OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le secret des sources percées http://owni.fr/2011/10/26/le-secret-des-sources-percees/ http://owni.fr/2011/10/26/le-secret-des-sources-percees/#comments Wed, 26 Oct 2011 06:13:44 +0000 Laurent Berneron http://owni.fr/?p=84654 Jacques Dallest, procureur de Marseille, a exclu lundi 24 octobre avoir reçu des pressions de sa hiérarchie afin d’obtenir les factures détaillées (fadettes) de deux journalistes du Monde, Jacques Follorou et Yves Bordenave.

Il n’y pas eu d’interventions de quiconque sur ces dossiers, il n’y a pas eu de pression de la chancellerie.

Samedi 22 octobre, Le Monde et Le Parisien avaient révélé que des factures téléphoniques détaillées (“fadettes”) de ces deux journalistes spécialistes des dossiers corses avaient été demandées par le procureur Jacques Dallest.

Le 24 mai 2009, les deux journalistes publient un article intitulé “Des aveux font le lien entre l’affaire Alain Orsoni et la guerre dans le milieu corse”. Les deux auteurs y détaillent l’audition par les enquêteurs d’une personne entendue dans l’affaire de la tentative d’assassinat, fin août 2008, de l’ancien leader indépendantiste Alain Orsoni.

En le citant nommément, les journalistes indiquent que ce mis en examen a reconnu lors de son audition avoir participé au complot contre Alain Orsoni. “Le magistrat instructeur en charge du dossier [m'a saisi] le 27 mai 2009 de cette violation manifeste du secret de l’instruction“, se rappelle le procureur. Le 3 juin, il demande donc à la direction inter-régionale de la PJ de Marseille d’enquêter sur les faits. L’enquête est classée sans suite le 29 janvier 2010.

Entre temps, le 14 janvier 2010, les deux journalistes du Monde publient un nouvel article faisant état de la guerre fratricide que se livrent alors les membres du gang de la Brise de Mer. Là encore, il évoque un homme entendu par la justice, qui cette fois désigne l’identité de l’assassin de Richard Casanova, l’un des piliers de cette organisation criminelle.

Le 19 janvier suivant, son avocat dépose une plainte auprès du parquet de Marseille. “Devant l’émotion renforcée des enquêteurs et des magistrats concernés“, Jacques Dallest autorise alors, le 4 février 2010, “la Direction centrale de la PJ à requérir la facturation détaillée des signataires de l’article incriminé“. Il demande alors les fadettes sur une période “d’une semaine avant, une semaine après” les dates de publication des deux articles. Les journalistes sont auditionnés par la PJ, se retranchent derrière le secret des sources, et l’affaire est classée le 10 décembre 2010.

Il ne s’agit pas de placer sous surveillance les journalistes ad vitam aeternam“, explique aujourd’hui le procureur Dallest, mais “dans une région où l’on parle beaucoup de porosité“, il convient “de garantir l’étanchéité des enquêtes judiciaires“. Le procureur, qui “cherchait surtout à trouver la taupe” qui a renseigné les journalistes, met en avant le danger encouru par ceux qui ont été cités dans les articles et les entraves provoquées selon lui par Le Monde dans “des enquêtes sur des choses très actuelles”. Jacques Dallest évoque la loi du 4 janvier 2010 :

il ne peut être porté atteinte au secret des journalistes qui si un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie.

En l’occurrence, pour le procureur, le fait que ces articles portent sur des affaires de grand banditisme justifierait le procédé. Le procureur Dallest prétend que c’est la première fois qu’il demande les fadettes de ces deux journalistes. Mais pourquoi seulement en 2009 et 2010, à la suite de ces seuls articles là, alors que Jacques Follorou, auteur de l’ouvrage de référence “Les parrains Corses” (sorti en 2004, réédité en 2009), n’en est pas à sa première révélation ?

Pourquoi, dans d’autres affaires, comme celle qui concerne les frères Guérini (également du ressort du même procureur) n’a t-il pas, comme il l’a assuré, demandé les fadettes d’autres journalistes ? Beaucoup de documents de l’instruction sont sortis dans la presse sur cette affaire, et certains personnages qui y sont décrits comme parties prenantes sont eux aussi fichés au grand banditisme. Le procureur le reconnaît :

C’est le vaste débat du secret des sources…

Jacques Dallest exclut tout rapprochement entre sa décision et le cas de Bernard Squarcini, patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), mis en examen par la juge Sylvia Zimmermann pour atteinte au secret des correspondances, collecte illicite de données et recel du secret professionnel pour avoir commandé, à l’été 2010, des surveillances téléphoniques illégales de deux autres journalistes du Monde qui enquêtaient sur l’affaire Bettencourt.

Pourtant, c’est en demandant à Orange, opérateur de la rédaction du Monde, la liste des administrations ayant réclamé des fadettes de journalistes, que la juge Zimmermann est tombé sur les surveillances demandées, le 4 février 2010, par le procureur de Marseille. À quelques mois d’intervalle de celles voulues par la DCRI.


Illustrations et photos via Flickr par D.C.Atty [cc-by]

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Les Unes des quotidiens disséquées http://owni.fr/2011/08/06/dissection-des-couvertures-des-quotidiens/ http://owni.fr/2011/08/06/dissection-des-couvertures-des-quotidiens/#comments Sat, 06 Aug 2011 14:56:54 +0000 Erwann Gaucher http://owni.fr/?p=75525 Bon alors, ils ont quoi dans les tripes les rédacteurs en chef du Monde, du Figaro ou de Libération ? Sont-ils fabriqués dans le même moule ? S’intéressent-ils tous aux mêmes sujets ? Difficile à savoir sans pratiquer d’autopsie, et étrangement, les principaux intéressés n’ont pas l’air de vouloir se laisser approcher par un bistouri. Ne pouvant donc pas pratiquer selon les méthodes pourtant éprouvées de l’ami Dexter, il n’y a qu’une solution pour répondre à la question : passer au scanner leurs choix de Une. Bref, regarder de près le fruit de leurs entrailles.

Si la méthode est moins médicale, elle est riche d’enseignements journalistiques. C’est ainsi qu’il y a quelques mois, nous avions pu déceler les symptômes de sarkozyte aigüe, à tendance immobilière et franc-maçonne, qui frappait de plein fouet les rédacteurs en chef du Nouvel Obs, de L’Express et du Point.

Alors, docteur, quels ont été les sujets les plus traités, les plus mis en valeur par les trois principaux quotidiens nationaux français ? Une fois que l’on a épluché les 384 Unes du Monde, du Figaro et de Libé entre mars et juin dernier, quel est le diagnostic ? Les analyses du labo sont formelles. On retrouve les traces récurrentes des mêmes quatre principaux sujets, qui ont représenté la bagatelle de 242 titres en Une au total : le Japon, la Libye, DSK, et Ben Laden.

À votre avis, quel sujet est le plus revenu à la Une ? À vous de voter.

L’affaire DSK ? Vous y avez pensé, avouez-le mauvaises langues ! J’en soupçonne même un ou deux d’avoir commencé à affuter les arguments pour fustiger les médias qui, décidément, ne s’intéressent qu’au superflu pendant que le monde flambe. Eh bien non ! La fièvre DSK a certes touché l’ensemble de nos rédacteurs en chef, mais sans plus. Les analyses le prouvent, avec 42 mentions à la Une en quatre mois pour les trois journaux, son “taux d’occupation de Une” est nettement au-dessus de la moyenne, mais rien de mortel là-dedans.

Bien sûr, tous les patients ne sont pas égaux devant ce genre de virus. Ainsi Le Figaro semble avoir été nettement plus touché que ses confrères en plaçant 20 fois DSK à la Une devant Libération (13 fois) et Le Monde (9 fois).

Et ce n’est pas la seule surprise lorsque l’on regarde les résultats complets de l’autopsie :

Un grand merci à Agnès Stienne qui a résumé en un graphique (à droite sur l'image) mon long billet... Comme quoi, une mise en scène efficace vaut souvent mieux que quelques milliers de signes !

Même la mort de Ben Laden n’a finalement pas beaucoup touché nos rédacteurs en chef. Alors que tout semblait réuni pour faire de cette info un véritable virus de Une pendant des semaines et des semaines, la disparition de l’homme le plus recherché de la planète n’aura finalement été qu’un “bouton” rapidement disparu, une fièvre très passagère. Le Figaro n’y aura consacré que 6 titres de Unes au total, Libération 5 (dont un numéro spécial) et Le Monde 4…

L’incroyable succession de catastrophes ayant frappé le Japon, le bilan particulièrement lourd (10 000 morts et 17 000 disparus), la psychose nucléaire, tous les ingrédients étaient réunis pour en faire LE sujet n°1 de ces quatre mois. Et le score est en effet honorable, exceptionnel même par rapport à une année “normale” : 26 titres de Unes pour Le Monde, 23 pour Le Figaro et 13 pour Libération, auxquels il faut ajouter un numéro spécial Japon de Libé et un autre du Monde.

