OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Copier, coller, respirer ! http://owni.fr/2012/06/20/copier-coller-respirer/ http://owni.fr/2012/06/20/copier-coller-respirer/#comments Wed, 20 Jun 2012 13:47:12 +0000 Lionel Maurel (Calimaq) http://owni.fr/?p=113925 remix et le mashup nous enrichissent, à l'image de ces festivals consacrés à ces pratiques amateurs. Jusqu'aux frontières du légal aussi, vu que le droit d'auteur n'a pas été inventé pour amuser la galerie. Entre "droit moral" et "liberté d'expression", choisis ton camp !]]>

Avec un festival qui s’ouvre ce week-end à Paris et une disposition législative innovante en cours d’adoption au Canada, cette semaine va être placée sous le signe du mashup et du remix.

Ces pratiques amateurs emblématiques ont également été à l’honneur lors de la campagne présidentielle, avec les remix d’affiches électorales, de débats télévisés ou de photographies d’hommes politiques. Mais malgré leur développement, elles continuent pourtant à se heurter aux rigidités d’un droit d’auteur mal adapté pour les accueillir.

Petit tour d’horizon des tensions et innovations juridiques en matière de mashup et de remix !

Partage + images = partimages

Ce week-end à partir de vendredi, vous pourrez participer à la seconde édition du MashUp Festival Film, organisée par le Forum des Images. La première édition s’était déjà avérée particulièrement stimulante, avec une exposition vidéo consacrée au phénomène, un marathon de mashup opposant plusieurs équipes pendant deux jours et plusieurs tables rondes, dont l’une avait porté sur les difficultés juridiques soulevées par ces pratiques amateurs.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Car combiner des sons, des images et des extraits de vidéos pour créer une nouvelle oeuvre se heurte en principe aux limites du droit d’auteur, qui interdit que l’on reproduise ou que l’on modifie une oeuvre protégée sans l’autorisation du titulaire des droits, hormis dans le cas d’exceptions limitées comme la parodie ou le pastiche, qui ne sont souvent pas adaptées aux pratiques numériques actuelles.

Cette année pour contourner cette difficulté et organiser un concours de mashup dans un cadre juridique sécurisé, le Forum des Images a eu l’idée de mettre en place un dispositif original, en utilisant les licences Creative Commons.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Joliment intitulé Part[im]ages, ce concours “collaboratif” invite les participants à déposer dans un réservoir des sons, des images ou des vidéos, sur lesquelles ils détiennent les droits. Tous les contenus placés dans ce “pot commun” seront placés sous la licence Creative Commons CC-BY-NC-SA, qui autorise la réalisation d’oeuvres dérivées. Le règlement du concours indique que les participants devront réaliser des mashups uniquement à partir des éléments présents dans le Réservoir, en les accompagnant d’une bande son originale et en piochant dans un maximum de sources. Plusieurs ont déjà été produits et vous pouvez votez en ligne pour ceux qui vous plaisent le plus.

Cette initiative illustre une fois encore la capacité qu’ont des licences comme les Creative Commons ou la Licence Art Libre, de fluidifier les pratiques en ligne et de faire place à de nouveaux usages, par le biais d’une mise en partage maîtrisée des contenus.

Remix et Mashup en danger

Il n’en reste pas moins qu’en dehors de la sphère des licences libres, les pratiques de mashup ou de remix continuent de s’exercer dans des conditions difficiles, en raison des contraintes exercées par les règles du droit d’auteur.

La semaine dernière par exemple, le site Techdirt nous apprenait que la célèbre vidéo RIP! : A Remix Manifesto de Brett Gaylor, qui avait l’une des premières en 2008 à s’intéresser au phénomène du remix, avait été retirée de YouTube, à la suite d’une plainte déposée par le label indépendant eOn pour un usage non autorisé d’un morceau de musique sur lequel il détenait les droits. Un moment bloquée, la vidéo est depuis de retour sur YouTube, mais cet épisode illustre bien la fragilité juridique qui est le lot des mashups.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Tout aussi emblématique a été le retrait de YouTube de cette vidéo virale, visionnée par plus de 13 millions d’internautes, qui montrait la demande en mariage d’un homme à sa dulcinée, sous la forme d’un lipdub du titre Marry You de Bruno Mars. La vidéo a visiblement été repérée par le système ContentID de YouTube et automatiquement retirée.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Cette vidéo a également fini par réapparaître sur YouTube, mais ce n’est pas le cas pour “Super Mariobi-Wan Kenobros“, un mashup mélangeant les images du combat de Qui-Gon et Obi-One contre Darth Maul, à la fin de l’épisode I de Star Wars, aux bruitages du jeu Mario Bros. L’utilisateur a préféré fermer son compte YouTube à la suite d’une notification automatique de violation de copyright, non sans exprimer son ressentiment, et sa création a disparu.

Une exception au Canada

Cette précarité des productions amateurs d’oeuvres dérivées n’est pourtant pas une malédiction insurmontable, comme est en passe de le prouver le Canada. Une nouvelle loi C-11 sur le droit d’auteur est en effet en cours d’adoption, qui pourrait apporter un commencement de solution. Même si ce texte contient un grand nombre de dispositions contestables, comme la consécration des DRM, il comporte également, comme j’avais eu l’occasion de le montrer il y a quelques mois, une exception en faveur du remix montrant que ces pratiques peuvent être conciliées avec les principes du droit d’auteur.

Inspirée par le fair use américain, cette exception, prévue pour le “contenu non commercial généré par l’utilisateur”, est formulée ainsi :

Contenu non commercial généré par l’utilisateur

29.21 (1) Ne constitue pas une violation du droit d’auteur le fait, pour une personne physique, d’utiliser une œuvre ou tout autre objet du droit d’auteur ou une copie de ceux-ci — déjà publiés ou mis à la disposition du public — pour créer une autre œuvre ou un autre objet du droit d’auteur protégés et, pour cette personne de même que, si elle les y autorise, celles qui résident habituellement avec elle, d’utiliser la nouvelle œuvre ou le nouvel objet ou d’autoriser un intermédiaire à le diffuser, si les conditions suivantes sont réunies :

a) la nouvelle œuvre ou le nouvel objet n’est utilisé qu’à des fins non commerciales, ou l’autorisation de le diffuser n’est donnée qu’à de telles fins;

b) si cela est possible dans les circonstances, la source de l’œuvre ou de l’autre objet ou de la copie de ceux-ci et, si ces renseignements figurent dans la source, les noms de l’auteur, de l’artiste-interprète, du producteur ou du radiodiffuseur sont mentionnés;

c) la personne croit, pour des motifs raisonnables, que l’œuvre ou l’objet ou la copie de ceux-ci, ayant servi à la création n’était pas contrefait;

d) l’utilisation de la nouvelle œuvre ou du nouvel objet, ou l’autorisation de le diffuser, n’a aucun effet négatif important, pécuniaire ou autre, sur l’exploitation — actuelle ou éventuelle — de l’œuvre ou autre objet ou de la copie de ceux-ci ayant servi à la création ou sur tout marché actuel ou éventuel à son égard, notamment parce que l’œuvre ou l’objet nouvellement créé ne peut s’y substituer.

Cette disposition n’est certainement pas parfaite, notamment parce qu’elle comporte – comme la nouvelle copie privée en France – l’obligation de s’appuyer sur des “sources légales”, qui peuvent être très difficiles à identifier pour un internaute lambda. La dernière condition, celle d’une absence d’effet négatif sur l’exploitation de l’oeuvre peut également être difficile à estimer a priori et donner prise à des contestations en justice. Sans compter que la limitation de l’usage à des fins non commerciales est problématique si l’objectif est de publier les oeuvres dérivées sur des plateformes comme YouTube !

