sont ceux de base : travailler pour manger, s’habiller, avoir un logement décent. Le taux d’illettrisme est encore d’environ 20%. Alors l’Open Data… Et les débats sont surtout vifs à propos de la religion, en particulier depuis qu’Ennahdha, le parti islamiste, a remporté les élections en octobre 2011. Aymen acquiesce :

Parfois, nous sentons que nous sommes trop loin des intérêts des gens mais on essaye de rapprocher au maximum d’eux.

Le règne de Ben Ali n’a pas laissé sa marque que sur la situation socio-économique du pays. Le jeune homme plaide et espère :

Il manque la motivation, il n’y a pas vraiment  de volontariat, du temps de Ben Ali, les gens avaient peur de s’investir. Nous sommes dans la première année de démocratie, c’est pas vraiment facile mais il y a des gens qui veulent travailler.

Tux-Tn tient aussi à souligner les lenteurs de leur administration : “la création de l’association, la mise en place de l’infrastructure et les services ont pris beaucoup de temps, il faut prendre en compte la rapidité de l’administration tunisienne, pire qu’un modem 56K.”

Incubateur de start-ups collaboratif

Bref, c’est l’an 2 de la révolution, et si la gueule est un peu de bois, la petite communauté s’accroche. L’éparpillement appartient désormais au passé : un recentrage a été opéré sur le hackerspace, avec la création d’une structure mixte lucratif/non lucratif, Hackerscop.

Comme dans d’autres pays d’Afrique ou en Chine, hacker rime avec incubateur, impératif économique oblique : le lieu est utilisé pour aider l’éclosion de start-ups en mode collaboratif.

Avec derrière, l’idée de développer une économie autour du logiciel libre, avec le soutien d’une société de services en logiciels libres (SSLL), l’équivalent des SSII. “La priorité est d’organiser l’assemblée générale de l’association et de la mettre sur les rails”, souligne Tux-Tn. Se fixer et acheter du matériel figure en haut de la to-do.

La question de l’organisation, centrale, est aussi remise en cause :

On était un peu désorganisé, on ne voulait pas travailler dans un cadre hiérarchique, chacun participait librement. Il faut remettre de la hiérarchie, pour une meilleure efficacité peut-être. Nous divisons maintenant les tâches, et nous continuons d’essayer de recruter via des conférences et des événements liés au logiciel libre.

De son côté, Aymen collaborera avec le Parti Pirate sur son projet. La formation politique se présentera aux élections de 2018 et travaillera sur le droit citoyen d’accès à Internet, un axe complémentaire du Parti2.0.

Renfort de France

Le renfort vient aussi de France. L’association Action tunisienne développe ainsi avec eux un projet de maison populaire, au Bardo, dans la banlieue de Tunis. Hamza Abid, le vice-président de l’association, détaille son contenu :

Notre ambition est de créer un lieu de vie où les citoyens auraient à disposition un endroit pour s’initier à l’informatique (hackerspace, cryptoparty avec les hackers tunisiens qui se déplaceraient..), aux arts plastiques pour les enfants et les plus jeunes, alphabétisation pour les personnes âgées, club “sciences”, sensibiliser les Tunisiens pour qu’ils connaissent leurs droits, etc, et tout autre domaine qui les intéresserait. Notre rêve serait que cette maison populaire soit autogérée et autonome, que les personnes se l’approprient et y trouvent un intérêt réel.

fo0, très impliqué dans le projet, détaille leur marche à suivre, à la cool :

Cela se fera au feeling, aux rencontres, je vais faire deux aller-retours à Tunis tranquille, dont un avec Hamza plus ou moins prévu en janvier, toujours dans l’idée de susciter des initiatives. Ensuite si ça débouche sur dix gus dans un garage tunisien qui font des choses <3


Illustration par Cédric Bip Bip Audinot pour Owni /-)
Autres photos via Aymen Amri.

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L’argent caché d’Ennahdha http://owni.fr/2012/09/10/l-argent-cache-d-ennahdha-tunisie/ http://owni.fr/2012/09/10/l-argent-cache-d-ennahdha-tunisie/#comments Mon, 10 Sep 2012 15:26:29 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=119760

Le rapport de la Cour des comptes tunisienne sur les élections à l’Assemblée constituante renforce les soupçons quant à l’existence de financements occultes au profit du parti Ennahdha, sorti vainqueur de ce scrutin. Sur les 217 sièges à pourvoir, le mouvement islamiste en avait remporté 89 il y a près d’un an, le 24 octobre 2011.

Or, dans ce document de 168 pages, diffusé le 8 août dernier en langue arabe, les magistrats tunisiens livrent une analyse très critique des opérations financières qui ont pu mener à cette victoire.

Durant plusieurs mois, ils ont passé au crible les bilans comptables – quand ils les ont reçu – des 1 624 listes de candidats qui se sont présentées à travers tout le pays. D’abord dans le but de vérifier l’utilisation des 8,3 millions de dinars tunisiens (environ 4 millions d’euros) de financement public débloqués pour les différents partis, pour un pays comptant 7 millions d’électeurs.

Selon les éléments transmis par Ennahdha à la Cour, le parti aurait dépensé 400 000 dinars tunisiens (DT) pour ces élections, dont 171 000 DT au titre du financement public. Un montant qui ne semble pas convaincre plusieurs membres de la Cour, au regard du coût moyen de fonctionnement d’une liste. Tandis que 69 000 DT engagés par Ennahdha dans ces élections ont été justifiés par des factures non conformes.

En outre, onze listes Ennahdha en lice dans la trentaine de circonscriptions n’ont pas enregistré de dépenses liées à plusieurs manifestations publiques qui ont bel et bien été tenues. De même, huit listes Ennahdha ne présentent aucune dépense de transports, et dix-sept listes Ennahdha ne font figurer aucune dépense au titre de la communication électorale – laissant donc supposer que ces frais étaient supportés par d’autres structures.

Dans la même veine, la Cour note que les opérations au débit du compte bancaire d’Ennahdha ne comprenaient pas toutes les dépenses réalisées par le parti durant cette campagne. Autant de lacunes et d’incertitudes qui relancent les soupçons d’un financement en provenance d’hommes d’affaires et d’organisations islamistes basées dans le Golfe.

