OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les nouvelles insurrections http://owni.fr/2010/09/24/les-nouvelles-insurrections/ http://owni.fr/2010/09/24/les-nouvelles-insurrections/#comments Fri, 24 Sep 2010 16:00:38 +0000 Admin http://owni.fr/?p=29429 Si la politique est avant tout “gestion de la cité”, “l’insurrection qui vient” est alors tout aussi politique que L’accélération, récent ouvrage d’Harmut Rosa.  Et pourtant au sein de la rédaction, quand nous avons décidé d’entamer un dossier sur l’accélération, la lenteur et la mobilité, les débats furent moins passionnés qu’ils ne l’ont été en ce lendemain de manifestation contre les retraites (S02-E02).

L’insurrection n’est pas la révolution. Et les nouvelles insurrections ne sont pas seulement, voire pas du tout, de nouvelles formes de militantisme (au service d’un pouvoir) ni une volonté de renverser ce seul pouvoir. Ce dont il s’agit c’est de renverser la table, philosophique, sociale, économique (…), de choisir pour soi et pour les siens : de se saisir de son destin.

OWNI ouvre aujourd’hui, avec Alain Touraine, Julien Coupat et Etham Zuckerman, entre-autres, un dossier (et plusieurs “Unes“) sur les nouvelles batailles intellectuelles, les nouveaux moyens de lutte politique et les enjeux essentiels qui se posent pour les prochaines générations. Sentez-vous également concernés !

Ces nouvelles insurrections ne composent pas un modèle unique et salvateur mais poussent à multiplier les expériences, à ouvrir vraiment la boîte de pandore. Quelle boîte sans fond ? Celle induite par l’accélération, celle née avec Internet, celle d’un temps qui a connu les bobos et les alters, la “fin de l’histoire”, mais 68 et les révolutions.

Les nouvelles insurrections n’appellent ni au communisme ni à son envers, elle ne disent pas de doctrine mais poussent à faire tomber les œillères.

Alors, comme l’on se doute qu’au doux son du terme “insurrection” vous avez pensé au petit livre “noir” paru il y a deux ans et qui agaça tant le pouvoir nouvellement établi (affaire qui semble depuis avoir fait Psssschit) et qu’il est fort probable que nombre d’entre-vous n’aient pas lu ces pages ni jamais mis les pieds à Tarnac, nous avons décidé de vous offrir les 10 premières pages du livre… Et de vous donner rendez-vous dans quelques jours sur le plateau de Millevaches.

NB : La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793 énonce en son article 35 : “Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs”. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1795 n’intègre plus cette notion, jugée trop favorable aux sans-culottes durant la Terreur…

Crédit photo cc FlickR : nicolas_gent(on&off).

L’insurrection qui vient

Sous quelque angle qu’on le prenne, le présent est sans issue. Ce n’est pas la moindre de ses vertus. À ceux qui voudraient absolument espérer, il dérobe tout appui. Ceux qui prétendent détenir des solutions sont démentis dans l’heure. C’est une chose entendue que tout ne peut aller que de mal en pis. « Le futur n’a plus d’avenir » est la sagesse d’une époque qui en est arrivée, sous ses airs d’extrême normalité, au niveau de conscience des premiers punks.

La sphère de la représentation politique se clôt. De gauche à droite, c’est le même néant qui prend des poses de cador ou des airs de vierge, les mêmes têtes de gondole qui échangent leurs discours d’après les dernières trouvailles du service communication. Ceux qui votent encore donnent l’impression de n’avoir plus d’autre intention que de faire sauter les urnes à force de voter en pure protestation.

On commence à deviner que c’est en fait contre le vote lui-même que l’on continue de voter. Rien de ce qui se présente n’est, de loin, à la hauteur
de la situation. Dans son silence même, la population semble infiniment plus adulte que tous les pantins qui se chamaillent pour la gouverner. N’importe quel chibani de Belleville est plus sage dans ses paroles qu’aucun de nos soi-disant dirigeants dans toutes ses déclarations. Le couvercle de la marmite sociale se referme à triple cran tandis qu’à l’intérieur la pression ne cesse de monter. Parti d’Argentine, le spectre du Que se vayan todos ! commence à sérieusement hanter les têtes dirigeantes.