Mais au moins, ce dispositif a le mérite d’exister et d”expérimenter un modèle dans lequel  les pratiques amateurs de partage et de création, dans un cadre non-commercial, pourraient être jugées compatibles avec le respect du droit d’auteur.

Et en France ?

On relèvera que chez nous, ce type de questions ne semble hélas pas à l’ordre du jour dans le cadre du débat annoncé cet été sur l’avenir d’Hadopi et l’acte II de l’exception culturelle. Accordant plus d’attention à la question du financement de la création qu’à celle de l’équilibre des usages dans l’environnement numérique, il y a fort à craindre que cette consultation fasse peu de place à des sujets comme ceux du remix ou du mashup.

Le droit à l’épreuve du Mashup Festival Film

Le droit à l’épreuve du Mashup Festival Film

Le Forum des images a organisé la semaine dernière un événement dédié à une pratique artistique décuplée grâce à ...

Pire encore, le programme Culture, médias, audiovisuel du candidat François Hollande comportait un axe qui entendait mettre l’accent sur une “facilitation des procédures judiciaires contre la violation du droit moral et de la contrefaçon commerciale“. Il est en soi très contestable de mettre sur le même plan la violation du droit moral et la contrefaçon commerciale, mais une telle logique peut provoquer des dommages collatéraux désastreux sur les pratiques amateurs.

En effet, la réalisation des remix et des mashup entre nécessairement en conflit avec le droit à l’intégrité des oeuvres, conçu d’une manière quasi absolue en France, dont les auteurs peuvent imposer le respect au nom du respect de leur droit moral. “Faciliter les procédures judiciaires contre la violation du droit moral” n’est donc certainement pas la meilleure façon d’aboutir à un rééquilibrage en faveur des usages et cela conduira même certainement à criminaliser encore un peu plus des pratiques qui participent pourtant au développement de la création dans l’environnement numérique.

L’obstacle du droit moral

L’exemple suivant permet de mesurer ce qui ne manquerait pas de se produire si on durcissait encore la protection du droit moral. L’image ci-dessous est constituée par la rencontre improbable entre le tableau Guernica de Picasso et les personnages des X-men. Elle a été réalisée par l’artiste Theamat sur Deviant-Art, dans le cadre d’un concours intitulé “Alternate Reality Character Designs“.

X-Men rencontre Guernica. Par Theamat/Deviantart

Repostée sur le site Blastr, il est intéressant de constater qu’elle a suscité des commentaires contradictoires qui posent la question du respect du droit moral de Picasso :

KR : “I think its disrespectful. The painting was created to show the horrors that Picasso saw and experienced during the Spanish civil war. Its not some innocuous piece of pop art.”

FR : “It’s 75 years ago and Picasso is long dead. Time to get over it.”

Qui a raison ? Il y a toujours un moyen ou un autre pour un artiste ou ses descendants de soutenir que son droit moral est violé par une modification, alors que la production d’oeuvres dérivées devrait aussi pouvoir être garantie au titre de la protection de la liberté d’expression.

Plus largement, le fait de s’inspirer et de se réapproprier des œuvres pour créer à nouveau constitue un processus inhérent à l’expression artistique. L’artiste peintre Gwenn Seemel nous l’explique concrètement dans la vidéo ci-dessous où elle montre comment les influences extérieures lui parviennent et l’aident à faire aboutir sa propre création lorsqu’elle peint un tableau.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Everything is a remix ! Le droit peut le nier et le criminaliser, mais il ne peut faire en sorte de faire disparaître le caractère nécessairement collectif de toute forme de création.

Un droit au Mashup, maintenant !

Mais ce n’est pas la seule raison pour laquelle nous avons profondément besoin aujourd’hui que le droit reconnaisse et consacre le remix et le mashup comme des pratiques légitimes.

Pour essayer de vous en convaincre, je vais prendre l’exemple de l’épouvantable chanson Friday de Rebecca Black que vous connaissez sans doute. Si ce n’est pas le cas, sachez que ce clip, posté par une adolescente américaine l’année dernière, a été consacré comme la vidéo YouTube 2011, avec plus de… 150 millions de vues ! Pourtant, le titre a été dans le même temps été désigné comme “la pire chanson jamais écrite au monde“, aussi bien pour l’ineptie de ses paroles que pour la mise en scène du clip, dont l’absurdité confine au génie !

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Il y a quelques années, si une telle chanson avait été matraquée à la radio ou à la télévision comme un produit de consommation culturelle de masse, nous n’aurions pu que la subir passivement jusqu’à l’écœurement, comme ce fut le cas avec la Lambada, Macarena et autres tubes de l’été préfabriqués.

Mais à l’heure d’Internet, la passivité n’est plus de mise et il est fascinant de taper “Friday+Rebecca Black+Remix” ou “+Mashup” dans YouTube ou Dailymotion. On découvre alors la manière dont des multitudes d’internautes se sont emparés de cette catastrophe musicale sans précédent pour en faire des adaptations géniales !

Tenez vous bien ! On trouve par exemple une grandiose version Death Metal ; un remix au violon interprété par un petit virtuose ; une version a capella avec une intéressante fin alternative ; l’inévitable (et insoutenable) version Nyan Cat ; la rencontre improbable de Rebecca Black avec le roi Arthur des Monty Python ; la version gore Friday the 13th ; une interprétation par Hitler dans son bunker

Et la plus géniale de toutes, cette version Jour de la Marmotte !

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Vous l’avez compris, le mashup et le remix, ce sont littéralement des moyens d’auto-défense numériques, alors tout de suite, là, maintenant, un droit au remix, sinon la vie ne vaut pas d’être vécue !


Photos par Karen Eliot [CC-bysa] via Flickr et Xmen meets Guernica par Themat via DeviantArt

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Photographes critiques en campagne http://owni.fr/2012/05/10/bilan-de-la-com-de-cette-presidentielle/ http://owni.fr/2012/05/10/bilan-de-la-com-de-cette-presidentielle/#comments Thu, 10 May 2012 09:06:17 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=107677

France, Paris. 8 mai 1988. Célébration de l'armistice sous l'Arc de Triomphe et jour du deuxième tour de l'élection présidentielle. François Mitterrand, Président de la République et Jacques Chirac, Premier Ministre. ©Jean-Claude Coutausse

Le photojournalisme politique de nos jours suppose de sérieuses capacités à démonter en temps réel les constructions des services de com’ des candidats. Jean-Claude Coutausse et Cyril Bitton font de la photo politique depuis plus de dix ans. Membres de Fedephoto ils ont créé à l’approche de la présidentielle, un collectif informel baptisé French Politics avec Olivier Coret, Marc Chaumeil, Laurent Hazgui et Caroline Poiron. Chacun d’entre eux a suivi durant plusieurs mois un (ou des) candidat(s) en campagne pour plusieurs quotidiens ou magazines. Ainsi, Jean-Claude Coutausse suit les présidentielles depuis 1988 et François Hollande depuis l’université d’été en exclusivité pour le quotidien Le Monde. Cyril Bitton suit le FN depuis dix ans et Marine Le Pen depuis son investiture à la tête du parti en janvier 2011. Entretien.