Au mois d’avril dernier, des Anonymous avaient révélé des milliers de mails des dirigeants d’Ennahdha, dont certains mettaient en évidence de curieuses discussions financières. À l’image de Kamel Ben Amara, élu d’Ennahdha, ancien membre de la Commission à l’énergie, qui semble disposer d’un compte ouvert dans une banque islamique du Qatar. Sur ces sujets cependant, les enquêteurs de la Cour se sont heurtés aux reliquats du système Ben Ali, qui ne fut pas vraiment conçu pour faciliter la transparence dans les choses de l’argent. Ils remarquent ainsi :

Les investigations sur le financement en provenance de l’étranger se caractérisaient par la longueur des procédures et la difficulté de suivre ces opérations puisque la douane se réfère au numéro de passeport pour suivre le bénéficiaire d’un mouvement financier en provenance de l’étranger, mais les banques utilisent le numéro de la carte d’identité nationale pour l’ouverture des comptes, empêchant ainsi un suivi automatique de telles opérations.
(Page 34)

Les Anonymous dévoilent Ennahdha

Les Anonymous dévoilent Ennahdha

En deux semaines, des Anonymous, avec lesquels OWNI s'est entretenu, ont installé sur des serveurs plus de 3 000 ...

L’hypothèse de financements étrangers venus remplir les caisses d’Ennahdha sort renforcée après cet examen par la Cour des comptes. Dans ce contexte, le 15 août dernier, l’Association tunisienne pour la transparence financière publiait un communiqué accusateur. Faisant en particulier référence à deux importants contrats confiés à des intérêts qataris ; l’exploitation de l’usine de phosphate de Sra-Ouertane, et la concession du marché de la raffinerie Skhira – confiée à Qatar Petroleum.

Ennahdha a répondu à ces diverses accusations lors de son dernier congrès. En promettant que ses ressources financières sont d’origine nationale. De manière plus détaillée, le parti a annoncé que durant la période de mars 2011 à juillet 2012, la totalité de ses ressources s’est élevée à 3,4 millions DT, pour 3,3 millions DT de dépenses.

Les autres formations politiques tunisiennes, dans leur apprentissage de la transparence, ne sont pas exemptes de reproches. Ainsi, Takatol, le parti du président de l’Assemblée constituante Mustapha Ben Jaâfar a effectué des versements en liquide de 21 000 DT ce qui est interdit par la loi. Takatol a aussi dépensé 55 000 DT sous forme de dons et de cadeaux soit 11% de la totalité de ses dépenses alors que la loi n’autorise que 5% (page 50 du rapport).

Dans la phase de transition démocratique qu’il a connu, le législateur n’a pas encore fixé de sanctions en cas de fraude ou d’irrégularité dans le financement d’une campagne électorale. En cas d’absence de dossier comptable, la sanction maximale pour un parti présent dans toutes les circonscriptions n’est que 5 000 DT.


Photo d’un graff de Banksy par ESSG (CC-byncsa) remixé par Ophelia Noor pour Owni ~~~~=:)

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Anonymous promet une Révolution 404 http://owni.fr/2012/04/25/anonymous-promet-la-revolution-404/ http://owni.fr/2012/04/25/anonymous-promet-la-revolution-404/#comments Wed, 25 Apr 2012 16:33:12 +0000 Rodolphe Baron http://owni.fr/?p=107924

Après la publication sur le web de 3 500 courriels provenant des boîtes mails de membres du Gouvernement transitoire tunisien, des Anonymous lance un ultimatum au pouvoir en place.
Le collectif de hackers appelle la population à manifester le 1er mai, avenue Habib-Bourguiba à Tunis. Des Anonymous déclarent une “guerre ouverte” aux salafistes tunisiens qu’ils accusent de s’être fournis en armes via la Libye fin 2011. La manifestation devrait remonter l’avenue jusque devant le ministère de l’Intérieur.

L’objectif annoncé est de convaincre le Gouvernement transitoire de faire marche arrière sur le projet de lutte contre la cybercriminalité qui prévoit un contrôle accru d’Internet. Le projet est en marche. Le Gouvernement souhaite maintenir et réformer l’Agence tunisienne d’Internet, déjà en fonction sous Ben Ali et annonce la création de commissions chargées d’assurer la sécurité “des tunisiens sur l’Internet“. Ces dernières, qui accueilleront des spécialistes des télécoms formés au ministère de l’Intérieur, sont perçues comme un retour à l’ère de la censure. Des Anonymous ont indiqué à OWNI posséder des preuves accréditant une telle hypothèse :

Nos investigations ont confirmé qu’il s’agit d’un stratagème mis en place par le ministère de l’Intérieur en date du 29 Mars 2012 afin de contrer toute opposition au parti Ennahda. Ce plan n’a pour but que de reprendre la main sur internet, puis [sur] les médias, [et] donc contrôler à nouveau ,comme à l’ère de Ben Ali, les libertés d’expression.

Le terme de cybercriminalité, à l’image du terrorisme, reste toujours flou. Il peut signifier une amélioration de la sécurité des sites Internet publics pour limiter les attaques informatiques et le pillage d’informations sensibles comme il peut, a contrario, concerner les échanges d’informations sur la toile (activités sur les réseaux sociaux, emails, sites visités etc…).

Avant Révolution de Jasmin, la censure de l’Internet tunisien était répandue et exercée par Ammar 404. Un mystérieux flic du web souvent associé à l’Agence tunisienne d’Internet sans laquelle il n’aurait pu agir sur les sites portants “atteintes aux bonnes moeurs”. Le dispositif de cyber-répression pouvait consister à intercepter des emails de citoyens tunisiens et disposait de moyens techniques suffisants pour filtrer la quasi-totalité de l’Internet du pays, l’un des plus actifs d’Afrique du Nord.

Au cours des années Ben Ali, des centaines de blogs et de pages web ont ainsi été fermés parce qu’ils défiaient le régime et ses dirigeants. C’est en référence à Ammar 404 que les Anonymous ont intitulé leur opération la “Révolution 404″

La mobilisation du peuple tunisien voulue par des Anonymous intervient dans un contexte houleux. Malgré la décision, début avril, par le ministère de l’Intérieur, d’autoriser à nouveau les manifestations sur l’axe principal de la capitale, Human Rights Watch considère l’acte encore “insuffisant pour protéger le droit de rassemblement et de réunion” et pointe du doigt “l’usage excessif de la force contre les manifestants“.

D’autant que plusieurs affaires judiciaires sur fond de religion sont en cours dans le pays. Le procès de Nabil Karoui, directeur de la chaîne Nessma TV, pour “atteintes aux valeurs du sacré” qui avait repris depuis le 19 avril, vient d’être reporté au 3 mai prochain.