Mais le sujet champion toutes catégories de ce début d’année, la fièvre qui a véritablement touché nos rédacteurs en chef, c’est bel et bien le conflit libyen qui semble être monté directement aux cerveaux de nos patients. Si Libération en a beaucoup parlé en Une (21 fois en quatre mois), Le Monde (44) et surtout Le Figaro en ont proposé une couverture quasi non-stop en vitrine. Pour Le Figaro, on retrouve en effet les traces de quelques 61 titres de Une consacrés à la Libye sur les 96 analysées. En mars, par exemple, à une seule exception près (le vendredi 15), Le Figaro a toujours consacré au moins l’un de ses titres de Unes à la Libye. Impressionnant !

Et la poussée de fièvre a été aussi longue qu’intense, puisqu’elle a duré pendant les quatre mois passés en revue. Au total, chez nos amis du Figaro, la Libye a été à la Une près d’un jour sur deux sur cette période !

Comment expliquer cela ? Difficile… Bien sûr, il faut prendre en compte les différences mêmes de construction de Unes des trois quotidiens. Celle du Figaro proposant nettement plus de titres chaque jour que celle de Libération ou du Monde, il n’est pas étonnant que la récurrence de certains sujets y soit plus importante.

Application de la fameuse “loi” journalistique du mort-kilomètre ?

On pourrait imaginer qu’une sorte de “répartition” naturelle se fait entre les trois titres concurrents. Lorsque Le Figaro et Libération décident de monter en Une très, très souvent le conflit libyen, le quotidien du soir joue une petite musique différente en se consacrant plus au Japon (deux fois plus que Libé par exemple). On pourrait aussi penser que la fameuse et cynique loi du mort-kilomètre, que l’on enseigne dans toutes les écoles de journalisme, est toujours valable en 2011, tout du moins dans le cerveau des rédacteurs en chef. 1 600 morts à 3 000 kilomètres intéressent plus les journalistes que 10 000 morts 10 000 kilomètres.

Sans pouvoir donner un diagnostic simple expliquant tous ces choix (on n’est pas chez le Dr House ici, l’alchimie de la construction des Unes par une équipe au fil des mois est on ne peut plus complexe), se pencher sur ces différences de choix et de hiérarchisation d’une actualité foisonnante est intéressant.

Quand Libé utilise visiblement sa Une en misant sur l’événement qui efface tout le reste de l’actualité (Ben Laden, DSK ou le Japon seuls en Une avec une photo pleine page), Le Figaro semble vouloir jouer la carte de la fidélisation en feuilletonnant un maximum. Le Monde, lui, s’installe dans la durée, dans le droit de suite en étant le seul des trois quotidien à s’intéresser aussi longuement au Japon, avec encore trois sujets en Une au mois de mai (aucun pour Libé, un seul pour Le Figaro).

Cette autopsie permet au passage de relever quelques symptômes inattendus et bénins. Ainsi, Le Monde qui semble avoir fait une poussée d’antigalonnite à la mi-mars. Jusqu’au 14 mars, à chaque fois que le quotidien du soir évoque le leader libyen en Une, il titre ” le colonel Kadhafi “. À partir du 15 mars, le grade de celui-ci disparaît systématiquement pour faire place à un simple “Kadhafi “.

Le Figaro quant à lui, est le seul des trois patients a avoir montré des signes de sinclairose légère en mettant deux fois à la Une l’épouse de DSK (24 mai et 10 juin). Allez, on referme le frigo et on garde les spécimens au frais. Quelque chose me dit qu’il sera intéressant de continuer à les disséquer dans les mois à venir. Une pandémie du virus 2012 se profile à l’horizon…


Article initialement publié sur Cross Média Consulting sous le titre : “Autopsie des rédac’s chef de Libé, Le Monde, Le Figaro

Crédits Photo FlickR CC by-nc gelle.dk

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Concombres: les médias servent leur soupe http://owni.fr/2011/06/12/concombres-les-medias-servent-leur-soupe/ http://owni.fr/2011/06/12/concombres-les-medias-servent-leur-soupe/#comments Sun, 12 Jun 2011 14:09:58 +0000 André Gunthert http://owni.fr/?p=67178 Du 26 mai au 10 juin 2011, l’affaire dite du “concombre tueur”, puis de la “bactérie tueuse” fait les gros titres de l’actualité. La contamination accidentelle de graines germées par une souche résistante d’E. coli dans la région de Hambourg provoque une trentaine de morts en l’espace de deux semaines par syndrome hémolytique et urémique (SHU) incurable.

Relais d’information aveugle

La gestion de cette crise témoigne d’un certain nombre de dysfonctionnements dans les mécanismes d’alerte sanitaire et leur amplification médiatique. En résumé, une infection accidentelle s’est produite à une échelle locale sans qu’on ait pu à aucun moment enrayer un processus qui a fini par s’interrompre de lui-même, la source du problème ayant disparu. Comme dans d’autres cas récents, les systèmes d’alerte censés prévenir l’extension de l’épidémie se sont avérés inadaptés et largement inopérants, contribuant à créer une panique médiatique aux effets catastrophiques, sans commune mesure avec la gestion sanitaire proprement dite de la crise. Entretenue par l’urgence, la circulation de fausses nouvelles et d’annonces contradictoires a atteint des sommets.

L’affaire de la “bactérie tueuse” est révélatrice de deux crises jumelles: celle de l’expertise dans le domaine biomédical et celle du journalisme scientifique. Dépourvues du minimum de culture scientifique qui leur permettrait de critiquer les informations véhiculées par les systèmes d’alerte, les rédactions s’avèrent incapables de traiter autrement qu’en relayant de manière aveugle les dépêches, abandonnant les principes de vérification du journalisme d’information au profit d’un journalisme de communication.

L’analyse du traitement iconographique de cette crise par LeMonde.fr permet de documenter cette dérive. En l’espace de 16 jours, le support consacre pas moins de 24 articles à la “bactérie tueuse” (sans compter les dossiers réservés aux abonnés, les billets de blogs ou les sujets connexes), chacun d’eux illustré d’au moins une photographie, dont on trouvera ci-dessous le relevé chronologique (voir aussi sous forme de diaporama).

Retrouvez les légendes au bas de l'article

Légumes mortels VS bactérie tueuse

L’élément le plus frappant de ce tableau, qui restitue le film de la perception du phénomène, est à quel point l’image semble suivre fidèlement les options du récit. Quatre thématiques peuvent être identifiées:

  • les légumes (le plus souvent représentés à l’étal)
  • le monde agricole
  • la recherche biomédicale
  • l’univers hospitalier.

Sur 24 images, deux seulement n’appartiennent pas à ces registres: une infographie du Monde.fr et un portrait utilisé pour une interview. Si l’on identifie par des couleurs ces thématiques, on constate qu’entre le début et la fin de la période, on est passé d’une vision de crise alimentaire à une vision de crise biomédicale – du “concombre tueur” à la “bactérie tueuse”(voir tableau ci-dessous).

L’autre caractère remarquable de cette iconographie est son instrumentalisation du reportage à des fins illustratives. A quelques exceptions près (comme la représentation de la bactérie, l’infographie ou le portrait de la directrice générale de l’Institut de veille sanitaire en illustration de son interview), aucune des photographies n’apporte une information visuelle utile et pourrait être supprimée sans que la compréhension de l’article en soit affectée. A moins de penser que nous ne savons pas reconnaître un concombre ou une tomate, ou bien que la vision d’une culture de cellules dans une boîte de Pétri nous renseigne sur l’évolution de la crise, ces images ont à l’évidence un caractère plus décoratif qu’informatif.

Le caractère volontiers générique de la plupart d’entre elles pourrait même laisser croire qu’il s’agit pour l’essentiel d’une iconographie d’illustration issue de banques d’images. En réalité, il n’en est rien: à l’exception de l’imagerie médicale de la bactérie, empruntée à Fotolia, toutes les photos utilisées sont bel et bien des images de reportage, la plupart réalisées dans le contexte de la crise de la “bactérie tueuse” par les grandes agences filaires: AFP, AP, Reuters. Le concombre illustrant les demandes de l’Espagne a bien été photographié l’avant-veille sur un marché de Malaga; l’infirmière masquée qui a l’air sortie d’un épisode d’Urgences est bien employée par l’hôpital de Lübeck qui soigne les malades atteints du SRU.

Plutôt que les repères classiques du photoreportage tel qu’il est défendu à Perpignan, l’iconographie de cette séquence rappelle l’illustration des journaux télévisés: une imagerie de confort utilisée pour ses vertus de support de récit et pour sa capacité à caractériser l’événement par des informations d’ambiance. Pendant que les experts – et à plus forte raison les journalistes – s’avèrent incapables d’identifier l’origine de la contamination, les images donnent l’illusion d’une maîtrise de la qualification médiatique de l’événement. Pourtant, ce qu’elles illustrent n’est rien d’autre que les erreurs et les revirements d’une compréhension lacunaire.


