OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 La société civile contrôlera aussi le Net http://owni.fr/2012/05/07/la-societe-civile-controlera-aussi-le-net/ http://owni.fr/2012/05/07/la-societe-civile-controlera-aussi-le-net/#comments Mon, 07 May 2012 11:00:14 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=109089 OWNI. Mais, sous la pression de plusieurs associations, le régulateur des télécoms (Arcep) ajuste le tir dans son projet de mesure de la qualité du Net français, selon des informations que nous avons recueillies auprès de proches du dossier. Un début de bonne nouvelle pour les consommateurs.]]>

Branchements internet de trois opérateurs différents - (cc) Nicolas Nova

“Très positif”. En plaçant des garde-fous dans le dispositif visant à mesurer la qualité de l’accès à l’Internet fixe, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) a marqué des points. Surtout auprès de certains représentants de la société civile, dont la voix devrait porter plus que prévu. Une caution non négligeable, même si tout reste à faire pour prendre le pouls du Net français en toute transparence.

Gardiens de la transparence

Désormais, les structures pressenties pour auditer la qualité du Net en France ne sont plus les seuls opérateurs. Aux côtés de France Télécom, SFR, Bouygues Telecom, Free, Numericable, Darty Telecom – qui couvrent plus de 100.000 foyers- et de la Fédération Française des Télécoms (FTT), qui les représente pour la plupart, l’Arcep a décidé d’ajouter les “représentants d’associations d’utilisateurs et des experts indépendants ayant manifesté leur intérêt pour le travail.”

Free, SFR, Orange et Bouygues en autocontrôle

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Accorder à Orange, Free, SFR et Bouygues le luxe de devenir les seuls juges de la qualité de leurs offres d'accès à ...

Une décision présentée il y a quelques jours dans les locaux de l’Autorité, qui rompt avec les premières orientations des travaux. Ces derniers mois, la ligne suivie par l’Arcep laissait en effet aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) la maîtrise de la mesure d’un bout à l’autre de la chaîne : choix de la méthodologie, du responsable des mesures…

Certaines associations (Afnic, La Quadrature du Net, UFC Que Choisir) avaient pointé du doigt les risques d’une telle orientation, qui confie aux FAI le double rôle avantageux de juge et partie : fournissant une prestation d’un côté, lui donnant une note de l’autre. Pour en faire au final une utilisation commerciale, vantant les bons résultats de la mesure.

Face à la levée de boucliers de la société civile, l’Arcep a donc changé de cap. Une décision qui va plutôt “dans le bon sens” nous confie-t-on du côté des opérateurs, qui souhaitent dénouer “le fantasme sur la relation entre l’autorité et les opérateurs.”

Encadrement et contrôle

Concrètement, le “comité technique” ainsi installé a la lourde tâche de définir et d’installer le système permettant de mesurer la qualité du réseau français à l’horizon 2013. Le tout dans un souci de “transparence de la démarche”, ainsi que de “sincérité et [d’]objectivité des mesures”, indiquent les documents de travail que nous avons consultés.

Des paroles suivies d’encadrements stricts. A priori. Dans une “charte de fonctionnement”, l’Arcep indique que “les opérateurs s’engagent” à justifier le choix du prestataire unique chargé de mesurer la qualité du réseau. Expliquer les raisons de leur préférence mais aussi incorporer les éventuelles remarques adressées par les autres membres du comité technique. A savoir, la société civile. Une nouveauté que les opérateurs disent accepter, sous réserve de “proportionnalité”. Autrement dit, hors de question qu’ils prennent en charge un dispositif, qu’ils sont déjà obligés de financer, trop coûteux. La distinction entre les précautions nécessaires et superflues seront à coup sûr au centre de tous les débats.

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Les opérateurs et l’Arcep s’orienteraient vers la mise en place de “lignes dédiées”, sur lesquelles le prestataire effectuerait 24 heures sur 24 une batterie de mesures. Débits descendant et ascendant, temps de chargement d’une page web ou qualité de visionnage de vidéos devraient être passés au crible.