Il est accusé d’avoir autorisé, en octobre 2011, la diffusion du film d’animation “Persepolis”, primé à Cannes en 2007, où dieu est représenté sous les traits d’un vieil homme à la barbe blanche. Le film avait suscité de vives réactions au sein de la population donnant lieu à des émeutes puis à un sit-in depuis le 2 mars dernier qui s’est achevé récemment.

Fin mars déjà, des peines de sept ans d’emprisonnement avaient été prononcées à l’encontre de deux Tunisiens pour publication de documents “de nature à nuire à l’ordre public ou aux bonnes moeurs“. Lesquels caricaturaient la biographie et l’image du prophète Mahomet.

Le statut des médias nationaux fait également débat dans le pays. Dans un communiqué, l’Instance nationale pour la réforme de l’information et de la communication (Inric) a indiqué son désaccord quant à la “privatisation des médias publics”.

Cette réaction intervient quelque jours seulement après des déclarations à la presse de dirigeants du parti islamiste Ennahda, première force politique du pays, exprimant l’intention de “prendre des mesures radicales dans le domaine de l’information”. Rached Ghannouchi, président d’Ennahda, majoritaire à l’Assemblée constituante, s’est interrogé dans une récente interview “pourquoi les régimes démocratiques maintiendraient-ils des médias officiels ?” avant d’accuser ces mêmes médias de “comploter contre la volonté du peuple“.

L’Inric rappelle que les médias de service public participent “grâce à leur indépendance et à leur neutralité à l’égard de tous les centres de pouvoir” au jeu démocratique consistant “à développer la conscience du citoyen”.

De son côté, Anonymous n’a pas l’intention de faire marche arrière sur la question du contrôle du web par le Gouvernement :

Ce peuple qui a dit non a Ben Ali , ce peuple qui a créé le Printemps Arabe, ce peuple qui a pleuré le jour où l’on a touché à son drapeau, n’acceptera plus jamais la soumission.

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Les Anonymous dévoilent Ennahdha http://owni.fr/2012/04/17/les-anonymous-devoilent-ennahda/ http://owni.fr/2012/04/17/les-anonymous-devoilent-ennahda/#comments Tue, 17 Apr 2012 10:53:05 +0000 Rodolphe Baron http://owni.fr/?p=106286 OWNI s'est entretenu, ont installé sur des serveurs plus de 3 000 mails de dirigeants du parti islamiste tunisien Ennahda, actuellement au pouvoir. Dont certains se révèlent embarrassants pour le gouvernement. Un email dévoilé hier envisageait des manoeuvres en vue d'intégrer la charia au droit tunisien, en dépit des déclarations officielles. D'autres évoquent des opérations financières douteuses.]]>

Depuis le début du mois d’avril, des milliers d’emails de dirigeants du parti Ennahdha, au pouvoir en Tunisie, sont piratés et diffusés par les Anonymous. Hier, une nouvelle vague de fuites contenait des documents potentiellement embarrassants pour les dirigeants d’Ennahdha. Ces courriels proviennent du ministre de la l’Agriculture, Mohamed ben Salem.

On peut y lire en particulier un procès-verbal du bureau exécutif d’Ennahdha daté du 19 mars dernier (en arabe). Le document indique que les membres du bureau ont évoqué l’idée d’une opération de déstabilisation contre les institutions internationales qui participent au soutien financier de la Tunisie – soit le FMI, l’Union européenne et la BCE – avant de se rétracter.

Lors de cette même réunion, il a également été question de trouver des solutions pour intégrer des éléments de charia dans le droit tunisien. Même si publiquement le parti Ennahdha revendique la culture musulmane mais se défend de vouloir faire appliquer la charia.

Cette découverte en accompagne des dizaines d’autres. Jusqu’ici, 3 500 documents appartenant notamment au Premier ministre Hamadi Jebali ont été mis en ligne sur des serveurs des Anonymous. Dans ces listes de courriels, il est aussi question de fraudes électorales, de censure ou d’opérations financières.

Ennahdha, majoritaire à l’assemblée constituante, et le gouvernement démentent mordicus la véracité d’une partie des documents. De son coté Anonymous, assure de leur authenticité et promet de nouvelles révélations sur les coulisses du pouvoir de ces deux dernières années.

En octobre 2011, neuf mois après le départ de Ben Ali, qui profite désormais de sa retraite de dictateur dans une salle de sport en Arabie Saoudite, les premières élections libres ont eu lieu en Tunisie. Celles-ci ont pour but la création d’une Assemblée constituante qui devra rédiger la prochaine loi fondamentale du pays. Après décompte, les membres du parti islamiste Ennahdha  sortent très largement vainqueurs du scrutin et raflent 89 sièges sur les 217 que compte la nouvelle Assemblée.

Cependant, un courriel provenant de la boîte mail du Premier ministre, Hamadi Jebali, évoque l’existence de possibles fraudes électorales. Selon le document, les Tunisiens de l’étranger auraient pu voter deux fois. Une première fois dans leur pays de résidence et une seconde fois en Tunisie.

Un rapport de l’organisme supervisant l’élection aurait même été déposé pour annuler les votes du bureau de Bruxelles Nord pour cause d’irrégularités.

Un second document interpelle également sur les règles du scrutin. Selon ce tableau statistique, le nombre de sièges attribués par région ne serait pas conditionné au nombre d’habitants y résidant mais à sa superficie totale.

La légitimité de la première force politique du pays est, potentiellement, sujette à caution si les documents s’avéraient authentiques. D’autant que le nouveau gouvernement ne semble pas avoir souhaité partager le pouvoir. C’est tout du moins ce qu’explique un des membres d’Anonymous Tunisia avec lequel OWNI s’est entretenu :

Nous avons attaqué Hamadi Jebali parce qu’il est le symbole d’un gouvernement qui fait marche arrière sur les libertés, pas parce qu’il fait parti d’Ennahdha. Le gouvernement est responsable d’actes d’agressions commis contre des manifestants chômeurs et du lancement d’une cellule de sécurité pour censurer et contrôler Internet. Le fait d’être élu par le peuple n’est pas une raison pour s’en prendre à nos libertés.

D’ailleurs, dans les mails publiés, un document atteste de l’exclusivité du pouvoir voulue par des responsables du parti islamiste. Celui-ci évoquait la possible suppression par la télévision nationale du terme “transitoire” pour qualifier le gouvernement en place.