Qu’est-ce qui a changé dans votre manière de travailler depuis les précédentes présidentielles en 1988 pour Jean-Claude et 2002 pour Cyril ?

Jean-Claude Coutausse : C’est toujours le même principe. Nous sommes devant une scène avec des hommes politiques qui se mettent en scène. Ce qui a vraiment changé, c’est plutôt la manière dont ils se mettent en scène. Avant, ils étaient moins conscients de leur image. Particulièrement l’ancienne génération, les Chirac, Balladur, Barre, Mitterrand. Ils étaient un peu plus patauds. Le principe en photo politique c’est d’abord de se faire un point de vue. Ensuite d’aller le chercher avec des images et des situations.

France, Paris. Campagne présidentielle, Jacques Chirac en meeting. Le 4 mars 1988. ©Jean-Claude Coutausse

Nous devons toujours être omniprésents pour profiter des failles, de ces moments où les hommes politiques s’oublient un peu. De ce point de vue, nous avions plus d’occasions avec l’ancienne génération. La nouvelle, disons depuis 2007 avec la campagne de Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy, fait beaucoup plus attention à son image.

Les équipes de communicants sont omniprésentes aujourd’hui autour de la plupart des candidats, comment travaillez-vous ?

Jean-Claude Coutausse : Nous avons surtout vu les équipes de communicants arriver en 2002. Chez Jacques Chirac, c’était plus familial. C’est un cercle d’intimes qui le conseillait, dont son attachée de presse de toujours Lydie Gerbaud. Autour de Jospin en 2002, on a vu arriver des publicitaires. Et ça a été une catastrophe. Ils ont contribué à sa défaite. Ils étaient insupportables et se sont mis la presse à dos. De notre côté, nous avons toujours travaillé de la manière suivante : raconter ce que l’on voit et ce que l’on ressent. Eux voulaient vendre un produit. Et ça n’a pas marché. On ne sait jamais vraiment, si ce sont toujours les mêmes aujourd’hui, mais si ces personnes ont eu une réelle influence sur l’actuelle campagne de François Hollande, ils l’auront fait cette fois de manière plus subtile avec l’expérience acquise.

France, Toulouse. Campagne présidentielle 1995. Lionel Jospin en campagne. 16 mars 1995. © Jean-Claude Coutausse

Cyril Bitton : J’ai suivi plusieurs candidats pendant cette campagne, Eva Joly, Jean-Luc Mélenchon, François Hollande pendant la primaire socialiste, mais surtout Marine Le Pen, depuis plus d’un an, moment de son investiture à la tête du parti. Pour le Front National, l’évolution se fait surtout avec le changement de personnalités, très différentes, à la tête du parti, entre 2002 et maintenant. Alors que la personne qui s’occupe de la communication est la même, Alain Vizier. C’est vraiment la vieille école. Ils s’en moquent de voir les photos avant publication, du moment que quelque chose sort, ils sont contents. On peut faire à peu près ce qu’on veut. On peut faire des demandes spécifiques.

Paris le 8 janvier 2012. Marine Le Pen lors de sa galette des rois annuelle. © Cyril Bitton/French-politics.com

En 2002 à l’époque de son père, le champ d’action était plus large, on a parfois l’impression qu’ils n’ont pas de communicants. L’accès au bureau de Jean-Marie Le Pen était assez simple et je pouvais même faire des photos sur scène. Aujourd’hui, c’est plus compliqué. En meeting on ne peut plus monter sur scène et dix ans après je sais que je ne pourrai pas faire des photos dans le bureau avant les résultats.

Jean-Claude Coutausse : J’ai beaucoup couvert le FN à partir de 1986 pour Libération. Le débat de l’époque dans les rédactions était est-ce qu’on couvre le FN ou pas ? Même sans clore le débat nous le faisions. Ils sont là, ils se présentent aux élections. Des incidents avec les journalistes au FN j’en connais très peu. On nous a toujours laissé faire. C’était plutôt eux qui éloignaient ce qu’ils ne voulaient pas qu’on montre. Qu’on dise du bien ou du mal, ils voulaient qu’on parle d’eux.

Cyril Bitton : Avec Bayrou c’était marrant, ils ne voulaient pas qu’on utilise le grand angle. Quelqu’un avait du lui expliquer un jour que le grand angle déformait.

Jean-Claude Coutausse : Bayrou s’approche et te dit “vous êtes au 28 mm ?” Il connaissait même les focales. Il s’approchait, tu déclenchais. Il est vraiment de l’ancienne école.  Au PS cette année, ils nous ont empêché de faire certaines photos, on ne pouvait pas prendre Hollande de dos par exemple. Ils faisaient ça de manière beaucoup plus subtile bien sûr, “tiens, place toi là, tu seras plus à l’aise devant”. Et depuis quelques semaines ça s’est libéré.

François Hollande, candidat du parti socialiste à la présidentielle 2012 participe à la cérémonie des voeux de la municipalité de Laguenne, Corrèze, France, vendredi 6 janvier 2012 - ©Jean-Claude Coutausse / french-politics.com

Comment se traduit cette “mise en scène”, cette mécanique bien huilée de la représentation politique ? Et comment arrivez-vous à montrer “autre chose” que ce que l’on vous présente.

Jean-Claude Coutausse : Montrer les rouages d’une campagne ou l’envers d’un décor, c’était très à la mode depuis dix ans à la télévision. Le public sait comment ça fonctionne. A Vincennes nous étions une poignée de photographes autorisés par les équipes de Hollande à monter sur scène, de Libération, Le Parisien, Le Monde et une ou deux grandes agences. C’est une compétition entre deux candidats, et on me donne donc l’occasion de le montrer face à la foule. Est-ce qu’on fait leur jeu à ce moment là ? Ce qui m’a intéressé malgré tout à Vincennes (Ndlr : au meeting de François Hollande avant le premier tour) c’était de montrer le candidat Hollande avec la foule.  La question était : Y aurait-il une grosse foule : celle qu’ils attendaient, ou pas ? Je montre ce que je vois. On peut toujours décadrer mais ça dépend des meetings. D’ailleurs, les candidats ont tous adopté ce même fond bleu et parfois on ne sait plus où on est : à Besançon ? à Lille ? Dans un gymnase, une mairie ?  Donc nous devons élargir le cadre pour avoir l’information de contexte.

Quelle liberté de circulation avez-vous dans les meetings ?

Jean-Claude Coutausse : Personnellement, je me dis il faut aller voir tous les candidats pour avoir un bon point de vue. Le Monde me demande de n’en suivre qu’un (Ndlr: François Hollande). Mais je m’échappe, malgré tout. C’est fatiguant de suivre le même candidat et ça créé des relations. Même si cela peut faciliter énormément les choses. A Lille, il y avait un pool avec trois photographes qui le suivent depuis le début : Sébastien Calvet (Libération), Denis Allard (REA), et moi-même. Les équipes de communication nous ont laissé passer devant. Alors est-ce qu’on nous manipule, est-ce qu’on nous facilite tout simplement la tâche ou est-ce pour nous remercier un peu du résultat de notre travail ?

France, Lyon. Campagne presidentielle premier tour. Meeting de Francois Mitterrand. 15 avril 1988

Vous n’avez jamais de réponse claire là-dessus ?

Jean-Claude Coutausse : Il n’y a peut-être pas de réponse. La situation est ambiguë, eux font de la politique et nous sommes journalistes. Mais il n’y a pas de relations incestueuses. Ce sont des gènes différents mais malgré tout, cela fait un an que nous sommes sur les routes ensemble et dans les mêmes hôtels. Ce qu’il y a de plus compliqué en photo politique c’est toujours de garder de la distance.