Pour encadrer le dispositif, le gendarme des télécoms s’engage également à financer un système de mesures parallèles. En janvier, l’organisme de recherche Inria proposait de s’associer à l’initiative. Difficile à ce stade d’en savoir davantage, mais l’Arcep favoriserait le volontariat, des internautes effectuant eux-mêmes des tests à domicile. Contactée par OWNI, l’autorité s’abstient de tout commentaire, indiquant qu’elle ne communiquerait que lorsqu’elle aura “une annonce finalisée à faire.”

Reste à savoir comment les résultats de ce contrôle individuel pourra être comparé à ceux du prestataire, sur les “lignes dédiées”. Autrement dit, sur des lignes privées de tous les biais liés à un usage quotidien et normal du Net : performances du poste, accès en WiFi…

Gestion de trafic dans le viseur

Plus intéressant encore, l’Arcep réintègre dans son dispositif les mesures de gestion de trafic. Ces pratiques des opérateurs, qui permettent de dégrader ou même de bloquer un site ou un service -à tout hasard, le peer-to-peer-, avaient été d’abord écartées du chantier. Chantier visant pourtant à juger la qualité de la prestation des FAI. Une aberration pour La Quadrature du Net, qui avait signalé à l’Arcep la nécessité de leur prise en compte dans un chantier visant à garantir la neutralité des réseaux :

Pour pallier aux graves carences de son approche de la notion de qualité de service, l’Arcep doit faire évoluer ses indicateurs, de manière effective, vers la mesure des pratiques de gestion de trafic et de la dégradation sélective [...]. Pour ce faire, elle doit réfléchir urgemment à un calendrier et à une méthode adéquats. Il n’y a qu’ainsi qu’elle pourra contrôler les dires des opérateurs quant à leurs pratiques de gestion de trafic et contrôler le respect de leurs obligations de transparence.

Pas sûr néanmoins que le résultat de ces mesures atterrissent dans le grand public. L’affaire est soumise à de multiples précautions. Car si l’on constate une dégradation de service sur un réseau, l’opérateur qui en a la charge risque d’être mis au ban des consommateurs. Or il peut pâtir des mauvaises pratiques d’un concurrent, plaident les FAI :

Sur le peer-to-peer par exemple, il suffit qu’un maillon fasse une restriction pour qu’elle soit identifié sur l’ensemble de la chaîne.

L’Arcep va donc prendre ces mesures avec des pincettes, en n’effectuant dans un premier temps que des tests très simples sur les débits. Afin de déterminer si les offres vendues par les opérateurs correspondent à la réalité.

Les autres mesures quant à elles devraient faire l’objet de publication semestrielle. Les consommateurs pourront les retrouver à la fois sur le site des opérateurs et sur le site de l’Arcep.

Rien n’est cependant arrêté, puisque le régulateur prévoit de lancer une nouvelle consultation publique sur le sujet. Mais les réajustements du gendarme des télécoms rendent optimistes certains participants, qui ”n’attendaient plus rien ou très peu” de ce groupe de travail. S’ils reconnaissent les efforts de l’Arcep, d’autres en revanche se montrent plus prudents. A l’UFC Que Choisir, le responsable des dossiers numériques Édouard Barreiro reconnaît ainsi la “bonne volonté de l’Arcep” tout en regrettant que “la collecte et le premier traitement des informations issues des mesures demeurent au main des opérateurs.” “Il y a toujours une suspicion”, conclue-t-il. Difficile en l’état de s’assurer que les mesures de contrôle seront suffisantes. Surtout au vu de la charge de travail, que les représentants de la société civile auront le plus grand mal à suivre. L’un d’entre eux confie : “ils ouvrent les portes, mais nous n’avons pas les moyens de participer à toutes ces réunions. À l’inverse des opérateurs.”