Majoritaire à l’Assemblée constituante, Ennahdha a officiellement envisagé jusqu’à la fin mars, d’intégrer la loi islamique dans la nouvelle constitution du pays.  Ennahdha, encore, discutait en interne de la nécessité de garantir la non-indépendance de la Banque centrale tunisienne et déplorait dans un autre documentla pression européenne et française pour accélérer le processus démocratique”.

Mais la ligne politique adoptée par le gouvernement transitoire n’est pas l’unique élément abordé dans ces courriels. Des affaires financières, plus troubles, semblent y apparaître. Comme ce courrier envoyé sur la boîte mail du parti Ennahdha et contenant les coordonnées bancaires de Kamal Ben Amara, un élu Ennahdha à l’Assemblée constituante, titulaire d’un compte à la Qatar international islamic bank. Avant de s’engager en politique il aurait travaillé chez Qatar Petroleum, la compagnie pétrolières nationale du riche État du Qatar, comme le montre un ancien répertoire du groupe. Et dans l’actuel gouvernement ben Amara a été nommé vice-président à la Commission de l’énergie.

À ce titre, il fait partie des membres du gouvernement habilités à négocier, entre autres, les investissements dans la raffinerie de Skhira, la plus grande de Tunisie, avec une production estimée à 120 000 barils par jour.  Coût de construction : 1,4 milliard d’euros. Un appel d’offres remporté par Qatar Petroleum qui pourra l’exploiter en partie pour les deux décennies à venir.

En outre, dans les coordonnées bancaires envoyées par mail à Ennahdha, figure un “Swift Code” utilisé pour les virements internationaux. Le problème étant de savoir dans quel sens les virements bancaires ont été effectués. De Kamal Ben Amara vers Ennahda ou du parti vers Ben Amara, pour les besoins de sa campagne électorale par exemple.

Devant les nombreuses interrogations que posent ces documents, aussi bien dans leurs contenus que sur leur authenticité, Anonymous invite les internautes qui le peuvent à vérifier sans tarder:

Les emails comme les SMS et les moyens de communication électroniques sont devenus des pièces justificatives devant les tribunaux. Les en-têtes des emails confirment les sources et les trajets des courriels via leur identifiant unique. S’ils étaient falsifiés, tout le monde le remarquerait et surtout les spécialistes en informatique. J’invite tous ceux qui doutent à vérifier.

Début avril, le gouvernement tunisien a annoncé qu’il maintenait en activité l’Agence tunisienne d’Internet pour lutter contre la cybercriminalité. Sous la dictature, l’agence gérait la censure sur Internet pour le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), l’ancien parti de Ben Ali. Dans le principe de “sécurisation du web”, Anonymous voit un retour masqué de la censure. Incompatible, selon le collectif, avec la garantie des libertés individuelles :

Ceux qui gèrent le pays sont ceux qui doivent assumer. Mais si le Gouvernement change de ligne de conduite, surtout concernant la censure du net, Anonymous fera un pas en arrière.
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Les Data en forme http://owni.fr/2011/12/05/corruption-data-finlande-tunisie-population-musique/ http://owni.fr/2011/12/05/corruption-data-finlande-tunisie-population-musique/#comments Mon, 05 Dec 2011 07:32:58 +0000 Paule d'Atha http://owni.fr/?p=89090 C’est à ce moment précis que vous pouvez monter le son et mettre en pause quelques minutes éblouissantes de votre vie.

Stephen Malinowski a pratiqué le piano durant deux décennies avant d’entamer une carrière de programmeur. À la croisée de ces chemins est née la machine à animer la musique, concept phénoménal de visualisation réalisé grâce à un simple petit logiciel de sa fabrication. Nous vous proposons ci-dessous un peu d’émerveillement grâce à la célébrissime Nocturne opus 9 n°2 en mi bémol majeur de Frédéric Chopin, qu’il composa lorsqu’il avait tout juste vingt ans. Et nous vous encourageons vivement à partir à la découverte de l’univers géométrique de Malinowski : vous rêverez alors de ronds, de carrés, de losanges et de couleurs arc-en-ciel.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

“Cette époque est désaxée”

Vous connaissez sans aucun doute l’ONG Transparency International, qui lutte contre la corruption dans le monde en enquêtant sur le terrain et en remontant les informations à la population et au plus haut niveau des États. Chaque année, cette organisation publie son indice des perceptions de la corruption, et 2011 est l’occasion de mettre en forme toutes ces données [zip] (récoltées via 17 sources auprès de 13 institutions) à l’aide d’une élégante dataviz. Sans surprise, la Norvège, la Suède, la Finlande et le Danemark – accompagnés de la Nouvelle-Zélande et de… Singapour – sont les pays dont les pouvoirs publics sont les moins corrompus du monde. Nous vous laissons découvrir quels sont les 12 Etats à l’autre bout de cet index.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

“The Proxy Platform” (qu’on traduira un monde de mandataires) est une pièce fascinante du Projet de Couverture de la Corruption et du Crime Organisé (OCCRP), réseau de journalistes d’investigation d’Europe de l’est et d’Asie centrale. Cette cartographie de haut-vol met en lumière l’énorme travail de recherche qu’il a été nécessaire de déployer pour comprendre les mécanismes les plus insidieux de la corruption, des falsifications d’identités – souvent aux dépens des citoyens incriminés -, des politiciens véreux, des crapules de tous bords et des banquiers fantômes. Le principe de la cartographie est simple et efficace : un “proxy” (mandataire), une entreprise-fantôme, une banque – une bulle contextuelle qui apparaît, une histoire-enquête à lire. Et une passionnante et inédite grille de lecture de ces réseaux d’influence.

Plus humoristique, mais pas moins sérieux, l’initiative du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) en faveur du renouveau en Tunisie : La bourse de la corruption est une plate-forme de crowdsourcing et de visualisation en direct d’un cours fictif des différents actes de corruption possibles dans un pays en transition démocratique. On y vérifiera donc si l’achat d’un match de foot vaut toujours plus que le passage en douce d’un container à la douane, ou si l’obtention “amicale” d’un permis de conduire équivaut toujours plus ou moins à vingt fois le pot-de-vin nécessaire pour l’annulation d’une amende au feu rouge. Nos lecteurs tunisiens sont invités à participer à l’enrichissement de cette application citoyenne. Et ceci n’est pas une tentative de corruption.

“Être ou ne pas être”

Eloignons-nous de la corruption pour deux petites datavisualisations politiques franchouillardes que nous avons aimé cette semaine.