L’incendie de novembre 2005 n’en finit plus de projeter son ombre sur toutes les consciences. Ces premiers feux de joie sont le baptême d’une décennie pleine de promesses. Le conte médiatique des banlieues-contre-la-République, s’il ne manque pas d’efficacité, manque la vérité. Des foyers ont pris jusque dans les centres-villes, qui ont été méthodiquement tus. Des rues entières de Barcelone ont brûlé en solidarité, sans que nul n’en sache rien que leurs habitants. Et il n’est même pas vrai que le pays ait depuis lors cessé de flamber. On trouve parmi les inculpés toutes sortes de profils que n’unifie guère que la haine de la société existante, et non l’appartenance de classe, de race ou de quartier.

L’inédit ne réside pas dans une « révolte des banlieues » qui n’était déjà pas nouvelle en 1980, mais dans la rupture avec ses formes établies. Les assaillants n’écoutent plus personne, ni les grands frères ni l’association locale qui devrait gérer le retour à la normale. Aucun SOS Racisme ne pourra plonger ses racines cancéreuses dans cet événement-là, à quoi seules la fatigue, la falsification et l’omertà médiatiques ont pu feindre de mettre un terme. Toute cette série de frappes nocturnes, d’attaques anonymes, de destructions sans phrases a eu le mérite d’ouvrir à son maximum la béance entre la politique et le politique. Nul ne peut honnêtement nier la charge d’évidence de cet assaut qui ne formulait aucune revendication, aucun message autre que de menace ; qui n’avait que faire de la politique. Il faut être aveugle pour ne pas voir tout ce qu’il y a de purement politique dans cette négation résolue de la politique; ou ne rien connaître aux mouvements autonomes de la jeunesse depuis trente ans. On a brûlé en enfants perdus les premiers bibelots d’une société qui ne mérite pas plus d’égards que les monuments de Paris à la fin de la Semaine sanglante, et qui le sait. Il n’y aura pas de solution sociale à la situation présente.

D’abord parce que le vague agrégat de milieux, d’institutions et de bulles individuelles que l’on appelle par antiphrase « société » est sans consistance, ensuite parce qu’il n’y a plus de langage pour l’expérience commune. Et l’on ne partage pas des richesses si l’on ne partage pas un langage. Il a fallu un demi-siècle de lutte autour des Lumières pour fondre la possibilité de la Révolution française, et un siècle de lutte autour du travail pour accoucher du redoutable «État providence ». Les luttes créent le langage dans lequel se dit le nouvel ordre. Rien de semblable aujourd’hui.

L’Europe est un continent désargenté qui va faire en cachette ses courses chez Lidl et voyage en low cost pour encore voyager. Aucun des « problèmes » qui se formulent dans le langage social n’y admet de résolution. La « question des retraites », celle de la « précarité », des « jeunes» et de leur «violence» ne peuvent que rester en suspens, pendant que l’on gère policièrement les passages à l’acte toujours plus saisissants qu’elles recouvrent. On n’arrivera pas à enchanter le fait de torcher à vil prix des vieillards abandonnés des leurs et qui n’ont rien à dire. Ceux qui ont trouvé dans les voies criminelles moins d’humiliation et plus de bénéfices que dans l’entretien de surfaces ne rendront pas leurs armes, et la prison ne leur inculquera pas l’amour de la société. La rage de jouir des hordes de retraités ne supportera pas à plat ventre des coupes sombres dans ses rentes mensuelles, et ne peut que s’exciter davantage devant le refus du travail d’une large fraction de la jeunesse. Pour finir, aucun revenu garanti accordé au lendemain d’un quasi-soulèvement ne posera les bases d’un nouveau New Deal, d’un nouveau pacte, d’une nouvelle paix. Le sentiment social s’est bien trop évaporé pour cela.