Légendes photo:

  1. 26/05, 11:36. Titre: “Alerte aux légumes tueurs dans le nord de l’Allemagne“. Légende: “Les autorités sanitaires allemandes recommandent de cuire pendant dix minutes à 70°C les légumes crus” (AFP/Jean-Pierre Muller).
  2. 27/05, 08:18. Titre: “Bruxelles alerte sur des concombres contaminés venant d’Espagne” (avec AFP). Légende: “Selon les autorités sanitaires allemandes, 276 personnes ont été atteintes dans ce pays” (Reuters/Morris Mac Matzen).
  3. 28/05, 19:52. Titre: “Concombre tueur: trois cas suspects en France” (avec AFP et Reuters). Légende: “Selon les autorités sanitaires allemandes, 276 personnes ont été atteintes dans ce pays” (AP/Marius Roser).
  4. 30/05, 07:58. Titre: “Concombres contaminés: La Russie interdit les importations de légumes allemands et espagnols” (avec AFP). Légende: “La bactérie E. Coli entéro-hémorragique peut provoquer des hémorragies et des troubles rénaux sévères, appelés syndrome hémolytique et urémique, potentiellement mortels” (Fotolia/Yang MingQi).
  5. 31/05, 07h50. Titre: “Concombres contaminés: le bilan s’élève à 14 morts en Allemagne” (avec AFP). Légende: “L’inquiétude grandit chez les consommateurs, qui boudent les étals des primeurs” (AP/Ronald Zak).
  6. 31/05, 16:50. Titre: “Légumes contaminés: que doit-on craindre?” Légende: “Un étal de primeurs à Leipzig, en Allemagne, lundi 30 mai(AFP/Johannes Eisele).
  7. 01/06, 06:29. Titre: “Bactérie tueuse: l’Espagne demande réparation” (avec AFP). Légende: “Sur un marché de Malaga, dans le sud de l’Espagne, lundi 30 mai(AFP/Sergio Torres).
  8. 02/06, 06:46. Titre: “Légumes contaminés: l’épidémie s’étend, la méfiance aussi” (avec AFP). Légende: “La Commission européenne a levé mercredi soir la mise en garde contre les concombres espagnols soupçonnés d’être à l’origine de l’épidémie(Reuters/David W. Cerny).
  9. 02/06, 14:22. Titre: “La souche bactérienne a bien été identifiée, mais pas le canal de transmission“(avec AFP). Légende: “A la clinique universitaire d’Eppendorf, près de Hambourg, où continuent d’affluer des malades contaminés par la bactérie E. coli(AFP/Patrick Lux).
  10. 02/06, 14:22. Titre: “La souche bactérienne a bien été identifiée, mais pas le canal de transmission“(avec AFP). Légende: “A la clinique universitaire d’Eppendorf, près de Hambourg, où continuent d’affluer des malades contaminés par la bactérie E. coli(AFP/Patrick Lux).
  11. 02/06, 18:11. Titre: “L’origine de la bactérie tueuse reste une énigme pour les scientifiques” (avec AFP). Légende: “En Allemagne, les scientifiques étudient des prélèvements faits sur les personnes contaminées par la bactérie à l’origine de 22 décès en Europe” (AFP/Bodo Marks).
  12. 03/06, 10:34. Titre: “Les scientifiques traquent la bactérie tueuse“. Légende: “Une culture de la bactérie ECEH étudiée dans un laboratoire de Hambourg, en Allemagne” (Reuters/Fabian Bimmer).
  13. 03/06, 19:39. Titre: “Bactérie tueuse: les analyses ne permettant pas d’incriminer les légumes” (avec AFP). Légende: “La bactérie E. coli continue de se propager” (infographie Le Monde).
  14. 04/06, 10:42. Titre: “Bactérie tueuse: le mystère du vecteur de contamination reste entier” (avec AFP et Reuters). Légende: “Alors que l’origine et le mode de contamination de la bactérie E. coli restent mystérieux, les pays européens continuent de se renvoyer la balle” (Reuters/Francisco Bonilla).
  15. 05/06, 18:30. Titre: “Bactérie tueuse: la piste des germes de soja” (avec Reuters, AFP). Légende: “Le ministre de la santé allemand Daniel Bahr en visite dans un hôpital de Hambourg, dimanche 5 juin” (Reuters/Fabian Bimmer).
  16. 06/06, 11h05. Titre: “Bactérie tueuse: les tests sur les graines germées ne sont pas concluants” (avec AFP et Reuters). Légende: “Vue d’une des serres dans l’exploitation d’Uelzen qui pourrait être à l’origine de la contamination” (AP/Axel Helmken).
  17. 07/06, 06:50. Titre: “Bactérie tueuse: l’UE au chevet des maraîchers” (avec Reuters). Légende: “Les producteurs européens pourraient recevoir, en cas d’accord, jusqu’à la fin du mois une aide correspondant à 30% de la valeur totale de leurs produits invendus, prélevée sur le budget de l’Union européenne” (Gamma/Alain Denantes).
  18. 07/06, 18:27. Titre: “Les germes constituent un milieu très favorable au développement des bactéries” (entretien). Légende: “Les germes de soja sont soupçonnés d’être à l’origine de la contamination à la bactérie E. coli” (Reuters/Pawel Kopczynski).
  19. 07/06, 20:24. Titre: “Bactérie : le fédéralisme allemand à l’épreuve de la gestion de crise“. Légende: “Le ministre de la santé allemand, Daniel Bahr, visite l’hôpital universitaire de Hambourg, le 5 juin” (Reuters/Fabian Bimmer).
  20. 07/06, 11:25. Titre: “Bactérie tueuse: ‘Tout se passe comme si le suspect était fondu dans la masse‘” (entretien). Légende: “La directrice générale de l’Institut de veille sanitaire (InVS), Françoise Weber” (AFP/Patrick Kovarik).
  21. 08/06, 08:20. Titre: “Bactérie tueuse: le bilan atteint 25 morts” (avec AFP). Légende: “Une infirmière au chevet d’un patient atteint par la bactérie E. coli, à Lubeck, en Allemagne. 2400 personnes ont été contaminées, dans 12 pays” (AFP/Markus Scholz).
  22. 09/06, 09:41. Titre: “Une variante de la bactérie ECEH détectée sur des betteraves néerlandaises” (avec AFP). Légende: “L’origine de l’épidémie n’a pas encore été trouvée” (Reuters/Alexandre Natruskin).
  23. 09/06, 15:38. Titre: “Bactérie tueuse: le bilan passe à 31 morts en Europe” (Avec AFP, Reuters). Légende: “Au total, plus de 2 900 personnes dans au moins quatorze pays sont soupçonnées d’avoir contracté cette forme rare et très virulente de bactérie” (Reuters/Fabian Bimmer).
  24. 10/06, 10:39. Titre: “Bactérie E.coli : des graines germées sont responsables de l’épidémie mortelle” (avec AFP et Reuters). Légende: “Une culture de la bactérie ECEH étudiée dans un laboratoire de Hambourg, en Allemagne” (Reuters/Fabian Bimmer).

Article initialement publié sur Culture Visuelle, sous le titre “La “bactérie tueuse”, laboratoire du journalisme de communication”.

Illustration CC FlickR mitch 98000, © André Gunthert (captures du site lemonde.fr, tableau)

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La presse va toujours bien! http://owni.fr/2011/04/06/la-presse-va-toujours-bien/ http://owni.fr/2011/04/06/la-presse-va-toujours-bien/#comments Wed, 06 Apr 2011 06:30:42 +0000 Erwann Gaucher http://owni.fr/?p=55246 C’est toujours une grande tentation pour tous les malades : trafiquer le thermomètre pour (avoir l’impression de) se porter mieux. Et la presse écrite made in France n’est pas la dernière à succomber à cette tentation. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les chiffres 2010 de l’étude EPIC qui, chaque année, mesure l’audience des quotidiens de l’hexagone.

Comme tout le monde, je l’ai parcouru rapidement, mais c’est une phrase en particulier qui m’a interpellé : ” Près d’un Français sur deux lit chaque jour un quotidien. L’audience de la presse quotidienne se maintient à un haut niveau “.  C’est à n’y rien comprendre… La presse quotidienne va bien ? Un Français sur deux lit chaque jour un quotidien ? Celles et ceux qui expliquent que la presse quotidienne va mal se seraient donc gravement trompés ? Diantre, regardons cela de plus près ce fameux thermomètre.