Ce qui est important c’est également le média pour lequel un photographe travaille, les demandes des quotidiens ou des agences diffèrent…

Cyril Bitton : L’intérêt de travailler pour un journal c’est la liberté et d’avoir des images qui sont publiées. Ils te laissent tranquille et ça t’apporte une légitimité. Entre 2001 et 2007, quand je suivais le FN en commande régulière pour VSD, c’était simple. Alors qu’au tout début de cette présidentielle, je n’avais pas de journal ou de magazine derrière moi, et même Alain Vizier (Ndlr : responsable communication du FN) que je connaissais depuis des années, me répondait que “c’était compliqué” pour certaines de mes demandes. Mais quand on commence à venir très régulièrement, ils s’habituent.

Jean-Claude Coutausse :

Un visage familier te rassure. Mais c’est sclérosant de suivre un même candidat. Tu accumules une grosse fatigue sur une campagne. Tu peux tomber en amour ou en haine excessive pour un candidat. Il faut respirer. C’est très instructif de voir comment ça se passe chez les autres candidats, chez Mélenchon, chez Sarkozy…

Lille, le 23 fevrier 2012. Nicolas Sarkozy en déplacement dans le Nord de la France avec une visite du Centre de Formation CFA le Virolois de Tourcoing et un grand Meeting au Grand Palais de Lille. © Cyril Bitton / french-politics.com

Cyril Bitton : Avec le temps certaines choses se mettent en place et avec l’expérience aussi. Meeting après meeting on trouve nos marques, on connait le tempo de la campagne du candidat. Mais c’est bon de quitter ses zones de confort : au milieu de cette campagne présidentielle, j’ai couvert un meeting de Sarkozy, le contrôle était si compliqué que j’étais obligé d’être super concentré  tout le temps. Je ne connaissais pas les rouages de sa campagne. Côté agences, certaines ont des demandes spécifiques. Les photographes doivent parfois demander aux politiques de poser.

Jean-Claude Coutausse : Le média est très important. Dans une agence photo, l’aspect commercial est assez fort. Les photographes ont besoin de vendre des photos, et au lieu d’être tournés vers la scène sur Hollande par exemple, les agences voudront des photos de Valérie Trierweiler. Elles se vendront de manière plus sûre. On peut leur demander de faire plus de concessions qu’à un photographe de journal.

Quelles concessions vous ne feriez pas ?

Jean-Claude Coutausse : Je ne travaillerai pas avec une agence photo sur les sujet politiques pour fournir la photo du candidat qui fait la gueule. Ces photos, tu les fais de toute façon et tu vas les publier, sauf que tu as la continuité de ton histoire sur plusieurs mois de travail et qu’elles s’insèrent dans une narration. La plupart des agences chercheront le quatre pages pour VSD ou Paris Match qui ramènera de l’argent. Ils vont plus jouer dans le people et on sort du journalisme. A cause de la pression commerciale.

France, Paris. Francois Hollande, candidat à la primaire de socialiste, en meeting au Bataclan. Jeudi 13 octobre 2011 ©Jean-Claude Coutausse / french-politics.com

Cyril Bitton : Cela dépend des agences. A french-politics, on raconte la vie d’un candidat sur plusieurs mois, celle qu’il choisit en tout cas de nous montrer, et on va essayer de faire des choses différentes dans ce cadre.

Là où c’est bien de suivre une campagne sur la longueur c’est le fait qu’il n’y ait pas que des photos fortes. Comme dans une fiction, avec des moments de creux tout aussi intéressants, comme une respiration, et avec des moments plus intimes.

C’est différent de travailler juste pour un quatre pages de magazine. Là, nous avons le début de la campagne, la fin avec plus d’ intensité, les déplacements…

France, Paris. Le 8 mai 1988. Le soir de la deuxième élection présidentielle de François Mitterrand, ses supporters manifestent leur joie place de la République. ©Jean-Claude Coutausse

Jean-Claude Coutausse : Ça devient une histoire intéressante sur le plan journalistique, et du point de vue historique au bout de quelques années. Mais dans le présent, ça ne rapporte pas d’argent.

La photographie politique est très particulière. Elle a énormément de valeur ce matin, le lendemain beaucoup moins, dans six mois aucune et dans dix ans elle a une valeur inestimable.

L’arrivée d’Internet, sa viralité et la multiplication des plateformes comme Twitter dans le paysage médiatique ont-elles joué un rôle dans la prise de conscience des politiques de leur image ?

Jean-Claude Coutausse : Je suis plutôt étonné du peu d’influence de la presse Internet sur la campagne. De mon point de vue, ce sont souvent des gens qui ont dépassé la cinquantaine qui s’intéressent le plus à la politique. Les meetings sont entrés dans les salons grâce à la télévision. Je pense qu’il faut attendre encore un peu, avec les nouvelles générations pour qu’Internet ait un poids vraiment significatif. Après, mon blog sur lemonde.fr (ndlr : Bains de foule) a été une bénédiction. Je met ce qui me plait. On attend aussi que de vrais services photos se développent sur la presse en ligne.

Cyril Bitton : J’ai plutôt l’impression qu’ils s’inquiéteront vraiment d’Internet à la prochaine présidentielle en 2017. Dans celle-ci, ce sont les télévisions en continu qui ont mené la danse. Elles sont toujours très proches. Pour ce qui concerne Marine Le Pen, des déplacements ont même été annulés ou déplacés pour avoir la présence des télévisions en continu. C’est très important, malgré un réseau comme Twitter. La différence sur le terrain, entre 2002 et aujourd’hui, c’est le nombre de caméras et de perches.

France, La Rochelle. Université d'été du Parti Socialiste. Mairie de La Rochelle, réunion des présidents de régions PS. Ségolene Royal parle à la presse. Jeudi 14 aout 2006. ©Jean-Claude Coutausse

Depuis le “casse toi pauv’ con” les télévisions laissent trainer leurs micros, ils se tiennent à 10 cm du candidat. Nous ne pouvons plus travailler tanquillement, nous n’arrivons pas à avoir un décor pour contextualiser, eux non plus. Ils interrogent les candidats sur n’importe quoi en espérant avoir une petit phrase clef. Et c’est difficile pour nous, photographes, avec cet agglutinement, d’avoir une bonne photo. Il faut rester longtemps sur place quand le cercle se relâche, récupérer de l’espace et prendre des photos.

Ton portfolio “Au nom du père” consacré à la campagne de Marine Le Pen, a provoqué des réactions de rejet et de gêne. Tu parlais aussi de délit de faciès…

Cyril Bitton : Ce que je trouve intéressant, c’est l’idée de prêter attention à la forme pour faire ressortir le fond. Pour ce qui est de Le Pen, je travaille le plus honnêtement possible, je n’invente aucune situation, je montre ce que je vois. Je suis Marine Le Pen depuis qu’elle a pris la tête du parti et le FN depuis dix ans.

Le Congrès du Front National à Tours qui voit Marine Le Pen devenir Présidente du FN. Janvier 2011 © Cyril Bitton/French-politics.com

Je montre simplement ce qu’elle fait : elle essaie de montrer que le parti est différent. Ou comment elle est : dans certains de ses déplacements, les moments où elle est à l’aise, et d’autres non, car elle ne se retrouve pas devant son public habituel. J’aurais passé moins de temps à faire une sélection si j’avais juste pris des photos ou elle apparaissait méchante.