En fait de solution, la pression pour que rien ne se passe, et avec elle le quadrillage policier du ter-ritoire, ne vont cesser de s’accentuer. Le drone qui, de l’aveu même de la police, a survolé le 14 juillet dernier la Seine-Saint-Denis dessine le futur en couleurs plus franches que toutes les brumes humanistes.

Que l’on ait pris le soin de préciser qu’il n’était pas armé énonce assez clairement dans quelle voie nous sommes engagés. Le territoire sera découpé en zones toujours plus étanches. Des autoroutes placées en bordure d’un « quartier sensible » font un mur invisible et tout à fait à même de le séparer des zones pavillonnaires. Quoi qu’en pensent les bonnes âmes républicaines, la gestion des quartiers «par communauté» est de notoriété la plus opérante. Les portions purement métropolitaines du territoire, les principaux centresvilles, mèneront dans une déconstruction toujours plus retorse, toujours plus sophistiquée, toujours plus éclatante, leur vie luxueuse. Elles éclaireront toute la planète de leur lumière de bordel pendant que les patrouilles de la BAC, de compagnies de sécurité privées, bref : les milices, se multiplieront à l’infini, tout en bénéficiant d’une couverture judiciaire toujours plus impudente.

L’impasse du présent, partout perceptible, est partout déniée. Jamais tant de psychologues, de sociologues et de littérateurs ne s’y seront employés, chacun dans son jargon spécial où la conclusion est spécialement manquante. Il suffit d’entendre les chants de l’époque, les bluettes de la « nouvelle chanson française » où la petite bourgeoisie dissèque ses états d’âme et les déclarations de guerre de la mafia K’1Fry, pour savoir qu’une coexistence cessera bientôt, qu’une décision est proche.

Ce livre est signé d’un nom de collectif imaginaire.

Ses rédacteurs n’en sont pas les auteurs. Ils se sont contentés de mettre un peu d’ordre dans les lieux communs de l’époque, dans ce qui se murmure aux tables des bars, derrière la porte close des chambres à coucher. Ils n’ont fait que fixer les vérités nécessaires, celles dont le refoulement universel remplit les hôpitaux psychiatriques et les regards de peine. Ils se sont faits les scribes de la situation.

C’est le privilège des circonstances radicales que la justesse y mène en bonne logique à la révolution.

Il suffit de dire ce que l’on a sous les yeux et de ne pas éluder la conclusion.

Premier cercle «I AM WHAT I AM»

«I AM WHAT I AM.» C’est la dernière offrande du marketing au monde, le stade ultime de l’évolution publicitaire, en avant, tellement en avant de toutes les exhortations à être différent, à être soimême et à boire Pepsi. Des décennies de concepts pour en arriver là, à la pure tautologie. JE = JE. Il court sur un tapis roulant devant le miroir de son club de gym. Elle revient du boulot au volant de sa Smart. Vont-ils se rencontrer ?

« JE SUIS CE QUE JE SUIS. » Mon corps m’appartient. Je suis moi, toi t’es toi, et ça va mal. Personnalisation de masse. Individualisation de toutes les conditions – de vie, de travail, de malheur. Schizophrénie diffuse. Dépression rampante. Atomisation en fines particules paranoïaques.

Hystérisation du contact. Plus je veux être Moi, plus j’ai le sentiment d’un vide. Plus je m’exprime, plus je me taris. Plus je me cours après, plus je suis fatiguée. Je tiens, tu tiens, nous tenons notre Moi comme un guichet fastidieux. Nous sommes devenus les représentants de nous-mêmes – cet étrange commerce, les garants d’une personnalisation qui a tout l’air, à la fin, d’une amputation. Nous assurons jusqu’à la ruine avec une maladresse plus ou moins déguisée.