Et attention, là, on n’est pas dans le thermomètre de grand-maman, qui se baserait seulement sur le nombre d’exemplaires vendus de chaque journaux pour en connaître la véritable diffusion. On est dans le méthodique, le pointu, puisque ce ne sont pas moins de 25 779 interviews qui ont été réalisées par téléphone  pour mesurer précisément, presque scientifiquement, l’audience des quotidiens nationaux et régionaux, des quotidiens urbains et gratuits, de la presse hebdo régionale, des quotidiens hippiques et des quotidiens du 7è jour. Le tout est ensuite compilé, exploité, pondéré pour un résultat chaque année semblable ou presque : la presse écrite se porte beaucoup mieux qu’on ne le dit. Et les résultats de l’étude 2010 ne dérogent pas à la règle, la preuve :

Capture d'écran 2011-04-05 à 08.55.46

La presse quotidienne en général va donc beaucoup mieux qu’on ne le dit ici ou là puisqu’elle affiche une santé globale très stable : -0,1% et que ses différentes famille se portent bien. Elle reste même un rendez-vous incontournable pour presque la moitié de la population puisque ” plus de 23 millions de personne, soit 46,3% des Français de 15 ans et plus lisent au moins un titre de presse quotidienne” nous explique-t-on. Les Cassandre de tout poil qui annoncent un peu partout la mort du papier, ou tout au moins sa très mauvaise santé, sont donc priés de se taire. ” Tout va très bien, madame la marquise “, aurait-on sans doute chanté en d’autres temps pour présenter cette étude…

Tout va très bien, madame la marquise, tout va très bien pour les quotidiens français

Il faut dire que pour en arriver à de tels résultats, les éditeurs et les sondeurs en charge de l’enquête ne ménagent pas leur peine. Chaque année, ce sont des dizaines de réunions, des centaines de mails qui sont échangés entre les représentants de chaque famille de presse pour négocier pied à pied la sensibilité des différents curseurs. Avec un objectif commun : présenter un bilan de santé le plus flatteur possible aux annonceurs. Car ces derniers, on le sait, n’investissent leur publicité que dans les médias qui vont bien, qui se développent, qui voient le nombre de leurs lecteurs augmenter.
Quitte pour cela, à réussir de véritables exploits en termes d’acrobaties statistiques. Car pour les non-initiés pourraient s’étonner des chiffres. Cette fameuse presse quotidienne par exemple, qui affiche une stabilité rassurante (pour les annonceurs) avec une audience qui ne recule que de 0,1% en 2010. Chiffre pour le moins étonnant lorsque l’on regarde les diffusions officielles (OJD) des mêmes journaux.

Si l’on cumule les ventes totales des quotidiens nationaux, quel résultat trouve-t-on ?

2009 2010
Aujourd’hui en France 187 786 173 576
La croix 103 738 106 151
Les Echos 127 361 120 444
Le Figaro 331 022 330 237
L’humanité 52 456 51 010
Libération 117 547 118 785
Le Monde 323 039 319 022
La Tribune 74 198 79 164
Diffusion totale 1 317 147 1 298 389

Soit 18 758 exemplaires vendus en moins en 2010 par rapport à 2009, un recul de 1,5%… C’est nettement plus que les -0,1% affichés par l’étude ça… Normal me direz-vous, vous oubliez des titres comme L’Equipe ! Oui, mais la diffusion du quotidien sportif affiche elle aussi un recul de -0,3% en 2010. Alors, quel est le vrai secret de cette bonne santé ? Les gratuits notamment, qui pour la bonne cause d’une diffusion de la famille sont intégrés dans la grande famille des quotidiens nationaux depuis 2005 : 20 Minutes, Direct Matin (édition nationale), Métro. Le Journal du Dimanche, ce quotidien qui sort une fois par semaine (oui, c’est un nouveau rythme de quotidien) fait lui aussi partie de la grande famille, option “quotidien du 7è jour”, même si lui ne paraît pas les six autres jours de la semaine.

On pourrait s’étonner de voir les éditeurs de presse payante, qui n’ont de cesse d’expliquer que sur le web l’info gratuite est un suicide, accueillir les gratuits à bras ouverts dans les études d’audiences. L’info gratuite, c’est sale uniquement quand c’est sur le web, c’est ça ?

L’info gratuite c’est l’ennemi absolu sur le web, mais on intègre les journaux gratuits dans les études d’audience sans problème…

C’est que voyez-vous, les quotidiens ne peuvent plus se montrer trop regardant sur celles et ceux qu’ils invitent à leur table. Car si la corrélation entre la diffusion payée et l’audience n’est pas automatique, la chute régulière et répétée des ventes finit malgré tout par se faire sentir dans les études. Du coup, il faut ratisser large pour faire malgré tout bonne figure et même les journaux hippiques tels que Bilto, Tiercé Magazine ou Paris Turf peuvent être de la fête ! Et il fallait bien cela pour diffuser des résultats présentables car du côté des quotidiens nationaux traditionnels, ceux-qui-paraissent-tous-les-jours-sont-généralistes-et-payants, on affiche une audience en berne de -2,7%

L’audience des journaux, c’est digne des meilleurs tours de Garcimore !

Mais il faut d’abord rappeler un distinguo important. Ici, monsieur, on ne parle pas simplement d’exemplaires vendus, on n’est pas de vulgaires boutiquiers. Non, ici, on parle d’audience, concept plus flou et qui a surtout l’avantage de laisser une marge de manœuvre beaucoup plus importante. L’audience, qu’est-ce donc ? Le nombre de personnes qui lisent chaque exemplaire vendu ? Plus seulement, soyons généreux et larges en inventant “ l’audience de moins de 8 jours ” pour les quotidiens, soit le ” Nombre de personnes en contact chaque semaine avec la marque au travers du quotidien, de son site Internet ou d’un supplément “. Prière de ne pas rire et même de savourer à sa juste valeur cette définition jésuitique au possible : “en contact avec la marque”… Avec un tel filet, ce serait un comble de ne pas pêcher un maximum de poissons en effet.

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Cette audience permet décidément de faire des choses fantastiques ! On se croirait presque dans un numéro du regretté Garcimore. Ainsi les quotidiens régionaux affichent-ils une santé insolente en 2010 : +0,3% Un chiffre d’autant plus méritoire que dans le même temps, le nombre d’exemplaires vendus est, lui, en recul.
En 2009, selon l’OJD, les quotidiens régionaux ont vendu chaque jour 5 221 377 exemplaires. En 2010? 5 112 247 exemplaires. Soit -2% en somme. Un résultat qui n’a rien de honteux, mais qui grâce à l’habileté scientifique de l’étude d’audience se change en +0,3% Elle n’est pas belle la vie ?

Moins de journaux vendus qu’en 2009, mais une audience en hausse… Elle est pas belle la vie avec les études d’audience ?

Capture d'écran 2011-04-05 à 08.56.13

Quant à savoir exactement comment se calcule le ration entre exemplaires vendus et audience officielle, chut, on ne demande pas ses “trucs” à un magicien. Du coup, celui qui essaye de comprendre par lui-même n’y retrouvera pas ses petits. Exemple avec les quotidiens nationaux :

2010 Lecteurs 2010 selon    étude EPIC Ratio
Aujourd’hui en France 173 576
La croix 106 151 476 000 4,4
Les Echos 120 444 609 000 5
Le Figaro 330 237 1 220 000 3,7
L’humanité 51 010 320 000 6,2
Libération 118 785 754 000 6,3
Le Monde 319 022 1 823 000 5,7
La Tribune 79 164 318 000 4

Pourquoi cette différence ? Les journaux n’ont pas le même lectorat c’est bien connu ! Rien d’étonnant à considérer que le lecteur de L’Huma est intrinsèquement plus partageur, tradition communiste oblige : plus de 6 lecteurs par journal vendu. Le lecteur du Figaro, suppôt du capitalisme libéral, est forcément pingre et individualiste. La preuve, il ne prête son exemplaire qu’à 3,7 personnes en moyenne.
Et que dire de L’Equipe qui réussit l’exploit d’avoir plus de lecteurs en 2010 (+1,6% selon l’étude) avec moins de journaux vendus (-0,3% selon l’OJD) ?

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La conclusion ? On vous l’a déjà dit : ça va mieux que si ça allait plus mal. La presse quotidienne “ se porte comme un charme ” nous assure même  l’agence Mymédias dans sa synthèse de l’audience EPIC. Tout cela n’est finalement qu’une question de dosage, comme l’anesthésie. Quand on en injecte trop, on ne se réveille pas toujours à temps.

>> Article publié initialement sur Cross Media Consulting

>> Photo FlickR CC Attribution Hamed Saber

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Michel Riguidel, “Bogdanoff” des réseaux http://owni.fr/2011/03/29/michel-riguidel-bogdanoff-des-reseaux/ http://owni.fr/2011/03/29/michel-riguidel-bogdanoff-des-reseaux/#comments Tue, 29 Mar 2011 13:34:56 +0000 Stéphane Bortzmeyer http://owni.fr/?p=53885 Je m’étais dit que je n’allais pas me livrer aux attaques personnelles contre Michel Riguidel, malgré les innombrables inepties dont il inonde régulièrement les médias à propos de l’Internet. Néanmoins, comme il continue, et semble disposer de bons relais médiatiques (il vient d’obtenir un article dans Le Monde et, apparemment, un certain nombre de personnes croient qu’il est expert en réseaux informatiques), j’ai décidé qu’il était temps de dire clairement que Riguidel est à l’Internet ce que les frères Bogdanoff sont à l’astrophysique.