La première nous a été soufflée par Anthony Veyssière (merci à lui) et concerne l’élection présidentielle française – posant la question que nous nous posons tous : qui tweete le mieux ?
ReTwhit2012 est ainsi une web-application qui “récupère les tweets de personnalités politiques françaises via l’API de Twitter et les classe en fonction de leur nombre de retweets et de la date”, soumise au concours #Googleviz que nous avions récemment évoqué dans un autre épisode des Data en forme. Nous souhaitons donc bonne chance (s’il en est) à Anthony pour ce sympathique projet.

Autre habitué de la bidouille, le journaliste de données du Monde.fr Alexandre Léchenet, qui a fait un passage chez OWNI , est le co-auteur de la récente cartographie des batailles de Paris auxquelles nous risquons fort d’assister lors des prochaines législatives au printemps. Une carte Google, un peu de découpage, du contexte, et voici la capitale cisaillée et expliquée avec limpidité.

“Qui meurt paie ses dettes”

Nous vous avons précédemment guidé vers le travail de Jenn Finnas pour sa carte Occupy Wall Street. Nous nous tournons aujourd’hui vers une autre partie de son corpus : Qui sont les plus riches Finlandais ? Grâce à une représentation très épurée, Finnas met en lumière un certain de nombre de vérités dévoilées tous les mois de novembre en Finlande par les services des impôts (vous savez, ceux qui ne sont pas corrompus). Par exemple : ce ne sont pas ceux qui travaillent le plus qui gagnent le plus. Et autres joyeusetés du même goût. Pour la partie technique, le (data-) journaliste, habitué de D3.js – dont on vous a déjà causé plusieurs fois – et de Protovis, s’est emparé cette fois-ci de Raphael.js.

Il ne vous a pas échappé que nous avions récemment passé le cap officiel des 7 milliards d’êtres humains sur Terre. Cet événement donne lieu à une avalanche d’inspirations graphiques – plus ou moins heureuses, dont nous avons fait le tri ici ou . Cette semaine, nous vous avons sélectionné une infographie originale nommée Seven Billion. Rassurez-vous, si l’originalité n’est pas dans le titre, elle est bel et bien dans la réalisation : son allure “sci-fi” offre un confort de lecture pas si fréquent, et le choix des données utilisées et comparées est d’une grande pertinence. Saviez-vous, par exemple, qu’il y avait sur notre planète 350 millions de tonnes d’êtres humains – soit 8,5 fois moins que la masse totale de fourmis ? Saviez-vous que nous, sept milliards que nous sommes, comptons pour 0,00018% de la biomasse terrestre mais que nous utilisons 20% des ressources du sol sur lequel nous vivons ? Savez-vous à quoi ressemble l’être humain type ? Vous le découvrirez grâce à cette élégante visualisation.

Pour terminer cet 11e épisode des Data en forme, nous vous proposons une nouvelle “histoire par les cartes” (Map Stories) racontée par l’ESRI : Our Global Footprint place savamment les débiteurs et les créditeurs de l’empreinte carbone mondiale. Ces spécialistes examinent la biocapacité disponible (c’est-à-dire la capacité de la nature à produire des biens utiles et à absorber nos déchets tels que les émissions de dioxide de carbone) et la mette en balance avec notre empreinte écologique.


Retrouvez les précédents épisodes des Data en forme !
Les illustrations sont des captures d’écran des sites mentionnés ; les intertitres sont de William Shakespeare.


Auto-promo : 22Mars, la société éditrice d’OWNI, a développé et dévoilé cette semaine une application d’Open Data “Où habitez-vous vraiment ?” avec Orange Labs en partenariat avec la Fing et EverydataLab. Allez faire le test !

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Un Nobel ne fait pas le printemps http://owni.fr/2011/10/06/un-nobel-ne-fait-pas-le-printemps/ http://owni.fr/2011/10/06/un-nobel-ne-fait-pas-le-printemps/#comments Thu, 06 Oct 2011 10:16:41 +0000 Yves Gonzalez-Quijano http://owni.fr/?p=82283 [Mise à jour, lundi 10 octobre] Vendredi, le prix Nobel de la paix 2011 a été remis à la présidente du Libéria, Ellen Johnson Sirleaf, à l’activiste libérienne Leymah Gbowee, et à la militante yéménite Tawakkul Karman. Le comité les a choisies “pour leur lutte non-violente pour la sécurité des femmes et pour le droit des femmes à participer pleinement à la construction de la paix”. Sur son blog, Yves Gonzalez-Quijano a réagi à cette nomination : “Un Nobel un peu collectif (trois récipiendaires) et le “printemps arabe” associé au prix Nobel de la paix sans en occuper, au risque d’un malentendu, le centre : bonne pioche les Nobel !”

On a envie de paraphraser la belle formule employée vers la fin du mois de mai dernier par trois intellectuels syriens exhortant Bernard-Henri Lévy, au regard de ses antécédents vis-à-vis de la question palestinienne, à bien vouloir s’abstenir de toute intervention sur ce qui se passe dans leur pays… Elle pourrait en effet très bien convenir aux jurés de l’académie suédoise dont on dit que les choix pourraient, dans quelques jours [ndlr : remis vendredi 7 octobre] consacrer une figure arabe !

Pour le prix Nobel de la paix, on parle ainsi soit de l’Égyptienne Esraa Abdel-Fattah, une des militantes du Mouvement du 6 avril, organisation au cœur des mobilisations qui ont conduit au renversement de Moubarak, soit de la Tunisienne Lina Ben Mhenni (une universitaire de 26 ans dont le blog a déjà été distingué en juin dernier par les très reconnus BOBs Awards, organisés par le Deutsche Welle Global Media Forum). Dans les deux cas, les médias nous expliquent qu’il s’agit de saluer à la fois la contribution des médias sociaux et celle de femmes militantes du Printemps arabe©.

Sollicitude soudaine

Une “brillante idée”, naturellement ? Pas si sûr si l’intention est bien d’apporter un soutien explicite à des “musulmanes modérées”. Nonobstant le fait que l’Égyptienne qui serait retenue pour le prix s’obstine à porter un foulard de tête bien inquiétant pour ceux qui croient que c’est un premier pas vers la “burqa intégrale” comme on dit aujourd’hui en France, on peut facilement imaginer que l’octroi d’un prix aussi prestigieux va susciter bien des envies… Autrement plus grave est le fait que, dans le contexte actuel, une telle reconnaissance risque fort de conforter dans leur point de vue tous ceux qui s’interrogent sur la soudaine sollicitude des nations les plus riches vis-à-vis du monde arabe, et qui voient, à l’image de ce qui s’est passé en Libye sur le terrain militaire, une grossière ingérence étrangère sous couvert de nouveaux médias et de soutien à la liberté d’expression.