En attendant, je gère. La quête de soi, mon blog, mon appart, les dernières conneries à la mode, les histoires de couple, de cul… ce qu’il faut de prothèses pour faire tenir un Moi ! Si « la société» n’était pas devenue cette abstraction définitive, elle désignerait l’ensemble des béquilles existentielles que l’on me tend pour me permettre de me traîner encore, l’ensemble des dépendances que j’ai contractées pour prix de mon identité. Le handicapé est le modèle de la citoyenneté qui vient. Ce n’est pas sans prémonition que les associations qui l’exploitent revendiquent à présent pour lui le «revenu d’existence ».

L’injonction, partout, à « être quelqu’un » entretient l’état pathologique qui rend cette société nécessaire. L’injonction à être fort produit la faiblesse par quoi elle se maintient, à tel point que tout semble prendre un aspect thérapeutique, même travailler, même aimer. Tous les « ça va ? » qui s’échangent en une journée font songer à autant de prises de température que s’administrent les uns aux autres une société de patients. La sociabilité est maintenant faite de mille petites niches, de mille petits refuges où l’on se tient chaud. Où c’est toujours mieux que le grand froid dehors. Où tout est faux, car tout n’est que prétexte à se réchauffer. Où rien ne peut advenir parce que l’on y est sourdement occupé à grelotter ensemble. Cette société ne tiendra bientôt plus que par la tension de tous les atomes sociaux vers une illusoire guérison. C’est une centrale qui tire son turbinage d’une gigantesque retenue de larmes toujours au bord de se déverser.

«I AM WHAT I AM.» Jamais domination n’avait trouvé mot d’ordre plus insoupçonnable. Le maintien du Moi dans un état de demi-délabrement permanent, dans une demi-défaillance chronique est le secret le mieux gardé de l’ordre des choses actuel.

Le Moi faible, déprimé, autocritique, virtuel est par essence ce sujet indéfiniment adaptable que requiert une production fondée sur l’innovation, l’obsolescence accélérée des technologies, le bouleversement constant des normes sociales, la flexibilité généralisée. Il est à la fois le consommateur le plus vorace et, paradoxalement, le Moi le plus productif, celui qui se jettera avec le plus d’énergie et d’avidité sur le moindre projet, pour revenir plus tard à son état larvaire d’origine.

«CE QUE JE SUIS», alors ? Traversé depuis l’enfance de flux de lait, d’odeurs, d’histoires, de sons, d’affections, de comptines, de substances, de gestes, d’idées, d’impressions, de regards, de chants et de bouffe. Ce que je suis ? Lié de toutes parts à des lieux, des souffrances, des ancêtres, des amis, des amours, des événements, des langues, des souvenirs, à toutes sortes de choses qui, de toute évidence, ne sont pas moi. Tout ce qui m’attache au monde, tous les liens qui me constituent, toutes les forces qui me peuplent ne tissent pas une identité, comme on m’incite à la brandir, mais une existence, singulière, commune, vivante, et d’où émerge par endroits, par moments, cet être qui dit « je ». Notre sentiment d’inconsistance n’est que l’effet de cette bête croyance dans la permanence du Moi, et du peu de soin que nous accordons à ce qui nous fait.

Il y a un vertige à voir ainsi trôner sur un gratteciel de Shanghaï le «I AM WHAT I AM » de Reebok. L’Occident avance partout, comme son cheval de Troie favori, cette tuante antinomie entre le Moi et le monde, l’individu et le groupe, entre attachement et liberté. La liberté n’est pas le geste de se défaire de nos attachements, mais la capacité pratique à opérer sur eux, à s’y mouvoir, à les établir ou à les trancher. La famille n’existe comme famille, c’est-à-dire comme enfer, que pour celui qui a renoncé à en altérer les mécanismes débilitants, ou ne sait comment faire. La liberté de s’arracher a toujours été le fantôme de la liberté. On ne se débarrasse pas de ce qui nous entrave sans perdre dans le même temps ce sur quoi nos forces pourraient s’exercer.