Extraits de l'article de Michel Riguidel sur lemonde.fr

“Gloubli-boulga pseudo-philosophique”

Il y a longtemps que Michel Riguidel est… disons, “dans une autre sphère”. Rappelons-nous son immortel appel à la lutte contre les “photons malveillants” dans le journal du CNRS, sa mobilisation contre les “calculs illicites” et son show au forum Atena.

Sur les questions scientifico-techniques, les médias de référence ne remettent jamais en cause leur carnet d’adresses: il suffit d’avoir travaillé sur un domaine il y a de nombreuses années, et on est un expert à vie, même dans les domaines assez éloignés (cf. Claude Allègre parlant du réchauffement climatique); le tout pouvant être aidé par des titres ronflants comme “professeur émérite” (titre purement honorifique qui ne signifie rien et semble s’obtenir assez facilement). Riguidel a donc obtenu pas mal de place dans Le Monde, pour nous expliquer que les Mayas avaient mal déterminé la fin du monde, celle-ci surviendra, non pas en 2012 mais en 2015, suite à une “imprégnation de la réalité physique et humaine par l’informatique” (la fusion des robots et des humains, si j’ai bien compris son gloubli-boulga pseudo-philosophique).

Certaines personnes de bonne foi m’ont demandé si je pouvais répondre techniquement et concrètement à ses articles. Mais non, je ne peux pas ! On peut argumenter contre un point de vue opposé; on ne peut pas répondre à des textes qui ne sont “même pas faux”, dont il n’est tout simplement pas possible de voir quels sont les éléments concrets, susceptibles d’analyse scientifique.

Prenons l’exemple de son long texte contre la neutralité du réseau. (Malheureusement, il ne semble plus en ligne. Florian Lherbette a fouillé et a trouvé une copie dans le cache de Yahoo que je mets en ligne sans autorisation et sans authentification. Je demande donc à mes lecteurs de me faire confiance pour les citations ci-dessous. Remarquez, en les lisant, on comprend que Riguidel n’ait pas republié ce texte ailleurs.) On ne peut pas le corriger techniquement, il ne contient que des envolées et du charabia (qui peut passer pour de la technique auprès d’un journaliste de Sciences et Vie). Tout son article mérite un prix global, ainsi que des prix spécialisés.

- Prix des faits massacrés :

Internet a été inventé par quelques fondateurs, et rien n’a réellement changé techniquement depuis 1973.

En 1973, IPv4, TCP, le DNS et BGP n’existaient pas… (Et ils n’avaient aucun équivalent, la couche 3 et 4 n’étaient pas encore séparées, par exemple.)

- Prix de la frime :

En effet, sur un clavier, il est impossible d’obtenir des octaves, des tierces, des quintes pures dans chacune des tonalités et le demi-ton dièse et bémol ne produit qu’un son unique, contrairement aux instruments comme le violon où il est possible de diviser un ton en 9 commas et de distinguer un sol dièse d’un la bémol.

- Prix de la langue française : “Akamai“, que Riguidel écrit “Akamaï”.

- Prix d’Économie, option Capitalisme :

Mieux vaut faire du MPLS de transaction financière entre Boston et Los Angeles que de faire de la Voix sur IP entre Paris et Dakar !

- Prix du gloubi-boulga technologique :

Les success stories (comme Skype) récentes sont souvent des applications qui utilisent une liaison étroite entre l’application et le réseau, avec des protocoles (STUN : RFC 3489 de l’IETF [...]), ouverts mais agressifs dans le but de transpercer les architectures sécurisées.

Alors que Skype, service ultra-fermé, n’utilise pas le protocole standard STUN (qui est d’ailleurs dans le RFC 5389).

- Prix Robert Langdon :

Pour injecter de la sémantique dans les “tuyaux” et sur les flux d’information des réseaux filaires (IP, MPLS) et des réseaux sans fil de diverses technologies (environnement radio 3G, Wi-Fi, WiMAX), on exhibe le volet cognitif par une infrastructure de phares et de balises. On colle un système d’étiquettes sur les appareils de communication (point d’accès Wi-Fi, antennes WiMAX, boîtier ADSL , routeurs IP) et sur les trames Ethernet des flux d’information. Ces étiquettes constituent, par combinaison de symboles, un langage.

- Prix de l’envolée :

C’est cette “épaisseur des signes” de la boîte grise de la communication qui permettrait d’éclairer une nouvelle perspective de la neutralité informatique, en accord avec la science, la technologie et l’économie.

Riguidel ? “Pas un expert mais un souffleur de vent”

J’arrête là. L’article récent du Monde est de la même eau. Mais Riguidel n’est pas qu’un pittoresque illuminé. C’est aussi quelqu’un qui est cité comme expert dans des débats politiques, comme la neutralité du réseau, citée plus haut, ou aurpès de l’HADOPI, dont il est le collaborateur technique (tout en détenant des brevets sur les techniques que promeut la Haute Autorité. Celle-ci, dont l’éthique est limitée, n’y voit pas de conflit d’intérêts).

Si Michel Riguidel n’était qu’un amuseur public, plutôt inoffensif, je ne ferais pas un article sur lui. Mais c’est aussi un promoteur de la répression (“Il est urgent d’inventer des instruments de sécurité, opérés par des instances légales”, dans l’article du Monde, glaçant rappel de la LOPPSI; ou bien “ceux qui n’ont rien à se reprocher n’ont rien à craindre” dans l’article du journal du CNRS), un adversaire de la neutralité du réseau et un zélateur de l’organisation de défense de l’industrie du divertissement.

Pourquoi est-ce que des organisations, certes répressives et vouées à défendre les revenus de Johnny Hallyday et Justin Bieber, mais pas complètement idiotes, comme l’HADOPI, louent-elles les services de Riguidel ? Parce qu’elles sont bêtes et n’ont pas compris qu’il était un imposteur ? Certains geeks voudraient croire cela et pensent que l’HADOPI est tellement crétine qu’elle n’est pas réellement dangereuse. Mais ce serait une illusion. L’HADOPI sait parfaitement que Riguidel n’est pas sérieux. Mais son usage par cette organisation est un message fort : HADOPI a choisi Riguidel pour bien affirmer qu’elle se fiche de la technique, il s’agit juste de prouver qui est le plus fort, au point de n’avoir même pas besoin de faire semblant de s’y connaître. Avoir un imposteur comme consultant technique est une façon de dire clairement aux geeks : “on se fiche pas mal de vos critiques techniques, nous, on a le pouvoir”.

Et pourquoi des journaux “sérieux” comme Le Monde lui laissent-ils tant d’espace ? En partie parce que personne n’ose dire franchement que Riguidel n’est pas un expert mais un souffleur de vent. Et en partie parce qu’il faut bien remplir le journal, que le contenu de qualité est rare, et qu’un histrion toujours volontaire pour pondre de la copie est la providence des journalistes paresseux. (Heureusement, les commentaires des lecteurs, après l’article, sont presque tous de qualité et, correspondent eux à la réputation du journal.)

Sur le thème de l’article du Monde (la catastrophe planétaire par extinction d’Internet), on peut lire des articles plus informés comme le mien ou comme le dossier de l’AFNIC sur la résilience. Sur l’article du Monde, voir aussi l’analyse de PCINpact et celle de Numerama.


Article initialement publié sur le blog de Stéphane Bortzmeyer, sous le titre “Michel Riguidel est un imposteur”.

Illustrations CC Flickr: Jeremiah Ro, dlofink, dsasso

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Le “fact-checking” peine à s’imposer en France http://owni.fr/2010/11/18/le-fact-checking-peine-a-simposer-en-france/ http://owni.fr/2010/11/18/le-fact-checking-peine-a-simposer-en-france/#comments Thu, 18 Nov 2010 17:03:41 +0000 Lorrain Sénéchal http://owni.fr/?p=36186 Face à l’avalanche de chiffres, à la pluie d’affirmations pendant la dernière campagne présidentielle, des journalistes ont décidé de les vérifier : des blogs comme “les Décodeurs” sur leMonde.fr, des rubriques telles qu’”Intox / Désintox” dans Libération, ont vu le jour.

Cette pratique du journalisme, appelée  fact checking, est issue des pays anglo-saxons. Aux États-Unis, plusieurs sites Internet ne s’attachent plus qu’à cela. Le plus connu est politifact.com. Ce site, projet du quotidien floridien St. Petersburg Times, est devenu une référence, s’octroyant même un des prix Pulitzer décernés en 2009.

Aux États-Unis, les journalistes sont beaucoup moins gentils envers les hommes politiques qu’en France, explique Elaine Cobbe, correspondante de la chaîne américaine CBS News en France :

Nous partons du principe que les hommes politiques sont des représentants du peuple, qu’ils sont payés par nos impôts, et qu’ils doivent nous rendre des comptes. Les journalistes sont un peu le pont entre le peuple et les hommes politiques.