Quel que soit le crédit qu’on accorde à une telle argumentation, il faut bien reconnaître que le seul fait qu’on mentionne également, toujours pour le prix Nobel de la paix, le nom de Waël Ghoneim donne du grain à moudre à ceux qui pensent que l’employé de Google, le géant américain de l’Internet, est sans doute une icône médiatique parfaite, non pas pour les Arabes mais pour l’”Occident” (à qui il destine d’ailleurs ses Mémoires de combat qui seront publiés par un éditeur américain).

De quoi conforter dans leur opinion des analystes tels que Rabab el-Mahdi, professeure de sciences politiques à l’Université américaine du Caire, qui lisent ce nouveau narrative élaboré à l’occasion du soulèvement arabe comme une manière de reconnaître une certaine opposition pour mieux ôter toute légitimité à tout ce qui serait trop violemment barbu et trop éloigné des “bons” critères de la modernité politique ! D’ailleurs, en 1988 déjà, lorsque le Nobel de littérature avait été décerné au romancier égyptien Naguib Mahfouz, certains avaient estimé que cette reconnaissance de la fiction arabe moderne venait bien trop tard.

En ne mentionnant que ses textes les plus traditionnels et les moins susceptibles de faire entendre la spécificité de la narration arabe (il est vrai qu’il n’y avait guère de traductions à cette époque…), le prix consacrait enfin un auteur, devenu acceptable sur le plan international dès lors qu’il s’était associé au traité de paix voulu par Anouar El-Sadate, mais violemment refusé par une très grande partie de l’opinion non seulement égyptienne mais arabe.

Rendez-vous raté

Un rendez-vous raté en somme, qui pourrait bien se répéter. Car pour ce qui est de l’autre prix qui, selon les experts, pourrait bien aller à un Arabe, là c’est vraiment de la dynamite comme aurait pu dire Alfred Nobel ! “Il est temps de couronner un poète du Proche-Orient”, se murmure-t-il ainsi dans les couloirs feutrés où se font les prix internationaux. Déjà, on aimerait qu’un prix aussi important ne vienne pas enfoncer des portes désormais ouvertes grâce au combat des manifestants arabes ! On aurait ainsi aimé qu’une telle idée ait germé dans des esprits moins frileux, par exemple lorsque Mahmoud Darwich était encore vivant… Mais il y a peu encore, le monde arabe était fort peu à la mode et la voix de la résistance palestinienne – pourtant traduite dans une multitude de langues – ne suscitait visiblement pas de bons échos !

Et surtout, s’il est bien vrai que l’idée du jour est de récompenser l’œuvre sans nul doute importante de cet autre poète qu’est le “Libanais syrien de naissance” Adonis, il s’agit ni plus ni moins d’un contresens tragique ! Passons sur le fait qu’Adonis a déjà été fort bien récompensé (il vient encore de remporter le très prestigieux prix Goethe en juin dernier)… Mais que cette incarnation, aujourd’hui fort âgée, d’une certaine forme d’opportunisme intellectuel passe pour un authentique représentant de la jeunesse révolutionnaire arabe, au prétexte qu’il a fini des mois après le début des événements qui font tellement de victimes dans son pays natal, par publier une filandreuse lettre ouverte au président syrien, c’est vraiment user du politiquement correct pour insulter la mémoire des vrais résistants arabes.

Messieurs du Nobel, de grâce, épargnez aux Arabes un tel soutien !


Article initialement publié sur Culture et politiques arabes sous le titre “Un Nobel politiquement correct ? Epargnez aux Arabes un tel soutien !”.

Illustration & Photo FlickR CC [by-nc] ereneta [by-nc-sa] Betsithedivine

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Le roi d’Orange démaquillé http://owni.fr/2011/09/21/orange-stephane-richard-bfm-france-telecom-internet-operateur/ http://owni.fr/2011/09/21/orange-stephane-richard-bfm-france-telecom-internet-operateur/#comments Wed, 21 Sep 2011 06:30:12 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=79886 C’est la rentrée ! Belle époque où l’on balade son cartable en crânant avec ses fournitures neuves. Et Stéphane Richard n’échappe pas à la règle: le boss de France Télécom/Orange s’est plié à l’exercice de com’ de ce mois de septembre, sur BFM Business, dans l’émission “Club VIP”. L’été s’était terminé dans la douleur pour “FT”: bourses qui ballotent, arrivée de Free dans le mobile ou fin de l’Internet fixe illimité; l’actualité a pas mal titillé l’ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde, qui se veut aujourd’hui rassurant.

Santé financière du groupe, stratégies sur fixe et mobile, investissements dans les infrastructures et les contenus: OWNI réécoute et dépiaute le discours officiel du patron d’Orange pour cette année.

L’illimité c’est pas fini. C’est “ajusté”

Qu’on se le dise, l’Internet illimité, “c’est pas fini” (comme il le dit à 16′25 de son entretien). Selon le patron d’Orange, c’est même une “polémique qui n’aurait pas dû exister”.

Selon lui, les plans de la Fédération Française des Télécoms (FFT – rassemblant les principaux opérateurs, Free et Numericable exclus) révélés par OWNI, ne valaient pas la peine d’être communiqués. Ils consistent pourtant à calquer les offres Internet mobile sur les forfaits fixes. A appliquer un tableau prévoyant de plafonner la navigation de salon, en excluant le peer-to-peer, la voix sur IP ou les newsgroup. Un détail, pas grand chose, tout juste la remise en cause du modèle français de l’Internet illimité. Pas de quoi tenir au courant les millions d’abonnés français.

Une broutille telle que Stéphane Richard ne lâche rien et s’appesantit sur l’“attachement” d’Orange à ce modèle qui “a permis le succès d’Internet en France”.

Modèle pérenne donc, mais tout de même “ajusté”. On ne sait pas bien en quoi consistent ces “ajustements”, reste qu’ils reviennent à tout bout de phrase dès qu’il est question de fin d’illimité:

Qu’il faille naturellement des ajustements qui se fassent dans un monde où tout change, les usages changent, les habitudes de consommation. Bien sûr tout ça, oui.