Pire, en faisant ça, j’aurais eu le même raisonnement qu’eux, c’est à dire fonctionner au délit de faciès. Ce que je montre est la réalité pas une caricature.

Et c’est plus intéressant de susciter des réactions avec ce travail surtout si cela permet de poser la question des idées.  Si on ressent une gêne à leur vue, on a une chance, c’est d’aller voter contre ces idées.

Grande fête champêtre du Front National à Vaiges en Mayenne le 17 septembre 2011 pour marquer l'entrée en campagne de Marine Le Pen pour l'élection présidentielle de 2012 - Marine Le Pen signant des autographes aux enfants présents sous la pluie.© Cyril Bitton/frenchpolitics.com

Est-ce que ces réactions de gêne ne sont pas dues au fait que son père paraissait finalement très caricatural, quelque soit l’angle sous lequel on le prenait en photo ?

Cyril Bitton : Clairement, Marine Le Pen joue beaucoup de sa féminité par rapport à son père. Mais les journaux ont une responsabilité là-dedans. Entre 2001 et 2002, très souvent les magazines ne demandaient que des photos où Jean-Marie Le Pen faisait des grimaces et paraissait dur. Au début de cette campagne 2012, je voyais beaucoup de téléchargements de photos de Marine Le Pen sur notre site french-politics, où elle était “normale”.

Paris le 2 février 2012. Marine Le Pen presente son comité de soutien qui est dirigé par Gilbert Collard. © Cyril Bitton/French-politics

Elle est même passée dans le magazine ELLE . C’est du jamais vu. La responsabilité des journaux est là, entre demander des photos de son père où il est agressif et rester dans la caricature, et pour sa fille ne prendre que des images ou elle est souriante. C’est aussi un choix éditorial.

Jean-Claude Coutausse : C’est un débat intéressant. Depuis 1986 une bonne partie de la société se complait dans cette caricature, “ce sont des nazis, ils ont de gros souliers”. Comme cette dame qui avait dit : “des crapeaux sortent de sa bouche [Marine Le Pen]” après la projection du portfolio de Cyril . Hors la réalité n’est pas là. Nous avons toujours cette référence à la deuxième guerre mondiale et au nazisme alors que le FN est issu de notre propre société. C’est plus difficile à admettre. Il arrive un moment où les photographes et journalistes qui les approchent veulent raconter cette réalité, ce que montre bien Cyril. La caricature est confortable presque rassurante, mais totalement inefficace.

Cyril Bitton : Et ça ne nous remet pas en cause. On est encore sur le physique. Alors que ce sont les idées qu’il faut combattre.


Photographies par ©Jean-Claude Coutausse et © Cyril Bitton / French Politics. Tous droits réservés.

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Les politiques dans le viseur http://owni.fr/2012/04/22/les-politiques-dans-le-viseur/ http://owni.fr/2012/04/22/les-politiques-dans-le-viseur/#comments Sun, 22 Apr 2012 08:35:02 +0000 Anaïs Richardin http://owni.fr/?p=107139

Wilfrid Estève, directeur de la formation photojournalisme de l'EMI-CFD présentate le webdoc "60 secondes pour un quinquennat" et le projet 21 voix pour 2012. À La Cantine, Paris le 19 Avril 2012. © Milan Szypura

Jeudi soir, à la Cantine avait lieu une rencontre-débat sur la représentation du politique dans les médias.

Objectif électeurs #3

Objectif électeurs #3

21 voix pour 2012, ce sont 21 portraits d'électeurs par des photojournalistes, autour des thèmes de la campagne. Des champs ...

Après une première partie au cours de laquelle les photojournalistes de 21 voix pour 2012 ont présenté leur excellent projet pluri-média, les invités Mathieu Polak, André Gunthert, Ophelia Noor, Mathieu Sapin, Alain Soldeville et Arnaud Brunet ont échangé à l’occasion d’un débat organisé par Ziad Maalouf de l’Atelier des Médias.

Tous se sont accordés à dire que les partis politiques ont une mainmise sur les images de presse, notamment en organisant l’agencement des salles de meeting, dans lesquelles les photographes n’ont d’autres possibilités que de se serrer sur l’estrade d’un carré presse situé à 30 m de la scène, produisant ainsi une image conforme aux souhaits des partis.

André Gunthert, chercheur à Culture visuelle, regrette ce contrôle de l’image de plus en plus prégnant :

L’une des nouveautés de la campagne, c’est qu’il y a un contrôle beaucoup plus important de l’image par les partis. Ça donne une image qui n’est que spectacle, c’est un dispositif, une image construite par avance qui est comme une fiction.

La frontière serait donc parfois floue entre le factuel et le fictionnel.

Mathieu Polak, iconographe pour Le Monde et André Gunthert, chercheur en sciences sociales sur l'image et le lange à l'EHESS - © Jacob Khrist

Outre les problèmes de neutralité de l’information et de liberté du journaliste que cette mise en scène soulève, il y a aussi un problème de doublon de l’information entre le texte et une image trop construite, ce qu’explique Mathieu Polak, iconographe au journal Le Monde :

Lorsqu’elle [l’image,NDLR] montre le candidat à la tribune avec une foule devant et un drapeau français. C’est une image qui bégaye avec le texte.

Ce storytelling est imposé aux photographes, sauf si ceux-ci bataillent pour aller se poster à un autre endroit que celui qui leur est réservé. Ce dont témoigne Mathieu Polak :

Si on veut avoir une image différente des autres à un meeting politique, c’est une heure et demie d’intense bataille . Ou alors il faut grenouiller, escroquer.

Arnaud Brunet, photojournaliste indépendant/NEUS - © Jacob Khrist

Si les photographes désirent fournir une photo qui donne une autre information, qui raconte une histoire telle qu’ils la voient et non telle qu’on leur propose, ils doivent donc esquiver les services de sécurité, parlementer ou bien se faufiler en douce. Une méthode éprouvée par Arnaud Brunet, photographe et cofondateur de Neus Photos, qui cherche à diversifier ses prises de vue et utilise un matériel radicalement différent de celui de ses collègues :

Les contraintes qu’on nous a imposées m’ont obligé à prendre des points de vue différents, j’ai utilisé le panoramique, l’argentique, le noir et blanc. Avec un petit appareil, je suis discret, je passe partout.

Ziad Maalouf de l'Atelier des médias RFI animait le débat de la soirée 21 voix pour 2012 - © Jacob Khrist

Une liberté d’action qui lui permet de sortir des chemins tout tracés par les services de communication et de capturer le hors champ, parfois plus porteur de sens que l’image consensuelle que tous les médias publient :

Le fait d’ouvrir le champ, de cadrer en panoramique m’a permis de détourner les images, mais si on recadre, on obtient l’image officielle.

Mathieu Sapin, illustrateur et auteur du blog Journal d’une campagne, avoue que la discrétion est un atout pour avoir accès à des zones habituellement hors de portée. Comme il est dessinateur, il explique être certainement perçu comme une menace moindre qu’un journaliste armé d’un gros objectif :

Faire de la BD crée un certain capital sympathie, ce qui fait qu’on a accès à beaucoup de choses.

Comme la war room de Solférino le soir des primaires socialistes, par exemple.