Cette différence entre les pays anglo-saxons et la France vient de l’origine même du journalisme. “En France, c’est beaucoup plus littéraire, soutient Elaine Cobbe, parce que les premiers journalistes étaient aussi écrivains. En Angleterre et aux États-Unis, c’est devenu un métier beaucoup plus tôt, avec un objectif : vérifier les faits”.

Des Internautes spécialiste

Et aujourd’hui, certains journalistes français comptent bien suivre cette conduite. “Il y a une méfiance vis-à-vis des hommes politiques, mais aussi vis-à-vis des journalistes”, affirme Nabil Wakim, journaliste au monde.fr et rédacteur aux Décodeurs. Le fact checking est peut-être le moyen de redorer le blason des journalistes.

Le phénomène est arrivé en France avec le tournant qu’a pris la communication politique, analyse-t-il, qui nous bombarde de chiffres. Forcément, les gens s’interrogent

Grâce à Internet, les journalistes peuvent de plus faire appel aux contributions des lecteurs directement. A l’occasion de l’interview du président de la République, mardi soir, nous avions organisé un forum en direct en essayant, avec l’aide des Internautes, de décortiquer les affirmations de Nicolas Sarkozy, témoigne-t-il. Il y a beaucoup de spécialistes parmi les internautes, et certains nous envoyaient des documents qui prouvaient que Nicolas Sarkozy avait tort !”

Autre motif de satisfaction, les lecteurs renvoyaient parfois sur des articles des Décodeurs, ou de la rubrique Intox/Désintox de Libération, notamment sur les erreurs du Président sur la fiscalité allemande. Mais Nabil Wakim n’est pas naïf, il sait qu’on est encore loin du succès de politifact.com.

Cercle vicieux

“Les Décodeurs est un peu en sommeil”, explique-t-il. “Nous ne sommes que deux pour l’instant.” A Libération, même constat. “Intox / Désintox n’est pas installé dans le journal”, confie Cédric Mathiot, journaliste en charge de la rubrique. “Je suis tout seul, et je ne peux pas tout vérifier, c’est un boulot énorme.”

Il ne comprend pas pourquoi le journal ne donne pas plus de place à sa rubrique : “J’ai de très bons échos des lecteurs ou d’autres journalistes. Mais Libération n’a pas d’argent pour augmenter l’effectif, et n’a pas la volonté d’augmenter la pagination. Mais c’est un cercle vicieux, parce que la rubrique ne devient toujours pas un rendez-vous installé dans l’esprit des gens.” Par conséquent, “Intox / Désintox” reste une rubrique “bouche-trous”, comme le déplore Cédric Mathiot.

Par le manque de moyen et une prédisposition culturelle à la “gentillesse” envers les hommes politiques, le fact checking ne s’installe que très lentement en France. “Les députés français ne savent même pas que cela existe”, assure Samuel Le Goff, attaché parlementaire de Lionel Tardy, député UMP de Haute-Savoie. “En fait, c’est encore la télévision qui les inquiète. Ils ont peur d’être filmé à leur insu et de passer dans une émission comme ‘Le Petit Journal’.”

Les députés ont donc plus peur de leur image que du mensonge. Il est temps que le fact checking s’impose en France.

[NDLR] De temps à autres, quelques projets de fact-checking sont menés par des pure-players comme Rue89 à l’occasion du dernier entretien télévisé de Nicolas Sarkozy. La soucoupe suit bien évidemment tout cela de très près…

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Article initialement publié sur Pour quelques lecteurs de plus, le blog des étudiants du CFJ consacré au suivi des Assises du Journalisme

Crédits photos CC FlickR Stéfan

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[Infographie] Presse : les grosses étrennes de l’État http://owni.fr/2010/09/17/infographie-presse-les-grosses-etrennes-de-letat/ http://owni.fr/2010/09/17/infographie-presse-les-grosses-etrennes-de-letat/#comments Fri, 17 Sep 2010 16:39:19 +0000 Media Hacker http://owni.fr/?p=28507 Télécharger le poster en Haute Définition en cliquant dessus.

Infographie en Creative Commons de Marion Boucharlat

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Philippe Jannet (LeMonde.fr): “Une plus grande transparence serait la bienvenue” http://owni.fr/2010/08/19/philippe-jannet-lemonde-fr-une-plus-grande-transparence-serait-la-bienvenue/ http://owni.fr/2010/08/19/philippe-jannet-lemonde-fr-une-plus-grande-transparence-serait-la-bienvenue/#comments Thu, 19 Aug 2010 14:19:35 +0000 Admin http://owni.fr/?p=25266 Le 9 août dernier, nous avons publié un premier article sur les détails du fonds de modernisation. Nous y abordions l’attribution au Monde interactif, qui détient Lemonde.fr, d’une subvention alors même que son PDG Philippe Jannet avait déclaré ne pas en avoir reçu depuis 2002. Ce dernier avait répondu à nos interrogations une première fois

“Surpris de la transcription de [s]es propos dans [n]otre article”, Philippe Jannet nous a ensuite expliqué dans un long mail qu’il n’avait “sans doute pas été assez complet dans [s]es réponses.” Il faut dire qu’il était en vacances lors de notre premier échange.

Il est entre autres revenu sur le fonctionnement du fonds de modernisation, que nous aurions mal compris, favorisant une mauvaise perception par les lecteurs. “Les aides attribuées par le fond de modernisation de la presse ne sont pas « versées » directement aux journaux comme vous semblez le penser. Elles sont déclarées « attribuables » sur la base de projets détaillés présentés par lesdits journaux, par une commission composée d’experts issus de la presse et du ministère de la Culture. La crainte des médias sur cette fameuse transparence vient sans doute de la crainte de l’incompréhension du grand public. Je pense que cette transparence est nécessaire si elle s’accompagne de pédagogie et je pense que l’excellent travail entamé par votre équipe ne peut d’ailleurs échapper à cette pédagogie.

“Si je vous ai dit ne pas avoir « vues » les sommes annoncées dans nos comptes, c’est qu’elles ne sont versées par le FDM qu’après que les projets aient été réalisés et exclusivement sur la base de factures détaillées dont seulement 40% sont remboursés. Or, l’enveloppe attribuée en 2004 n’a toujours pas totalement été dépensée, celle de 2008 non plus, la numérisation de nos archives de 1994 à 1987 n’ayant par exemple pas encore été menée à son terme. D’où le fait que je vous ai dit « ne pas avoir vu 1,5 million d’euros dans mes comptes »…”

Précisons que les journalistes d’OWNI qui ont traité ce dossier ne se sont pas lancés à l’aveuglette. Et in fine, que les aides soient versés après réalisation des projets n’empêche pas de poser des questions sur le montant et la pertinence des aides.

En substance, Philippe Jannet semble indiquer que la rigueur n’a pas toujours été la qualité première du mécanisme d’aide : “Pour choquant qu’il a pu être, il est aujourd’hui plutôt en voie de « professionnalisation ». (je peux témoigner de l’excellent travail des équipes du Ministère de la Culture dans le cadre du SPEL, traquant les devis surévalués avec beaucoup de talent).”

Il poursuit ensuite sur les aides demandées au fonds SPEL, créé à l’automne 2009 suite aux États généraux de la presse écrite. Celui-ci est dédié aux entreprises de presse en ligne, pure players compris, ce qui est nouveau, en remplacement du SEL. “Pour être complet, nous avons bien déposé deux demandes complémentaires auprès du fonds SPEL (une pour Lemonde.fr et l’autre pour Lepost.fr) mais n’avons aujourd’hui aucune réponse sur ces demandes. Nous avons également été retenus pour un projet de serious game par les équipes de Nathalie Kosciusko-Morizet, en coopération notamment avec l’ESJ Lille, mais n’avons pas encore reçu quelque montant que ce soit.”

Philippe Jannet fait aussi un point général sur son entreprise de presse, sous-entendant que ses aides sont dans son cas utiles et n’ont rien d’abusif : “Pour rappel, le Monde interactif est rentable, paie des impôts chaque année sur ses bénéfices, participant ainsi quelque part au remboursement direct des aides lui étant attribuées. Par ailleurs, le Monde Interactif a créé directement plus de 60 emplois et indirectement (via commande de prestation) plus d’une vingtaine de postes.”

Il tacle au passage les pures players. En toute confraternité en partie puisqu’il met dans le même sac Rue89 et Google, dont les métiers sont bien différents : “Si vous voulez compléter vraiment votre enquête, je pense que vous devriez également vous pencher sur les aides directement reçues par les « pure players » soit auprès d’Oséo, de l’ANVAR, du FIS, du Ministère de la recherche ou auprès des équipes de Nathalie Kosciusko-Morizet… Soit via les montages fiscaux malins de nos amis de Google (en Irlande), d’Ebay, d’Apple, d’Amazon (au Luxembourg), ou encore de SFR, Bouygues et Orange (TVA tripleplay très innovante)… ”

Il finit sur un plaidoyer pour les aides à la presse, garantes selon lui d’une pluralité d’opinions. “Sans elles, nous n’aurions collectivement à lire, à écouter et à regarder que des journaux, à des radios ou des chaînes de télévision détenus par des grands groupes industriels. Je me suis battu, en tant que président du Geste, contre mes confrères du papier, pour que les aides à la presse soient ouvertes aux sites web pure players, parce que je crois à cette nécessité de préserver la liberté d’opinion et que l’omniprésence de certains groupes m’inquiète.