“Tout ça”, c’est donc d’abord une adaptation aux usages qui “changent”, un peu comme le monde ma bonne dam’. Dans le viseur de Stéphane Richard, le – déjà célèbre – “net goinfre”, évoqué à de nombreuses reprises fin août dernier, alors qu’Orange rétro-pédalait vigoureusement pour nous répéter qu’entre eux et l’illimité, c’était le grand amour. Ces “1% des gens” censés télécharger des films “toute la journée”, nous disait alors le porte-parole du groupe Jean-Marin Culpin. Si on ne sait toujours pas d’où sortent ces chiffres, ce qui semble néanmoins se confirmer à demi-mot c’est qu’au-delà d’un certain seuil, Internet sera donc… limité. Satanée boucle.

Internet ? Un marché “pas du tout appelé à baisser”

“Tout ça”, c’est aussi la hausse des prix sur le fixe. S’il se sait marcher sur des œufs, le patron de FT n’a d’autre choix que de cracher le morceau:

Les Français se sont habitués à payer pas cher l’accès à Internet, c’est très bien, ça a permis de développer formidablement l’usage de l’Internet en France. Maintenant, euh… il faut aussi que chacun prenne conscience que… euh… on va dans les années qui viennent plutôt vers une stabilisation ou une légère remontée des prix, qui est nécessaire si on veut investir dans les investissements lourds notamment dans la fibre.
(à 16′20 de son entretien)

Aaaah! “Les-investissements-lourds-notamment-la-fibre”. L’expression valise qui justifie à peu près toutes les offensives des opérateurs. Limitation des usages? “5% d’internautes mobilisent par leurs excès 80% de la bande passante. Il faut rendre les gens responsables ! “ La contribution des sites à l’entretien du réseau ? Une des “propositions concrètes” des opérateurs européens pour “relever le défi de l’investissement en bande-passante”. Défi qui justifie donc désormais un nouveau prélèvement dans les foyers français – et bonne rentrée, hein.

Détournement d'une campagne Orange par la Quadrature du Net

Mobile: les bons conseils de Stéphane Richard

Fort heureusement, sur le mobile: l’heure est à la baisse. Preuve en est ce tout nouveau forfait Orange, intitulé Sosh, et qualifié d’offre “low cost”. Bel effort de FT, qui selon son directeur pourrait représenter près de 15% des offres mobiles en France !

Des prévisions reluisantes auxquelles Stéphane Richard accorde du crédit uniquement pour son groupe. En ce qui concerne son tout nouveau concurrent sur le marché, Free, en revanche, il ne faut pas prendre les vessies pour des lanternes, prévient le boss de FT. Et d’enfoncer le clou:“quand j’entends des gens me dire que Free va, comme ça, moissonner dans les clients de Bouygues, SFR et les nôtres, des centaines de milliers de gens, je trouve que c’est une vision un peu naïve”.

Avec une entrée sur le mobile accompagnée d’offres à quelques euros, Xavier Niel risque de produire un “effet déceptif”, explique Stéphane Richard. Prévenant, il tient à mettre en garde les Français, en les invitant à ne pas s’attarder sur le tarif, mais sur le critère qualité/prix.

Le marché, ce n’est pas que question de prix. Le problème est: qu’est-ce qu’on a pour ce prix là ?
Je donne juste un conseil, si je peux me permettre, à tous les téléspectateurs. Quand il y aura toutes ces nouvelles offres, regardez ce qu’on vous offre pour ce prix là. Ne vous précipitez pas juste parce qu’il y a un prix qui paraît alléchant. Regardez quand même ce qu’on vous propose en terme d’heures de voix; ce qu’on vous propose en terme de SMS/MMS; ce qu’on vous propose en termes de data aussi.

(à 15′10 de son entretien)

Super pratiques les trucs et astuces conso de Stéphane Richard ! Prenez l’offre Sosh: sans les conseils de Stéphane, personne n’aurait vu les 10 mentions légales écrites en tout petit au bas de la promo du forfait. Avec Sosh, donc, on dispose d’un accès à Internet mais avec les “(3) usages P2P interdits” ou d’un certain volume de données en 3G rechargeable avec les (7) “pass internet 100Mo à 3€, 200Mo à 6€, 500Mo à 10€, valable 30 jours”. Bref, “quand il y aura toutes ces nouvelles offres, regardez ce qu’on vous offre pour ce prix là.”

Orange, partenaire de vos contenus

Après Deezer et Dailymotion, Orange annonce une poursuite de son offensive dans les contenus. De préférence ceux qui sont “vraiment prisés sur Internet”. Comprenez les vidéos, les jeux vidéo. Des services très fréquentés et particulièrement gourmands en bande passante. Oh wait !

Ceux-là même accusés par Orange de congestionner les infrastructures de réseau. En mai dernier, en plein bras de fer avec les éditeurs de contenu, Stéphane Richard déclarait à l’occasion de l’eG8:

Sans nous il n’y a pas d’Internet; sans nous, sans nos réseaux, il n’y a pas de Facebook, pas de Google. Tout ça n’est possible que parce que les opérateurs investissent pour construire les réseaux.

De menace pour les tuyaux du net, les sites deviennent donc une activité lucrative à laquelle les opérateurs ont tout intérêt à s’associer. La hache de guerre n’est néanmoins pas encore totalement enterrée, les opérateurs turbinant sec à Bruxelles afin que la Commission force les sites à financer les infrastructures. Mais voilà certainement “une polémique qui ne doit pas exister.”

Orange se dit donc “à l’affut” pour devenir “partenaires” des éditeurs de contenu à la mode. “Partenaires”, attention, et non pas “acteur directement dans le contenu”, tient à souligner Stéphane Richard. Autrement dit, pas d’incursion dans l’édition, houla non! A peine un rôle de facilitateur.

Prenez Deezer. Sur son forfait mobile Origami, Orange a aménagé une voie royale au service de streaming musical . Pour 5 euros de plus, l’abonné a le droit d’écouter tout le catalogue, sans que Deezer entre pour autant dans la limite de consommation de 500 Mo mensuel -fixée pour toutes les autres applications. Enfin de l’Internet illimité ! Enfin, de l’Internet, mais à la sauce Orange.

La crise rogne les marges

Un dernier mot sur la santé du groupe. En ces temps de chute, stress, ballotage, déprime, angoisse (et tout le toutim) des bourses mondiales, Stéphane Richard tient à le dire: “on n’a rien à voir avec la crise grecque. On n’a pas d’activités en Grèce.” Les clients et employés de FT n’ont pas de souci à se faire face à la crise financière.

D’autant plus que le groupe renforce ses positions en Europe (bizarrement son rôle en Tunisie, lui, n’a pas été mentionné), tout en “se mettant à l’abri pour une bonne année”. Le côté “auvergnat” de l’entreprise, confie Stéphane Richard.