Pour le comité technique en effet, la tache s’annonce chronophage : deux réunions par mois sont à prévoir jusqu’en 2013. Puis d’autres, pour assurer le suivi du dispositif. Un fardeau titanesque mais nécessaire, pour faire en sorte que cette mesure donne aux 22 millions de foyers branchés en haut ou très haut débit une véritable chance de contrôler la prestation de leur FAI. Et pour que ce projet ambitieux ne devienne pas un simple miroir aux alouettes.


Photo par Nicolas Nova (CC-by)

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La neutralité cachée d’Internet http://owni.fr/2012/03/23/lintrouvable-neutralite-du-net/ http://owni.fr/2012/03/23/lintrouvable-neutralite-du-net/#comments Fri, 23 Mar 2012 07:02:47 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=103049 OWNI dresse un bilan critique du chantier de la neutralité d'Internet et des réseaux. Un sujet stratégique pour l'avenir du numérique. Pour l'heure, les multiples compromis du moment portent en germe les compromissions de demain. ]]>

La neutralité des réseaux : “La moitié du travail du régulateur sur les deux années à venir”. Selon le patron de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) Jean-Ludovic Silicani, le sujet est le gros morceau qui occupera le gendarme des télécoms à l’avenir. Et qui le tourmente déjà.

L’autorité devait initialement rendre un rapport sur le sujet “au Parlement et au Gouvernement début 2012″. Fin mars de cette même année, l’affaire patine encore, saucissonnée en plusieurs groupes de travail, eux-mêmes répartis entre Paris et Bruxelles.

Pas facile d’y voir clair, mais l’Arcep nous l’assure : la neutralité sera au menu de sa conférence de presse de ce matin. Sans l’attendre, nous avons anticipé en réalisant une première inspection du chantier de la neutralité. Pour un résultat foutraque et opaque : peu d’informations filtrent sur l’avancement des travaux. Du côté des opérateurs, on refuse de communiquer sur le sujet, redoutant de voir la polémique de l’été dernier, sur la fin de l’Internet illimité, renaître. Pourtant, sous des apparences technocratiques et emberlificotées, ce débat a tout intérêt à être porté à la connaissance des usagers. Car c’est la définition même d’Internet qui est en jeu. Une définition susceptible de considérablement rogner les prés carrés de Bouygues, Orange et consorts…

Juge et partie

La fin de l’Internet illimité

La fin de l’Internet illimité

Des opérateurs veulent mettre un terme aux forfaits Internet illimités dans les foyers français. Un document de la ...


Premier volet du chantier neutralité : la “qualité de service de l’accès à Internet”. Bien avancé, ce groupe de travail a pour objectif de prendre le pouls du réseau français, afin d’apprécier la qualité des prestations des plus gros fournisseurs d’accès à Internet (FAI). Et pour éventuellement fixer, dans un second temps, un seuil au-dessus duquel le service des FAI sera jugé “suffisant”. L’enjeu est donc de taille pour ces derniers. C’est leur cœur de métier qui est ici évalué.

Si l’initiative est saluée de toute part, opérateurs, associations, experts réseau ou scientifiques s’accordant sur la nécessité de dresser un panorama de l’état du net français, de nombreux écueils sont pointés du doigt. Le plus gros étant le risque de mainmise des FAI sur la mesure, l’Arcep leur accordant en la matière des avantages considérables. Comme le choix du prestataire en charge de cette tâche ; confiant peu ou prou aux FAI un rôle de juge et partie. Un avantage sous le feu des critiques, dont OWNI s’est fait l’écho dès le démarrage de ce groupe de travail.

Dans sa réponse à la consultation publique [PDF] lancée par l’Arcep sur le sujet -et désormais clôturée-, l’association de défense des libertés sur Internet La Quadrature du Net s’en alarme :

Le fait que les opérateurs aient le choix du prestataire réalisant les mesures pose problème du point de vue de l’objectivité et de la sincérité des ces dernières, et les orientations fournies pour contrôler ces aspects n’apparaissent pas suffisamment convaincantes.