“Même si parfois ces aides sont en effet curieusement attribuées, je pense qu’elles ne sont pas un objet de scandale.”

Je persiste à penser qu’une plus grande transparence serait la bienvenue, dès lors qu’elle est comprise par les analystes de ce marché et aisément comparable avec les autres modes de financement de l’ensemble des acteurs dudit marché.”

En complément, Philippe Jannet a accepté de répondre à nos questions, une interview réalisée par mail aujourd’hui.

Le Fond de modernisation ne concerne que la presse d’information générale, cela n’induit-il pas un biais concurrentiel vis-à-vis des autres publications ? Est-ce que les autres types de subventions suffisent à rééquilibrer cela ?

Les aides à la presse sont destinées à garantir le pluralisme d’opinion et donc, par définition, réservées à aider avant tout les journaux d’opinion. Elles ont été créées après la Seconde Guerre mondiale pour éviter un malthusianisme exclusivement basé sur l’argent qui avait amené avant 1939 à la confiscation quasi-totale des grands quotidiens par les patrons des principales industries françaises. Il n’y a donc pas là de biais concurrentiel puisque tous les journaux d’opinion y ont accès.

Le reste de la presse, y compris de la presse professionnelle, bénéficie  d’autres modes d’aides, moins importants certes, mais tous les acteurs profitent aussi de dispositifs tels que le taux de TVA réduit (2,10%), des tarifs postaux réduits, le dispositif Bichet pour la vente en kiosque, etc., dispositifs initialement prévus exclusivement dans ce souci de garantie d’une pluralité d’opinions.

Pourquoi la plupart des médias (à l’exception notable du Monde.fr) ont privilégié des investissements vers des postes traditionnels (maquettes, imprimeries… etc.), au détriment par exemple d’Internet (alors que le fonds a pourtant vocation à “moderniser”) ?

Je pense que beaucoup d’acteurs avaient besoin d’aide pour la modernisation de leurs outils de production industriels en particulier leurs imprimeries, dont les salariés bénéficient d’un statut très spécifique, lui aussi lié à l’après-Guerre, avec des coûts très élevés. D’autres ont également utilisé ces fonds pour acquérir des outils de CMS mixtes papier-web, pour la numérisation de leurs archives, etc.

Pensez-vous que les subventions aux médias déjà bien installés ont réellement favorisé le pluralisme de la presse, par exemple lorsque l’on connaît la collusion (annonces légales, actionnariat, publicité, relations d’intérêts économiques…) de certains titres avec les pouvoirs (que ce soit en PQN ou PQR) ? Les subventions pour des médias déjà installés n’ont-elles pas empêché le développement de nouveaux médias ?

Je ne crois pas qu’on puisse raisonner ainsi. Ces aides ont permis à des journaux tels que L’Humanité, La Croix, Libération ou Le Monde…, de garder une ligne éditoriale propre, sans être condamnés à disparaître ou de se renier. Le fonds SPEL, créé l’an passé, spécifiquement pour le développement de sites d’information sur Internet, doté de 60 millions d’euros sur trois ans, est venu s’ajouter aux dispositifs existants et va permettre aux sites « pure players » de se développer.

Vous parlez de “professionnalisation” des mécanismes d’attribution des aides, est-ce à dire qu’ils ne l’étaient pas auparavant ? C’est en tout cas ce que semble suggérer la convention cadre de la commission de contrôle du fonds de modernisation. Avez-vous eu à un moment donné le sentiment d’une forme de laxisme ? En quoi concrètement pensez-vous que cette professionnalisation a eu lieu ?

Je ne pense pas qu’il y ait eu laxisme, mais il a fallu du temps aux commissions diverses pour acquérir une connaissance approfondie des dossiers et nous héritons aujourd’hui de cette expérience. Les fonds auxquels j’ai pu participer, au titre d’expert, m’ont semblé particulièrement vigilants sur celle-ci. Au fonds SPEL par exemple, les représentants de la DGMIC, issus du Ministère de la Culture, sont d’une extrême attention et n’hésitent pas à revoir à la baisse bon nombre de devis, accompagnés en ce sens pas les représentants de la profession. Leur exigence et leur indépendance sont une garantie totale de la neutralité des aides apportées.

Au-delà des subventions que nous abordons dans notre article, quels sont selon vous les véritables obstacles (aide au portage, dépendance aux commandes de l’État…) à l’indépendance de la presse ?

L’aide au portage n’est pas un obstacle à l’indépendance de la presse, au contraire. La presse paie aujourd’hui sa sous-capitalisation et ne peut investir qu’en allant quêter de l’argent auprès de l’État ou auprès d’actionnaires généreux.

Cette sous-capitalisation est la résultante d’une longue histoire et la multiplication des crises récentes a encore fragilisé la presse. Mais je pense que vous faites fausse route en imaginant qu’un journal sera éditorialement redevable à l’État parce qu’il a reçu des aides. Libération ou L’Humanité prouvent chaque jour leur indépendance alors qu’ils sont les quotidiens les plus aidés proportionnellement. C’est faire injure à la déontologie des journalistes que d’imaginer ce type d’allégeance. On a d’ailleurs bien vu que lorsque le Président de la République a jugé utile de menacer la direction du Monde de supprimer les aides de l’Etat à la modernisation de l’imprimerie du quotidien, il n’a obtenu que le rejet des candidats qu’il soutenait dans le cadre de la recapitalisation de notre quotidien.

Vous dites que les aides sont “un mécanisme nécessaire à la survie d’une partie de la presse, celle dite d’opinion”. La France subventionne plus sa presse que la plupart des autres pays européens. Est-ce à dire que la pluralité de la presse y est moins assurée ?

Les dispositifs français sont spécifiquement liés à l’histoire. Ainsi, les coûts d’impression et de distribution sont très élevés en France, du fait du statut particulier des salariés de ces secteurs. L’État compense quelque part ces surcoûts. Mais ne vous méprenez pas, les autres pays aident leur presse aussi. Le taux de TVA de la presse anglaise est à zéro et même les États-Unis s’interrogent aujourd’hui sur des modèles d’aide spécifiques.

Concernant LeMonde.fr, en quoi ces aides ont-elles permis concrètement de vous développer ?

Il suffit de regarder les courbes d’audience, elles parlent d’elles même… Ces aides nous ont permis d’innover, de tester de nouveaux formats, de nouvelles technologies, d’embaucher de jeunes journalistes, des techniciens, etc., à un moment où le journal Le Monde traversait une crise terrible. Sans ces aides, lemonde.fr n’aurait pas eu les moyens de se développer aussi fortement. Lemonde.fr, en étant rentable et en payant des impôts depuis 2005, a d’ailleurs ainsi remboursé l’essentiel des aides qu’il a pu recevoir…

Je comprends bien vos doutes sur ces aides, mais elles viennent quelque part compenser les avantages fiscaux et sociaux dont bénéficient aujourd’hui les grands acteurs de l’internet mondial, qui sont aussi nos concurrents sur le marché de la publicité, grâce notamment à l’ implantation de sièges dans les paradis fiscaux européens. Google déclare 40 millions d’euros de CA en France et moins d’un million de bénéfice, somme sur laquelle il sera taxé, alors que le CA généré par les annonceurs français frôle le milliard d’euros, facturés directement en Irlande. Dès lors, puis je considérer que les impôts que Google n’a pas payé en France est une forme d’aide de l’État ?

Pourquoi un tel silence de vos confrères sur ce sujet ?

Les réactions à vos premières publications expliquent et peuvent justifier ce silence. Sans explication, sans pédagogie, les aides à la presse ne peuvent être prises que comme des subsides injustifiés. Alors que les éditeurs investissent eux-mêmes 50 à 60% des sommes allouées, avancent l’ensemble des sommes, voire ne dépensent pas tout ce qui leur est alloué, ne peuvent investir que sur des domaines très encadrés, ces aides éveillent le soupçon… Si, comme les autres acteurs de l’Internet, voir comme bon nombre d’entreprises,  nous allions chercher des aides auprès de l’ANVAR, du Ministère de la Recherche ou de Nathalie Kosiuscko-Morizet, nous n’aurions pas à nous justifier ainsi…

Propos recueillis par Martin Untersinger, Sabine Blanc et Martin Clavey.

Dans le cadre de notre dossier sur les subventions à la presse, vous pouvez retrouver notre article pointant les carences du contrôle du fonds de modernisation ainsi que notre article intitulé “Aides à la presse, un équilibre délicat”.

Crédits Photo CC Flickr : Tonton Copt.