Mathieu Sapin, dessinateur de BD politiques et auteur du blog Journal d'une campagne sur Libération.fr - © Jacob Khrist

Si Mathieu Sapin est indépendant et choisit lui-même ce qu’il décide de publier, ce n’est pas le cas des photojournalistes qui soumettent leur travail à une rédaction, ce qui ajoute un filtre supplémentaire à la création de l’image. Mathieu Polak a ainsi rappelé qu’il était nécessaire de prendre en compte l’existence du filtre éditorial.

Serrage de mains - © Mathieu Sapin

Le simple fait de choisir une photo pour la publier participe à la construction du sens de l’image. André Gunthert, chercheur à Culture visuelle l’a suivi sur ce point :

Le filtre éditorial change aussi la photo, le média est une strate intermédiaire invisible. Le fait de mettre en Une une photo, de la recadrer, c’est la mettre en valeur par rapport à un certain dispositif, celui de la Une de Libération, avec un joli titre.

Arnaud Brunet a ensuite soulevé l’importance de la légende dans le sens que donne un média à une image. Il a pris l’exemple d’une photographie de Nicolas Sarkozy, prise à la sortie d’un meeting, au moment où il saluait ses militants. Sur cette photo, on voit le président monter dans une voiture, bras droit tendu. Un bras droit que nous interprétons tous à l’aune de notre culture commune comme un salut nazi. Cette photographie s’inscrit dans une généalogie de l’image à laquelle on ne peut échapper.

Nicolas Sarkozy - Au revoir aux militants - Deplacement a Tour le 10 avril 2007 - © Arnaud Brunet /NEUS - cliquez sur la photo pour la voir en grand format

C’est à cette étape que la légende est importante. La photo étant relativement équivoque, il est important de la remettre dans son contexte. Arnaud Brunet a donc vendu cette photo en obligeant les médias qui souhaitaient la diffuser à y apposer la légende qu’il avait choisie « Nicolas Sarkozy dit au revoir à ses militants. »

Partant du constat que les médias participent activement à la construction du sens d’une image, Alain Soldeville, photographe,  a présenté son projet Parti Pris :

Il est très difficile de couvrir une campagne électorale, j’ai préféré faire ça depuis mon téléviseur et faire un travail sur la campagne vue par les médias. Je me suis interrogé sur la manière dont les médias montraient les politiques à la télévision. Je voulais montrer la syntaxe des images télévisuelles.

Partis pris Nicolas Sarkozy, invité de l'émission "Des paroles et des actes" sur France 2 le 5 mars 2012. © Alain Soldeville/Picture Tank

Alain Soldeville ne s’y est pas trompé en se postant derrière sa télévision,  car la campagne ne s’est pas jouée en ligne, contrairement aux attentes. Pour André Gunthert, le fait que la télévision ait été le pivot du traitement médiatique justifie l’agacement des citoyens qui, selon lui se traduirait par l’abstention au moment de se rendre au urnes :

La campagne a été maitrisée par la TV et tout s’est passé sur ce média. Les médias doivent être attentifs aux messages d’abstention des citoyens qui s’adressent aux élites. C’est peut-être aussi une critique de la manière dont cette campagne a été retranscrite par les médias. Les seules choses intéressantes que j’ai vues venaient des blogs, des réseaux sociaux, d’internet et des mèmes.

Ophelia Noor, iconographe @Owni.fr et Alain Soldeville (à droite) photographe indépendant membre de Picture Tank / à l'écran, photographie de François Bayrou par Arnaud Brunet pendant la campagne présidentielle de 2007 - © Jacob Khrist

Ophelia Noor d’OWNI a, elle aussi, fait ce constat de l’impact modéré d’internet lors de cette campagne,

alors même que son pouvoir de détournement peut être très puissant et viral. Ce qui s’est passé lors de la publication de la timeline Facebook de Sarkozy ou de son affiche de campagne la France Forte.

Le “mème” Sarkozy sur Facebook

Le “mème” Sarkozy sur Facebook

Nicolas Sarkozy réécrit sa vie sur Facebook. Un pur moment de communication, qui tombe à pic pour l’annonce, ...

Mais internet ne fonctionne pas de la même manière que la télé. Alors que les spectateurs se trouvent passifs devant un flot d’informations et d’images semblables, internet leur permet d’être actifs.

Sur le web, médias et internautes interagissent et l’information ne vient plus seulement d’en haut (top-down). Ophelia Noor explique comment les papiers d’Owni sont illustrés :

Sur les sujets politiques, nous optons pour l’illustration maison, ou un mélange de photo et de graphisme. A plusieurs reprises, nous avons puisé aussi dans les mèmes et détournements d’images sur Internet pour illustrer nos sujets.

Couvertures politiques d'Owni.fr en 2011 : graphisme, mèmes, détournements et montages photo (cc) Loguy, Marion Boucharlat, Elsa Secco pour Owni - Cliquez sur l'image pour la voir en grand format.

André Gunthert a repris l’exemple du visuel de campagne du président sortant « La France forte », dont les détournements ont fleuri :

Les mèmes sont la manifestation d’un mouvement bottom-up [qui part des citoyens, NDLR] encouragé par les nouvelles technologies. La campagne officielle est polluée par les mèmes, elle est perdue dans la masse du détournement. Le public reprend la parole dans une campagne qui ne nous a pas beaucoup écoutés.

Pour Arnaud Brunet, l’information en continu et l’usage de Twitter ont changé la manière de travailler des photojournalistes. Pour Mathieu Polak, ils induisent surtout un autre rapport à l’information :

Plus il y a d’images en continu, plus des images arrêtées et bien mises en page prennent de la valeur.

Soirée débat "les politiques dans l'oeil du viseur" et présentation et projection autour du webdoc "60 secondes pour un quinquennat" et le projet 21 voix pour 2012. À La Cantine, Paris le 19 Avril 2012. © Milan Szypura

Si Internet n’a pas eu l’impact escompté, il reste néanmoins l’espace privilégié des citoyens pour communiquer des contenus amusants, qui permettent de souffler dans ce flot continu d’informations et d’images similaires. 

Sarkozy détourné de son image

Sarkozy détourné de son image

Sitôt publiée, l'affiche de campagne de Nicolas Sarkozy a été détournée. André Gunthert, chercheur sur l'image et le ...

Mais qu’en sera-t-il de cet espace dans quelques années ? Prendra-t-il une place plus importante à la prochaine élection présidentielle ?

C’est ce qu’ Ophelia Noor espère :

J’attends de voir Internet prendre une place plus importante en 2017. Cette année les politiques se sont désintéressés du numérique qui n’était pas un sujet prioritaire.

André Gunthert a pour sa part fait remarquer que

dans deux ou trois ans on se souviendra des images détournées et non pas de la campagne officielle.

Arnaud Brunet a quant à lui regretté que la photo dérive de plus en plus vers la photographie people, se demandant si l’étau des communicants ne cesserait de se resserrer :

Les photojournalistes vont-ils devenir des paparazzis obligés de se cacher dans les buissons pour avoir une photo de Hollande ?

Une dérive qui empêche les photojournalistes d’exercer correctement leur métier. Ce que ne souhaite pas Mathieu Polak qui a émis le vœux de voir “se multiplier les demandes de portfolios avec des photojournalistes qui font un travail au long cours“.


© Photographies de la soirée par Milan Szypura et Jacob Khrist
© Photographies,  illustrations et détournements par Arnaud Brunet/NEUS, Mathieu Sapin , Alain Soldeville/Picture Tank et les interouèbes /-)

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Sarkozy détourné de son image http://owni.fr/2012/02/19/sarkozy-detourne-de-son-image/ http://owni.fr/2012/02/19/sarkozy-detourne-de-son-image/#comments Sat, 18 Feb 2012 23:25:34 +0000 André Gunthert http://owni.fr/?p=99004

Selon la formule célèbre du livre Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, de Karl Marx, les grands événements historiques se répètent, “la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce.” Cette fois, c’est sûr, on est dans la farce.