Les opérateurs juges et parties du net

Les opérateurs juges et parties du net

Le régulateur des télécoms cherche à déterminer la qualité du réseau français. Pour mettre en place le dispositif de ...

Pour remédier à ce problème, l’Afnic, qui a également publié sa réponse à la consultation du régulateur, préconise que les mesures soient effectuées “par un tiers réellement indépendant, s’appuyant sur des logiciels ouverts et publics, et en suivant une méthodologie transparente.”

Interrogée par OWNI, l’association UFC-Que Choisir, qui avait déjà alarmé l’Arcep à ce sujet, va plus loin : en l’état, les orientations du régulateur pour définir la qualité du réseau français “ne peuvent pas permettre d’atteindre cet objectif.” “Les méthodes choisies ne peuvent aboutir à une information transparente, objective et indépendante pour le consommateur” ajoute Édouard Barreiro, responsable du numérique à l’UFC.

Car outre le choix du prestataire, les opérateurs garderaient également la main sur la définition de la méthodologie employée pour la mesure, ou “référentiel commun”. De même, la solution préconisée par l’Arcep, qui consiste en la pose d’une “sonde matérielle” sur la ligne des utilisateurs, peut être contournée. “Le risque existe en effet que les opérateurs biaisent les mesures, par exemple en offrant une qualité de service supérieure aux abonnés « tests » ainsi repérés”, prévient La Quadrature du Net. Là encore, des mesures de contrôle indépendantes sont préconisées.

Les télécoms perdent toute autorité

Les télécoms perdent toute autorité

Hier matin, le régulateur des télécoms a tenu sa conférence de rentrée. L'occasion de poser les questions qui fâchent ...

Pour le moment, difficile de connaître les intentions des opérateurs. Contactés par OWNI, la majorité se refuse à donner son avis sur la question avant que le gendarme des télécoms ne publie officiellement les réponses. De même pour la Fédération française des télécoms, qui réunit les FAI (à l’exception notable de Free et Numericable) et qui n’a pas souhaité nous en dire plus, tout en confirmant avoir répondu à l’appel de l’Arcep.

Laquelle devrait donner la date de publication de ces contributions après la conférence de presse de ce vendredi, sans donner plus de précisions. Il y a quelques mois, nous avions demandé au patron du gendarme des télécoms Jean-Ludovic Silicani de réagir à ces critiques : visiblement irrité, il nous avait renvoyé à ” l’auto-responsabilité des entreprises”. “Nous faisons confiance aux opérateurs, sans pour autant exécuter leurs ordres” avait-il ajouté.

Opaque transparence

Pas sûr que ces déclarations suffisent à dissiper les inquiétudes. D’autant qu’un autre groupe de travail, toujours sur la neutralité des réseaux, vient corser l’affaire.
En collaboration avec l’Arcep, deux délégations du ministère de l’Industrie (la DGCIS et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), planchent parallèlement sur la question de la “transparence relative aux pratiques de gestion de trafic” mises en place par les opérateurs.

A priori, l’enjeu est de faire en sorte qu’Orange, Free, SFR ou Numericable communiquent sur la réalité de leurs offres Internet, en indiquant clairement pour quels services leurs clients paient. Une approche particulièrement importante sur le mobile, sur lequel le peer-to-peer ou la voix sur IP (par exemple Skype) ont été historiquement bannis des abonnements.

L’Internet illimité au purgatoire

L’Internet illimité au purgatoire

L'idée de brider Internet était promise aux enfers. À en croire les opérateurs, en particulier Orange, le projet aurait ...