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http://owni.fr/2010/08/19/philippe-jannet-lemonde-fr-une-plus-grande-transparence-serait-la-bienvenue/feed/ 3
Opération soucoupe: sociologie du journalisme d’été http://owni.fr/2010/08/13/operation-soucoupe-sociologie-du-journalisme-dete/ http://owni.fr/2010/08/13/operation-soucoupe-sociologie-du-journalisme-dete/#comments Fri, 13 Aug 2010 09:36:20 +0000 André Gunthert http://owni.fr/?p=24588 La saison change-t-elle la nature du travail journalistique ? Le sérieux de l’information est-il fonction de l’ensoleillement ? Parmi les sujets qu’un journaliste dédaigne l’hiver et redécouvre l’été, les soucoupes volantes occupent une place de choix. Début août, ça n’a pas manqué, de TF1 au Monde en passant par Rue89, la presse nous a rapporté un scoop d’ampleur, issu d’archives nouvellement divulguées par les archives nationales anglaises: un équipage de la Royal Air Force aurait aperçu un OVNI pendant la guerre, témoignage si inquiétant que Churchill en personne aurait décidé de le mettre au secret pendant cinquante ans pour éviter la panique.

Pour quiconque a quelques notions d’ufologie, un tel récit est à mourir de rire. « Aujourd’hui, on parle de soucoupes comme si tout le monde s’entendait sur ce dont il s’agit, explique Pierre Lagrange. Pour nous, s’ils existent, les ovnis viennent d’autres mondes : après 50 ans de controverse dans la presse et la télévision, de films décrivant des invasions “extraterrestres” et quelques centaines d’ouvrages d’experts, l’identité des soucoupes est fixée » (La Rumeur de Roswell, La Découverte, 1996, p. 25).

Tel n’est évidemment pas le cas au début des années 1940, au moment où est censé avoir eu lieu la rencontre, en pleine deuxième guerre mondiale. La notion même de “soucoupe volante” n’existe pas avant l’été 1947, date de publication du premier témoignage par la presse américaine, celui de Kenneth Arnold. A ce moment, au début de la guerre froide, on ne pense pas encore aux extraterrestres pour expliquer ces phénomènes, mais plutôt à des armes secrètes américaines ou soviétiques. Ce n’est qu’à partir de 1950, avec les ouvrages de Daniel Keyhoe (Flying Saucers are real) ou de Frank Scully (Behind the Flying Saucers), puis avec le film The Day the Earth stood still (Robert Wise, 1951) que l’idée s’impose de la présence de mystérieux visiteurs extraterrestres.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Les aviateurs anglais, qui voient des V1 puis des V2 tout ce qu’il y a de plus terrestres sillonner le ciel, ont assez peu de raisons jusqu’en 1945 de s’inquiéter d’ennemis intergalactiques, de même que Churchill ou la population britannique, qui ont d’autres chats à fouetter. Si la thématique du secret militaire deviendra un ingrédient indispensable du récit soucoupique des années 1950, imaginer que le principal chef de guerre contre les forces de l’Axe ait pu être effrayé par une hypothétique menace martienne est du meilleur burlesque.

Lorsque l’on vérifie sur quoi repose le fameux scoop (dossier DEFE 24/2013/1, p. 273-285, voir extrait en ligne), on ne trouve qu’un témoignage indirect, par un individu qui affirme en 1999 que son grand-père (décédé en 1973), ex-garde du corps de Churchill, a révélé le secret à sa fille lorsqu’elle avait 9 ans, et que celle-ci vient de le lui transmettre après avoir vu une émission de télévision sur les ovnis, sans pouvoir dater précisément l’événement ni décrire l’objet vu par les aviateurs. Comme de juste, il n’existe aucun document permettant de confirmer la vision supposée de l’ovni pas plus que l’opinion présumée du premier ministre. S’il n’y a rien de plus solide dans les dossiers mis en ligne par les archives nationales (période 1995-2003), les sceptiques peuvent dormir sur leurs deux oreilles.

Il aura donc suffi donc d’un témoignage unique, de seconde main, non confirmé, anonyme, invérifiable, rapportant de manière visiblement anachronique et déformée un souvenir vieux d’un demi-siècle – en termes polis du pipi de chat, sans la moindre valeur dans n’importe quel autre contexte – pour titrer: “Churchill aurait imposé le secret sur une apparition d’ovni” (AFP – merci le conditionnel!). Quelle importance? C’est l’été. Personne ne croit plus aux soucoupes volantes, qui ne sont qu’un thème léger destiné à agrémenter les vacances, cinq minutes bienvenues pour détendre l’atmosphère alourdie par l’adhésion déclarée du chef de l’Etat au programme du Front national, et qui seront oubliées demain. Du pur divertissement, sans autre conséquence que de me flanquer la nausée.

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Billet originellement publié sur Totem, un blog de Culture Visuelle.

Crédits Photo CC Flickr : Eek.

Culture visuelle est un site développé par 22mars, société éditrice d’OWNI.

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“Redesignons le Monde”: compte-rendu http://owni.fr/2010/07/14/redesignons-le-monde-compte-rendu/ http://owni.fr/2010/07/14/redesignons-le-monde-compte-rendu/#comments Wed, 14 Jul 2010 16:33:16 +0000 Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=21828 Jeudi soir, 20 heures, à la Cantine. Les quelques courageux designers qui ont fait le déplacement sont entourés de nombreux curieux attirés par l’aspect original de l’évènement. Décidé en quelques minutes avec Silicon Sentier, rejoint très rapidement par les équipes du Monde.fr, le projet était de proposer en une soirée sympathique quelques pistes pour redesigner la page d’accueil du quotidien de référence.
Un compte-rendu en direct ayant été produit, nous souhaitons ici remercier les intervenants, participants, et membres des équipes du Monde.fr et de Silicon Sentier. Spéciale dédicace à Geoffrey Dorne pour sa disponibilité ainsi qu’à Benoît Cassegrain pour la vidéo qui suit:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

L’avis des spécialistes

Pour approfondir le sujet, nous avons demandé leur avis sur l’ergonomie de la page d’accueil du Monde.fr à deux spécialistes.  Alexandre Brachet, fondateur d’Upian, nous explique qu’ “en tant que lecteur du journal et du site, [il est] très à l’aise avec l’existant” :

J’y ai mes repères et mes habitudes, je me sens chez moi. Pour moi lemonde.fr est un acteur si important dans le monde de la presse en ligne française que je serai bien embêté de donner des idées sur ce qu’il faut faire ou ne pas faire.

D’autant que la direction du journalisme multimédia et du webdocumentaire est d’ores et déjà portée par ce journal et que c’est précisément dans ce domaine que je crois que le terrain d’expression est immense. Donc aller plus loin vers le journalisme d’investigation (qui est dans les gènes du titre) et savoir le mettre en forme de manière simple, vraiment web, vraiment sociale, et vraiment interactive.

L’un des enjeux évoqués par Alexandre Brachet est celui “d’être capable de produire beaucoup d’information lisibles immédiatement sur plusieurs plateformes en intégrant les spécificités de chacune d’entre elles. N’oublions pas que les codes graphiques de ce journal sont le noir, le blanc et le bleu et que ces codes sont déjà naturellement web et adaptés à la lecture sur écran”.

« Redesigner lemonde.fr » sera donc un des chantiers les plus intéressants des prochains mois. Mais ne renversons pas le calendrier. Pour l’instant la maquette n’est pas encore le défi numéro 1. Le défi c’est donner les moyens à la rédaction du site de pouvoir faire du journalisme de qualité. La maquette sera alors naturelle.”

Architecte de l’information, Benoit Drouillat estime que “l’organisation de l’information de la page d’accueil du Monde illustre bien la complexité de la démarche de design d’information”:

Elle ne doit pas seulement s’efforcer de proposer un traitement formel pertinent de l’information, mais intégrer un ensemble de paramètres – dont le lecteur n’est pas nécessairement conscient – qui transparaissent dans le design. Le modèle économique, la publicité, l’organisation éditoriale du journal : autant d’éléments décisifs et structurels. Pour prendre une métaphore horlogère, je pense qu’il faut considérer la page d’accueil du Monde.fr comme un mouvement à complication. Ce n’est pas seulement son organisation formelle qui compte, mais le “comportement” de l’interface. La problématique du design ne concerne en aucun cas la “surface”, mais les relations complexes qui existent entre ces différents niveaux.

Redesigner Le Monde.fr: un exemple

Loguy, directeur artistique d’OWNI, a relevé le défi en prenant le temps de peaufiner sa copie. Voici le résultat sur IPad:

La maquette dans son ensemble est disponible ici.

Rendez-vous à la rentrée

Cette soirée a été l’occasion de se rendre compte que le temps imparti n’était pas suffisant pour produire une maquette digne de ce nom. Pour autant, le concept a intéressé suffisamment de personnes en début de mois de juillet pour que l’on envisage de réitérer l’expérience à la rentrée, en proposant cette fois-ci de travailler avec plus de temps sur d’autres grands médias.

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