« I AM WHAT I AM», donc, non un simple mensonge, une simple campagne de publicité, mais une campagne militaire, un cri de guerre dirigé contre tout ce qu’il y a entre les êtres, contre tout ce qui circule indistinctement, tout ce qui les lie invisiblement, tout ce qui fait obstacle à la parfaite désolation, contre tout ce qui fait que nous existons et que le monde n’a pas partout l’aspect d’une autoroute, d’un parc d’attraction ou d’une ville nouvelle : ennui pur, sans passion et bien ordonné, espace vide, glacé, où ne transitent plus que des corps immatriculés, des molécules automobiles et des marchandises idéales.

La France n’est pas la patrie des anxiolytiques, le paradis des antidépresseurs, la Mecque de la névrose sans être simultanément le champion européen de la productivité horaire. La maladie, la fatigue, la dépression, peuvent être prises comme les symptômes individuels de ce dont il faut guérir. Elles travaillent alors au maintien de l’ordre existant, à mon ajustement docile à des normes débiles, à la modernisation de mes béquilles. Elles recouvrent la sélection en moi des penchants opportuns, conformes, productifs, et de ceux dont il va falloir faire gentiment le deuil. « Il faut savoir changer, tu sais. » Mais, prises comme faits, mes défaillances peuvent aussi amener au démantèlement de l’hypothèse du Moi. Elles deviennent alors actes de résistance dans la guerre en cours. Elles deviennent rébellion et centre d’énergie contre tout ce qui conspire à nous normaliser, à nous amputer. Le Moi n’est pas ce qui chez nous est en crise, mais la forme que l’on cherche à nous imprimer. On veut faire de nous des Moi bien délimités, bien séparés, classables et recensables par qualités, bref: contrôlables, quand nous sommes créatures parmi les créatures, singularités parmi nos semblables, chair vivante tissant la chair du monde.

Contrairement à ce que l’on nous répète depuis l’enfance, l’intelligence, ce n’est pas de savoir s’adapter – ou si c’est une intelligence, c’est celle des esclaves. Notre inadaptation, notre fatigue ne sont des problèmes que du point de vue de ce qui veut nous soumettre. Elles indiquent plutôt un point de départ, un point de jonction pour des complicités inédites. Elles font voir un paysage autrement plus délabré, mais infiniment plus partageable que toutes les fantasmagories que cette société entretient sur son compte.

Nous ne sommes pas déprimés, nous sommes en grève. Pour qui refuse de se gérer, la « dépression » n’est pas un état, mais un passage, un au revoir, un pas de côté vers une désaffiliation politique.

À partir de là, il n’y a pas de conciliation autre que médicamenteuse, et policière. C’est bien pour cela que cette société ne craint pas d’imposer la Ritaline à ses enfants trop vivants, tresse à tout va des longes de dépendances pharmaceutiques et prétend détecter dès trois ans les «troubles du comportement ». Parce que c’est l’hypothèse du Moi qui partout se fissure.

Deuxième cercle « Le divertissement est un besoin vital »

(…) la suite dans la version papier de L’insurrection qui vient.

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http://owni.fr/2010/09/24/les-nouvelles-insurrections/feed/ 40
Ceci n’est pas une politique (éditoriale) sécuritaire http://owni.fr/2010/08/31/edito-politique-ortf/ http://owni.fr/2010/08/31/edito-politique-ortf/#comments Tue, 31 Aug 2010 06:06:06 +0000 Nicolas Voisin http://owni.fr/?p=26535 0:42, le 27 août 2010.
Encore un sondage [pdf]. Pas celui qui annonçait le plébiscite du “discours de Grenoble”, ni celui qui promulguait le soutien populaire à l’expulsion de familles pour des raisons communautaristes, non. Celui qui révélait que pour la majorité de nos concitoyens, Marine ne s’appelait plus Le Pen. Elle et son fond de gamelle étaient passés dans les mœurs.
cf. LeFigaro, OpinionWay.