Telle était du moins l’impression que produisait l’accueil de l’annonce de la candidature de Nicolas Sarkozy aux prochaines présidentielles sur les réseaux sociaux. Pendant qu’une grande partie de la presse s’efforçait de nous convaincre que les choses sérieuses allaient enfin commencer, les outils de l’appropriation s’emparaient du slogan et de l’affiche de campagne pour une série de détournements dévastateurs.

Un slogan giscardien, une affiche mitterrandienne: les communicants sarkozystes ne brillent pas par leur imagination. La seule tentative qui sortait de la routine était celle de décliner la métaphore du capitaine courage, utilisée par le candidat lors de son allocution télévisée. Mais l’option du fond marin pour habiller l’image était un choix risqué, véritable appel du pied aux blagues et au second degré après l’échouage du Costa Concordia ou la proximité de la sortie du film La mer à boire.

Ça n’a pas raté. Avec une réactivité significative, les premiers détournements mettaient en scène Sarkozy en capitaine naufrageur (voir ci-dessus), suivis de près par le baigneur naturiste du catalogue La Redoute.

A l’époque mitterrandienne, la présence d’un fond uni ou d’un emplacement vide était un choix visuel sans risque particulier. A l’ère du mème et de la retouche, c’est une provocation à la satire. La simplicité graphique de l’affiche La France forte, composée de 3 éléments nettement distincts – le personnage, le slogan et le fond – se prête admirablement à l’appropriation. Constatant le succès du mème, le mouvement des Jeunes socialistes proposait dès le milieu de la matinée un générateur automatique permettant de modifier le slogan ou d’appliquer diverses variations à l’image.

Outre “la France morte”, on a pu noter le succès récurrent de l’adaptation culinaire du slogan, remixé en “Francfort”, allusion à l’empreinte du modèle germanique qui hante la candidature Sarkozy (voir ci-dessus).

Que le net s’empare d’un contenu politique et le détourne, quoi de plus normal ? Mais on n’a pas constaté pareille explosion satirique à l’endroit de François Hollande, dont la campagne, si elle peine à soulever l’enthousiasme, ne provoque pas non plus d’opposition massive. La rage mordante de la caricature s’adresse bien au président sortant, dont le moindre discours paraît définitivement inaudible, menacé par l’inversion et la raillerie. Révélateur de l’exaspération qu’il suscite, le sarcasme le plus cruel a consisté à mimer l’effacement du candidat sur sa propre affiche, jusqu’à la disparition (voir plus haut).

L’écart est frappant entre cet accueil et le sérieux avec lequel la plupart des grands médias continuent de considérer une campagne menacée par le naufrage avant même d’avoir commencé. Qui, à part Alain Duhamel, croit encore que Sarkozy est capable de rééditer Marengo et de l’emporter in extremis par un retournement inouï ? Mais le storytelling d’un combat gagné d’avance ne fait pas les affaires de la presse, qui attend depuis des mois le pain béni de la présidentielle, et qui fera tout pour donner à des chamailleries de cour de récréation les couleurs d’affrontements homériques.

Pendant ce temps, la France ricane, et s’amuse plus sur Facebook que dans les mornes sujets du JT. Une divergence de perception qui rappelle le traitement de l’affaire DSK – et n’annonce rien de bon pour la suite…


Cet article, que nous rééditons ici, a été initialement publié sur Culture Visuelle

Crédits Photos CC FlickR André Gunthert

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http://owni.fr/2012/02/19/sarkozy-detourne-de-son-image/feed/ 13
Deux siècles de propagande en images http://owni.fr/2011/05/02/deux-siecles-de-propagande-en-images/ http://owni.fr/2011/05/02/deux-siecles-de-propagande-en-images/#comments Mon, 02 May 2011 08:00:14 +0000 david-c http://owni.fr/?p=59574 Petit dossier du jour, plein de poussières parce que retro au possible. Vous connaissez mon amour pour les pubs vintage et autres vieilleries publicitaires, présentes dans de nombreux articles, elles ont aujourd’hui le droit à un article entier.
Évidemment je vais pas m’éclater à faire un article : “Vieilles Pubs”, c’est inutile et pas très intéressant … Donc, après moultes réflexions, l’article d’aujourd’hui concerne tout un pan de l’histoire mondiale en deux siècles. Je cite : la propagande.

Le drapeau sublimé dans la propagande

En soit, ce n’est pas de la publicité pure et dure, mais ce fut de loin le modèle de communication le plus utilisé au XIXème siècle que ce soit en période de guerre comme de stabilité politique. Voici donc une petite rétrospective de la propagande comme vous ne l’avez jamais vu, pays par pays.

La gloire du communisme grâce à la propagande

La Corée du Nord : Bastion de la propagande actuelle

Dernière dictature communiste asiatique, la Corée du Nord est de loin le pays qui maîtrise le plus la propagande. Problématique : Comment faire croire à tout un peuple que ton pays est génial alors que même les rats tentent de fuir ?
Réponse : Mettez un petit bonhomme plein de style, embrigadez tout un peuple dans les mythes et prenez soin de votre communication via la propagande.

La Paysanne, heureuse dans ses champs

Les verts pâturages de la Corée du Nord (Actuellement en État de Famine)

Le sourire na-tu-rel

Évidemment, LE grand ennemi du communisme de type staliniste, c’est le capitalisme. Et qui est LE digne représentant du capitalisme ? Les États-Unis. La Corée du Nord élabore donc toute une propagande contre ses ennemis : les Américains. Et parfois c’est très violent.

Un pays ouvertement haineux envers l’Amérique


Au dessus : “Ne laissez pas les loups américains détruire vos vies”


Utilisation des symboles américains comme le Capitole …


… ou l’aigle, emblème du pays (Contre l’innocent bout de chou coréen)



Au dessus : “Rien n’arrêtera notre avancée !”

“Tous contre l’ennemi américain”

L’économie américaine symbolisée par le Capitole

Dans la même lignée, on a aussi toute une communication sur les avancées technologiques et matérielles du pays. Mais aussi sur les productions du pays qui seraient riches et suffisantes.

La Métallurgie performante du pays

Une technologie dernier cri, pour un pays compétent

Un système ferroviaire développé. Des mineurs héroïques

Même si ça fait très 70 – 80, ces affiches sont bien sorties durant les années 2000

La représentation de l’ennemi est très présente en Corée du Nord, tout comme ces capacités agricoles, techniques, mécaniques, productives, informatiques … Il reste cependant un élément qui est plus que mystifié : le parti (unique). C’est le fondement même de la société nord-coréenne.

Toutes les classes sont représentées pour la gloire du Parti

La gloire du communisme Nord-Coréen sans cesse célébré

Le Juche et le drapeau – Symboles du Pays – En haut”Le Brave Juche”

Le peuple Coréen, un peuple heureux

La Corée du Nord est l’un des derniers forts du communisme stalinien, connu pour sa propagande inimitable : joie des protagonistes, situations irréelles, mystification du pouvoir etc … Tout ça n’est pas sans rappeler l’un des principaux belligérants dans la guerre à la propagande : l’URSS.