Mais là encore, difficile d’en savoir davantage. Côté Arcep et DGCCRF, c’est motus et bouche-cousue. “Il n’est pas opportun de communiquer là-dessus” nous affirme-t-on du côté de Bercy, sans toutefois préciser la nature de cette inconvenance. Il semblerait que l’ombre de l’été dernier plane sur le groupe de travail : les opérateurs redoutent en effet de voir se répéter la sortie médiatique sur la fin de l’Internet fixe illimité. Pour éviter ce fiasco, hors de question que le moindre élément filtre. Drôle de situation pour un groupe qui travaille à rendre plus transparente la communication des opérateurs . Chez ces derniers, certains expliquent qu’un tel silence est moins dû à l’enjeu des discussions qu’à leur nature. En bref : tout ce qui touche à la neutralité suscite passions et polémique, quelques soient les intentions, bonnes ou mauvaises, des FAI.

En attendant, communiquer sur les modalités des nombreux forfaits offrant un accès à Internet, c’est aussi prendre le risque de voir sauter l’appellation “Internet”. Si tant est que l’on veuille protéger le principe de neutralité des réseaux, qui affirme que les contenus doivent être traités de manière égale sur Internet – à de rares exceptions près. Une orientation que semble vouloir prendre l’Arcep, à en croire ses dix recommandations sur le sujet [PDF], en date de septembre 2010. Le régulateur préconisait alors qu’en dehors de certaines exceptions strictement encadrées, le terme Internet ne saurait être utilisé.

En théorie, les opérateurs risquent donc de perdre le précieux label pour certaines de leurs offres. Des offres fixes et mobiles sans le mot “Internet” : une option peu souhaitable pour faire commerce. Mais que les opérateurs se rassurent. Car des “pratiques de gestion de trafic”, il devrait être assez peu question au sein de ce groupe de travail. L’intitulé lui-même aurait déjà sauté. L’expression, plus large -et donc plus vague- de “groupe de travail sur la différenciation technique et tarifaire” ayant été privilégiée dès les premières réunions.

En bref, pas ou peu de soucis pour les FAI. La réflexion ne devrait pas dépasser la seule mise en place d’une signalétique, qui vise à indiquer aux abonnés à Internet la nature de leur forfait. Un progrès déjà notable pour ces derniers. Mais qui laisse de côté un détail majeur, voire central : l’encadrement des pratiques de gestion de trafic elles-même. Soit en somme, la définition d’un Internet jugé acceptable. Et à l’inverse, d’un Internet qui n’en est tout simplement pas un.


Illustration par Viktor Hertz (CCbyncsa) remixée par Ophelia Noor pour Owni /-)

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Orange trop susceptible pour la justice http://owni.fr/2012/01/24/orange-mejuge-les-pubs/ http://owni.fr/2012/01/24/orange-mejuge-les-pubs/#comments Tue, 24 Jan 2012 09:47:32 +0000 Benoit Le Corre http://owni.fr/?p=95194
Le Tribunal de commerce de Paris vient de débouter le groupe Orange d’une plainte qu’il avait déposée contre Numericable et l’a condamné à verser 50 000 euros de frais de justice à son concurrent. L’opérateur historique avait assigné Numericable en mars dernier pour diffusion de “publicités trompeuses” et “dénigrantes”. Deux spots TV étaient visés, chacun illustrant un faux congrès d’opérateurs – dont la mise en scène pouvait évoquer l’existence d’une entente entre les géants de la téléphonie mobile.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Pratiques douteuses

Orange n’est pas cité une seule fois au cours de la vidéo, qui dure moins de trente secondes et s’inscrit dans le registre de la caricature. Elle ne compare même pas l’offre de Numericable à celles de ses concurrents. Interrogé à ce sujet, le président de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), Stéphane Martin, se souvient avoir donné un “avis favorable” à la diffusion de ce spot. Même s’il acquiesce qu’ “une publicité taquinant la concurrence peut amener à différentes formes de réaction”, et donc nécessite un examen plus rigoureux, il n’aurait pas imaginé que celle-ci amènerait Numericable devant le tribunal.