Entre 1960 et 1963, jaillissait ce que d’aucuns nommèrent “l’adolescence” ou les “yé-yé” (Edgard Morin, lui déjà) c’est-à-dire la jeunesse et sa cohorte d’idoles, sa musique rock américaine et la mode qui s’ensuivrait, mais aussi l’industrie du disque – quand Piaf, précédemment immense vedette, devait se produire sur scène pour subvenir à ses moyens – et  avec lui le show-business. Mot pour mot les “affaires du spectacle” et ce que Debord distinguera ensuite dans de savants ouvrages comme étant “la société du spectacle”.
cf. Europe 1, Salut Les Copains.

Retour à aujourd’hui sans passer par le 22 mars 1968 et Cohn-Bendit (déjà lui…) mais en faisant un nécessaire crochet par Tarnac, un 11 novembre 2008. Cette jeunesse n’a connu ni le Pschitt Orange ni Françoise Hardy jeune. Elle n’est plus un nouveau marché aux couettes gaufrées (Sheila) mais à conservé des blousons noirs les mauvaises manières et un certain jeu de jambes. Demain est noir, plus que le cuir encore, obscur, trouble à outrance et l’heure n’est plus à la construction ni de soi ni du commun mais à l’insurrection, qui elle, alors, est encore annoncée.
cf. L’insurrection qui vient (les seuls deux premiers tiers sont brillants).

Fenêtre sur cour…

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Il y a trente jours lors de la rédaction du précédent édito, je m’étais dit que celui-ci sonnerait l’heure des présentations (qui sont les vingt hurluberlus qui composent OWNI au quotidien ?). C’était sans compter avec Grenoble, avec le déshonneur fait à Django et à sa Marseillaise, sans compter avec ce que les âmes assagies et ministrables appelèrent “la dérive sécuritaire”. Nous allions encore causer “avenir des médias” et réseaux sociaux quand plus que jamais au 50ter rue de Malte à Paris, à “la soucoupe”, c’est de quotidien de médias, “en guerre”, et d’”araison sociale”, sans guerre – et là le bât blesse – que nous causions.
cf. OWNI.fr

Quand en fin d’année dernière nous avions souhaité, avec les centaines d’auteurs, blogueurs et journalistes qui composent ce “blob” (si, si !) donner à notre ambition éditoriale au nom imprononçable les moyens, d’abord humains mais aussi économiques, de se déployer, nous imaginions un Wired en réseau. Est arrivé le datajournalism et avec lui la rencontre de designers, développeurs open-sources et éditeurs (journalistes, blogueurs, et souvent rien de tout cela aussi). A alors fait jour l’idée d’un ProPublica en espadrilles. A jailli WikiLeaks, les sondages, les pdf, les xls et de nouvelles cernes. C’est là qu’intervient “Grenoble”.
cf. France.fr, 404 not-found.

La neutralité d’honnêtes ?

Si propice à se lier contre Hadopi, si outragés par les atteintes à la neutralité du Net, si obnubilés par nos 140 signes de reconnaissance, nous n’avions, pas plus que d’autre sans doute, pris l’ampleur des amalgames, et des dégâts induis par la politique d’iniquité croissance (d’inégalités croissantes si vous préférez – celles-là encore et toujours) menée par ceux qui ne gouvernent plus que leur espérances de gains à court terme. Et nous lancions le “live”, notre fil de brèves, OWNImusic, notre soucoupe à chanter, OWNI.eu (ce mois-ci, si notre taylor is rich). Et nous gagnions notre croûte, financés par notre seule sueur. Autant dire que nous ne collectionnions ni les écrans plats ni les brassards de manifestations syndiquées. Certains parmi nous faisaient des maraudes, d’autres des gosses, certains la fête que leurs 20 ans exigeaient. Le média de nos insurrections était devenu la fenêtre où nous fumions en terrassant des litres de café ou de houblon manufacturé.

Impolies TIC.

à 1:14 le 28 août, j’avais jeté ces maux.
Confusément, trainaient dans mon esprit Elvis, Stéphane Delajoux, France Gall, Coupat, Fillipachi, Mougeotte et autres fantômes. Mais je ne me demandais plus par quel biais éditorial nous traiterions dorénavant de leurs “grands œuvres” puisqu’à la fenêtre, entre deux cendriers et des verres sans pied, nous avions convenu de l’évidence : notre prochaine aventure journalistique serait évidemment politique. Son nom de code est d’ailleurs, par pure provocation, “ORTF”. Son ambition et sa naissance vous seront ici contés.