Mais ce n’est pas la fête pour autant chez FT. Parce qu’en se tourneboulant, le monde, il vient menacer les marges des opérateurs. Et Stéphane Richard le dit: “moins on aura de marge, moins on investira”. Vous voilà prévenus.


Illustrations CC FlickR: miss_margaret, montage OWNI (CC FlickR: gpaumier, miri695, bryan hatcher)

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La Tunisie 2.0 est aux urnes http://owni.fr/2011/08/29/la-tunisie-2-0-est-aux-urnes/ http://owni.fr/2011/08/29/la-tunisie-2-0-est-aux-urnes/#comments Mon, 29 Aug 2011 06:15:59 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=76696

Un vieil immeuble au cœur de Tunis, près du quartier “Le Passage”. Ici, le quatrième étage est occupé par un groupe de citoyens très impliqués dans l’aventure démocratique que connaît la Tunisie. Ensemble ils animent le site Afkar Mostakella. Littéralement “Idées indépendantes”, une plateforme internet qui fédère les idées émises par les citoyens inscrits pour le scrutin du 23 octobre, qui devra désigner les membres de l’Assemblée constituante.

Les hacktivistes, militants du libre, de l’open-data et de la transparence, artisans de la révolution de janvier dernier, préparent ce rendez-vous avec l’histoire, comme les autres mouvements. Seule exigence posée par Afkar pour les candidats indépendants intéressés par cette boite à idées : ils doivent adhérer au socle de valeurs qu’a défini l’équipe.

Le spectre est large, plutôt consensuel en première lecture. “Préservation des libertés individuelles”, “valeur d’égalité entre tous” et “lutte contre toutes les discriminations” ne semblent pas de nature à créer des lignes de fractures entre les candidats. Farès Mabrouk, l’un des fondateurs, acquiesce et précise : “Il y a un socle général, mais des points plus précis font clivage, comme la transparence. Afkar exige que les candidats adhèrent à l’idée d’une “totale transparence”, à l’ouverture des données publiques pour un gouvernement ouvert. Farès Mabrouk plaide :

Les débats de l’Assemblée constituante devraient être télévisés, donc publics.

Les candidats indépendants qui acceptent ce socle de valeurs reçoivent une aide en trois volets de la part d’Afkar. Point principal, ils peuvent piocher dans une boite à idées soumises par les internautes inscrits. Les propositions concernent 21 domaines, dont le service public, l’éducation, l’économie, mais aussi la réconciliation et la justice transitionnelle. Un internaute a ainsi proposé l’amnistie pour ceux qui reconnaîtraient devant une commission spéciale leurs compromissions sous l’ancien régime, sur le modèle sud-africain. Un autre propose l’instauration d’un congé de paternité.

Appareil de parti crowdsourcé

Les candidats auront aussi une page sur le site d’Afkar pour accroître leur visibilité. Une équipe de coachs les conseillera. De quoi ressembler à un parti quand l’objectif était justement de s’en éloigner ? L’équipe d’Afkar s’en défend :

Il y a un peu de tout parmi nos candidats. Nous créons simplement l’équivalent de l’appareil de parti à partir du crowdsourcing. L’opposition légale du temps de Ben Ali n’était pas une force de proposition. Nous mobilisons l’intelligence collective via les outils du web.

Khadija Mohsen-Finan, enseignante chercheur en sciences politiques à l’université Paris VIII, soutient l’initiative d’Afkar. “D’une part, les programmes des partis sont très proches les uns des autres. Ils se trompent d’agenda d’autre part : les luttes de leadership remplacent les débats sur les projets” analyse-t-elle. Dans cette “Tunisie convalescente”, selon Linda Ben Osman, enseignante et community manager bénévole d’Afkar, l’équipe a craint le vide de propositions.

Le crowdsourcing est au coeur d’un autre projet mis sur pied à l’approche des élections. Plate-forme open-source Ushahidi, nchoof, “Je regarde”, sous-titré “ton regard sur ton pays” entend récolter les irrégularités observées par les électeurs, dans la lignée des initiatives lancées au Kenya en 2007 lors des violences post-électorales. L’un des fondateurs Khaled Koubaa nous explique par email que nchoof est “une combinaison d’activisme social, de journalisme citoyen et d’information géographique”. Les électeurs pourront signaler un incident observé dans un bureau de vote et il sera reporté sur une carte. L’observation électorale devient l’oeuvre de tous.

Nchoof est porté par plusieurs associations, notamment Consience Politique, et Internet Society (ISOC) Tunisie pour la partie technique. L’ISOC Tunisie est financée par le département d’Etat américain via le Middle East Partnership Initiative indique Khaled Koubaa, président de l’association. Les membres sont des militants du libre :

Nous travaillons pour préserver l’ouverture de l’internet et la neutralité du réseau [pour] favoriser l’open goverment et une meilleure transparence et gouvernance en Tunisie.

Une nouvelle forme de politique

Même son de cloche chez Afkar. Entre un tableau velleda rempli de to-do lists et un tableau papier avec un rétro-planning, Farès Mabrouk rappelle qu’il veut inaugurer “une nouvelle forme de politique qui utilise les réseaux sociaux”. Afkar n’est ni un parti, ni une association, ni un think tank, mais une plate-forme, un site internet qui rassemble un premier cercle de bénévoles d’une quarantaine de volontaires, tous plutôt jeunes, tous très connectés.

Une petite équipe est à l’origine. Slim Amamou, Houeida Anouar et Farès Mabrouk notamment. Mabrouk, de la même famille que Marwane dont le rôle avait été évoqué par OWNI à propos de la licence 3G d’Orange. Farès assure qu’il a d’excellentes relations avec son cousin germain, mais qu’elles sont de nature personnelles. Marwane n’a donc absolument rien à avoir avec Afkar, assure-t-il.

Le site s’impose la plus stricte transparence. En témoignent, les échanges de mails entre membres de l’équipe et documents de travail accessibles sur leur site, et, plus important, la liste de leurs sources de financements. “Ceux qui nous financent doivent accepter que leur nom soit diffusé, sinon nous refusons leur fonds” rappelle Farès qui reste le principal financier, en fonds comme en matériel. Khadija Mohsen-Finan aide aussi le projet : “La révolution a été faite par la société civile, la vigilance vient maintenant de la société”. Vigilance augmentée par les nouveaux outils du web.


Crédits photo FlickR CC by-sa opensourceway

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