OWNI s’est procuré le jugement rendu vendredi dernier (en intégralité ci-dessous). Les arguments d’Orange s’articulent autour de deux axes. Premièrement, l’opérateur dénonce le “dénigrement” dont il a été victime à travers la diffusion de ces spots. Pour réparer ce préjudice moral, il demande à Numericable de verser un euro symbolique. Deuxième axe, les “pratiques commerciales douteuses” de Numericable. Orange accuse son concurrent de ne pas avoir précisé l’intégralité de son offre mobile “dans des conditions de lisibilité et d’intelligibilité égales” aux siennes. En dédommagement, la société réclame cinq millions d’euros.

Parodie

Selon Édouard Barreiro, de l’Union fédérale des consommateurs Que Choisir, cette action entreprise par Orange est inhabituelle :

Les procédures entre opérateurs impliquant le dénigrement sont assez rares. Ils se dénoncent plutôt sur des closes de contrats et des procédures engageant l’Autorité de la concurrence.

Les magistrats ont débouté les demandes d’Orange une par une. “La publicité incriminée de Numericable est conforme à la jurisprudence […] qui admet largement l’exagération, l’emploi de l’humour et les hyperboles”. L’argument d’Orange sur le dénigrement n’a pas, non plus, résisté à l’examen : “Pour qualifier un dénigrement selon la jurisprudence, encore faut-il qu’un concurrent en particulier soit désigné ou clairement identifiable”. Or, Numericable n’en a désigné aucun.

Comme l’indique le jugement, la vidéo de Numericable est une “parodie faisant intervenir des concurrents n’ayant à l’évidence aucun point commun avec les vrais opérateurs du marché”. D’ailleurs, Orange est le seul à avoir intenté une action en justice. SFR, Bouygues Telecom se sont, eux, abstenus. Contacté dans le cadre de cet article, le groupe Orange nous a indiqué qu’il réfléchissait à l’éventualité de faire appel de ce jugement.

Orange, susceptible sélectif ?

Free frime

Free frime

Un Xavier Niel au bord des larmes, une communauté surexcitée sur Twitter et une couverture médiatique unanime. C’est le ...

Lors du lancement de son offre mobile le 10 janvier dernier, le patron de Free Xavier Niel s’était montré particulièrement virulent à l’encontre des trois opérateurs se partageant jusque là le gâteau du mobile. Dans une vidéo introductive, Free rentrait dans le lard de ses rivaux, évoquant explicitement le “lobbying intense”, la “désinformation”, le travail de “désintox”, les “chausse-trapes” et “peaux de bananes” qui ont jalonné l’entrée de Free dans “l’univers impitoyable du mobile”. Et mettait en doute la fin de l’entente pour laquelle les opérateurs avait été condamnés en 2005 :

[…] les trois grand opérateurs français qui se partagent le pactole du téléphone mobile ont-ils vraiment fait amende honorable ? Rien n’est moins sûr.

Free se moque de ses concurrents montrés comme… par Nouvelobs

Le patron d’Orange Stéphane Richard a beau se dire “révolté” par le discours de Xavier Niel, évoquant un “show indigne qui a noyé les Français dans une désinformation”, aucune action contre Free ne serait “à l’ordre du jour”, assure le service presse d’Orange. Et de couper court : “il ne faut pas dresser de parallèles entre les deux affaires.”

Certes peu amène avec ses concurrents, Xavier Niel n’en a pas moins épargné Stéphane Richard en le remerciant au terme de son show de lancement. Il déclarait dans le même temps que seuls sa marque et Orange étaient “légitimes” sur le marché mobile : “Parce qu’Orange est rassurant pour mes parents, pour des gens comme cela. Orange est la marque historique, c’est France Télécom, c’est rassurant, nous, on représente à côté l’innovation.”

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