OWNI n’est ni à gauche, ni à droite, ni au centre ou au vert, OWNI – et l’essentiel de ceux qui le composent – est en désaccord avec la politique menée par le gouvernement actuel.

Nous comptons bien, à ce titre, peser de l’infime poids de notre artisanat et de l’immense charge de notre passion sur la scène politique, médiatique et activiste nationale et européenne.

La révolution ne sera pas télévisée !

Elle pourrait par contre enfin prendre une forme neuve d’insurrection, en réseaux et en Creative Commons.

Il serait temps.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Bonne rentrée…

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http://owni.fr/2010/08/31/edito-politique-ortf/feed/ 2
#Hadopi2, #Loppsi2 > Viol au dessus d’un nid de coucou http://owni.fr/2009/07/12/hadopi2-loppsi2-viol-au-dessus-dun-nid-de-coucou/ http://owni.fr/2009/07/12/hadopi2-loppsi2-viol-au-dessus-dun-nid-de-coucou/#comments Sun, 12 Jul 2009 09:45:46 +0000 Nicolas Voisin http://owni.fr/?p=1887 Ils vous expliquent par amendements et saillis médiatiques interposés qu’ils luttent contre le piratage, qu’ils luttent contre la pédocriminalité, que leurs ennemis sont aussi les ennemis des artistes (ce qui fait rire jusqu’à St Germain des Près mais qui “en remue une sans faire bouger l’autre” à Monsieur Michu) et que ceux qui s’opposent aujourd’hui au filtrage du net sont, ni plus, ni moins, que les défenseurs des pédophiles ! Là, Monsieur Michu voit rouge. On ne touche pas aux petits enfants !

Oui mais… Quand demain tombera la première étude révélant que le taux de résolution dans les affaires de pédocriminalité a dramatiquement chuté depuis la mise en place de ces mesures (car les pédophiles sont ailleurs, devant, loin, et le combat technologique déjà perdu par les gouvernements) il sera bien trop tard : Vos mails seront filtrés, vos PC équipés de mouchards, la justice se fera sans juge et la présomption d’innocence tiendra du vieux souvenir poussiéreux.

Hadopi2 réintroduit le filtrage des “communications électroniques” faisant le pont avec le projet de loi Loppsi2 (ex Lopps sous Pasqua, puis Loppsi – une sorte de “NouveLopps” façon 1984, année symbole de tous les renoncements).

Relire Eben Moglen peut, à ce stade, s’avérer utile :

“Rien ne sert de s’énerver : il faut juste les ignorer, se battre pour qu’ils ne changent pas trop la loi, et continuer à programmer du code comme nous le faisons depuis 20 ans maintenant : nous avons le matériel, les logiciels, la bande passante, la culture, les talents…

Nous n’avons besoin de rien, ni de changer la loi, ni d’en faire adopter de nouvelles, ni de détruire ni de créer quoi que ce soit, ni de “venture capitalists“, ni de position monopolistique… La beauté de notre position tient au fait que de toute façon nous gagnerons, alors laissez-nous tranquille. La seule chose que nous demandons, à l’Etat, c’est d’éviter de créer des injustices au bénéfice de quelques-uns.” (texte intégral sur Owni, via ce billet de Jean-Marc Manhack)

Hadopi2 et Loppsi2 ne violent pas seulement nos libertés individuelles… Et à ce propos, qui en France aujourd’hui est près à se battre pour la défense de ses libertés ? Et si c’est bien un système totalitaire et dictatorial qui se met en place  peu à peu et à marche forcée sur la toile, nous ne sommes pas pour autant dans un pays dont on puisse dire qu’il tienne de la dictature, IRL… N’est-ce pas ?

C’est une démocratie, et seule une démocratie, qui peut permettre ce débat de fond
. Mais c’est une démocratie du renoncement et du cynisme qui peut, seule, laisser passer de tels projets de lois. Une ploucocratie de l’émotion.

Les libertés ou les petits enfants ? Les deux ! Et surtout pas l’un contre l’autre ! Loppsi déservira, tout comme Hadopi et bien plus dangereusement, les desseins qu’elle prétend servir.

“Quiconque est prêt à sacrifier sa liberté pour une sécurité provisoire ne mérite ni l’un ni l’autre” (Benjamin Franklin)

Notre société carbure à l’addiction. Nous sommes drogués au quotidien. Toutes les révolutions, avant de faire le tour d’elle même – pour ne pas aller, souvent, ni loin ni droit – sont avant cela insurrections, des jaillissements hors de nos accoutumances.

Les cyber-punks que nous sommes auront leurs propres insurrections. Celle qui vient a déjà entamé son ébullition.

Elle est révolte contre les restrictions des libertés et autres remises en cause de l’abondance ou de la neutralité, au pays HTML des bisounours numériques.

Ailleurs, “dans la vraie vie”, disent-ils, où ces combats ont de longue date étaient perdus, avancent inégalités croissantes et mollesse consumériste.

ça et là émergent des archipels de violence ou des fulgurances de lucidité, toujours chloroformés jusque-là par ceux qui ont aimé danser sur Abba et pleurent Bambi (…).

Le monde d’hier va à l’aumône une dernière fois sous nos yeux, en rien ébahis. “Ils” s’en sortent trop bien. “Ils” ne sont que nos abandons, nos renoncements.



Nous sommes le peuple du plastique et de la carte à puce.

Nous sommes les années du cynisme, des boursouflures des égos et de l’immense mensonge de la fin de l’histoire, de la lutte des glaces, des subprimes et du green-washing.

Nous avons défilé contre l’interventionnisme, voté contre la technocratie ou jamais voté, puisque blancs ou noirs nous ne sommes pas reconnus.

Nous ne sommes bannis d’aucun lieu, nous avons bannis les lieux pour les liens, et regardons “hier” avec le dos courbé quand nous fixons “demain” la tête droite et le majeur tendu.

La culture est une arme. l’entreprise est une arme. la rue est une arme. le net est une arme. Je suis contre le port d’arme. nous sommes tous déjà armés jusqu’aux dents. C’est le port du courage qu’il serait bon de remettre en vogue.

Face à ces lois iniques et à une politique absconce qui ne sait que créer dettes, inégalités sociales croissantes et régression des libertés, qui se lève ? Qui se soulève ? Qui contre-argumente ? Qui contre-enquête ? Qui, pour se battre ?!

“Plus nous accroitrons notre liberté, mieux nous communiquerons”
écrivait, en 1984 justement, Timothy Leary, reprenant Foucault (“les techniques du chaos”, texte rédigé pour le Digita Deli, depuis réédité et que je vous recommande fortement). Plus nous communiquerons, plus nos libertés seront remises en cause, pourrait-on lui répondre 25 ans plus tard…

“Ce n’est pas une crise, c’est une révélation. Ce n’est pas le chaos, c’est la revanche du réel. Ce n’est pas la fin, mais peut-être bien le début. Ils vont tenter de nous vendre au prix du sang leur monnaie de singe et leurs rêves de pierre, pour perpétuer le système. Le leur. Celui qui leur profite. La vraie révolution, c’est de cesser de les croire, ne plus avoir peur et passer à autre chose, maintenant, ici et partout. C’est pour cela que l’âge de la critique se termine ici et que commence enfin l’âge de faire” (Agnès Maillard, 8 octobre 2008)

Aujourd’hui est un jour ordinaire. Ceci n’est ni une crise, ni une séquence médiatique. Sir, c’est la naissance de bien pire…

[Article cross-posté depuis Nuesblog / Images : ‘toshops maison d’après Chaoxangel, Earlmadness et Bfsurfer94]

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