L’URSS : La Propagande avec un grand P

Même si aujourd’hui elle n’existe plus, l’URSS a été LA grande puissance de la propagande. Des affiches par milliers, des représentations ultra-idéologiques, c’est en fait l’organisation qui a instauré les codes de la propagande moderne. Ancêtre des affiches Nord Coréennes, il y a tout de même la même structure partagée entre idéologie et embrigadement.

Les figures emblématiques du communisme de l’URSS : Lenine …

… et Staline”Comprenons le chef Staline, entrons dans le communisme”

Lenine mystifié

Contrairement à la Corée du Nord, on voit dans la propagande russe, la dominance du rouge et des symboles idéologiques avec une classe particulièrement représentées : les ouvriers. Représentation logique dans un contexte particulièrement tendu contre les États-Unis où l’apogée de l’URSS atteint des sommets.

La représentation de l’ouvrier et du prolétariat

Les paysans et paysannes, heureux.

La propagande de l’URSS est connue pour exposer ses capacités militaires et techniques, avec exhibitions d’armes et des transports. On chiffre, on veut faire peur, on veut rassurer le peuple. L’URSS est puissante et le montre.

L’importance de montrer des chiffres et du résultat, une spécialité propre à l’URSS

La compagnie nationale des chemins de fer

En haut : “Les ennemis sont au front, les Russes doivent résister aux ennemis de la révolution”

L’armée et la flotte aérienne

Ce type de propagande est aussi reconnaissable avec l’omniprésence des références au sang et à la guerre.

L’ennemi est capitaliste

“Défendons la ville de Lénine”

Tout le monde est réquisitionné, pour l’affrontement

Ce qui est propre à l’URSS c’est l’importance de la parole. Au fur et à mesure des années, il y a eu une évolution concernant la liberté d’expression, la propagande le révèle plutôt bien. De plus, la presse a son importance dans cette société, malgré sa large censure, elle est représentée, tout comme les livres et les diverses sources de savoir.

En bas : “Garde ta langue dans ta bouche”

“Rumeurs, mensonges, histoires, Parler”

L’appel aux connaissances – En bas : l’affiche revisitée par Franz Ferdinand (Second album)

Les dépêches russes, comme par exemple : la Pravda

L’affiche contre le Capitaliste (De préférence gros et bien habillé)

Célébration de la presse – 1926

Il est évident que comme la Corée du Nord, il y a une célébration inépuisable du parti et du communisme, fondement même de l’URSS (CCCP).

Au dessus : “10 ans de la révolution d’octobre”

Le Peuple armé prêt à défendre la CCCP (URSS)

Le Peuple armé prêt à défendre la CCCP (URSS)

En bas : “Tous, pour la victoire”

Ces différentes affiches, nous montre bien les différents codes présents dans la propagande russe et repris par la Corée du Nord. Ces codes sont utilisés par les deux puissances, mais une sous branche se détache et rend la propagande plus originale.

L’URSS Juive

En effet, avant la Seconde Guerre mondiale, l’URSS était l’un des principaux foyers de la population juive européenne. Aujourd’hui minoritaire, les juifs russes ont le plus souvent migré vers Israël ou les États-Unis. Cependant, on retrouve leurs traces culturelles dans la propagande avec de nombreux affichages tout en hébreu et ventant les mérites de l’URSS.

Le Prolétariat Russe Juif, représenté dans quelques affiches

Toujours les paysans juifs en URSS

Affiche qui montre la migration des Juifs Russes vers les États-Unis

Ces deux puissances communistes, nous montre bien l’importance de leurs codes dans leurs affiches : rouge, armée, pouvoir, prolétariat, réussite, ouvrier etc … Cependant, une troisième puissance communiste (Enfin aujourd’hui, communiste de marché, bonjour le paradoxe) se détache …

La Chine

Contrairement a ses consœurs, cette puissance a peu fait de propagande mais le peu qu’elle a fait diffère de l’URSS et de la Corée du Nord. On retrouve la majorité des codes MAIS représentée par des enfants, détail important qui permet à cette propagande d’être plus légère.

“Wrangly aime et respecte la maîtresse”

“Nous aimons les sciences”

“Paix et amitié”

Et évidemment, on retrouve tous les codes habituels du communisme, avec mystification du peuple, apogée du parti, drapeau et insignes …

Les insignes et symboles mais présentés de façon moins violente que l’URSS

L’honneur au drapeau et au labeur

La famille au premier plan

L’armée, moins de sang et plus d’armes

L’ouvrier et les paysans, dans des représentations plus “traditionnelles”

Le petit livre rouge – Propagande pro-Mao

On l’a vu avec ces trois pays que le communisme a été l’un des principaux acteurs du développement de la propagande. Faire oublier la réalité et se conforter dans l’image d’une puissance efficace qui fait peur devient désormais possible, grâce à la propagande.

Mais il ne faut pas oublier que les différentes guerres ont alimenté la propagande mondiale. Avec en tête : les États-Unis

Les États-Unis : L’armée au premier plan

La première puissance économique mondiale a bien utilisé la propagande. Entre les deux guerres mondiales, la guerre froide et les différentes crises géo-politique, le pays est devenu un acteur principal dans la propagande mondiale.

Le Mythique Oncle Sam qui vous pointe du doigt

Les valeurs : respect, honneur, patrie.

L’inimitable patriotisme américain

Avec les États-Unis, c’est simple : l’armée, les trois couleurs, les Marines et le drapeau. Rien en plus, rien en moins. Les Marines et la Navy sont particulièrement représentés.

Enlist in the Navy – Engagez-vous dans la marine

La Navy – Men & Young Men

Les couleurs américaines et le traditionnel uniforme – Navy

Le recrutement des Marines – “The Navy Needs you ! Don’t read American History, MAKE IT “

Tout en symboles : le drapeau, la statue de la liberté (Humanisée) et oncle Sam

Au delà de ces deux branches armées, on retrouve aussi l’armée de terre et l’armée aérienne, très présentes dans les conflits et fiertés des Etats-Unis. On les retrouve évidemment dans la propagande.

Army Air Force, typiquement masculine

Iwo Jima

She’s a WOW – La femme réquisitionnée

Les femmes au service du pays.

La propagande en pleine Seconde Guerre mondiale

Une production massive aux Etats-Unis

"Vole ! Pour sa liberté et la tienne"

La propagande américaine est donc essentiellement militaire et non pas idéologique (Bien qu’Oncle Sam en soit un bon vecteur). On retrouve cependant les fameux “Bonds” vendus lors de la Seconde Guerre mondiale pour financer le pays et le réarmement du Pays.

Oncle Sam, toujours là avec ses Bonds – Et en plus il pointe du doigt

“Repousser le barbare” grâce aux Bonds

Se battre ou acheter des Bonds

L'ennemi Japonais dans la propagande américaine

La propagande américaine reste donc 100% centrée sur l’armée et le combat sous toutes ses formes : via les bonds, les Marines, la Navy, les militaires, la flotte aérienne … L’ennemi n’a pas de forme précise à part celle des barbares. Ce type de propagande lui est propre car très patriotique (Voir là) et est totalement différente de la propagande européenne.

L’Europe

Cette dernière catégorie géographique concerne l’Europe. Bien moins important, voici un petit échantillonnage des différentes affiches de propagande sur deux siècles. On retrouve l’Espagne comme principal acteur de la propagande européenne, notamment à cause de la Guerre Civile.

France : Guerre Froide – Guerre d’Algérie

Allemagne – Hongrie

La propagande nazie : famille parfaite et ouvrier arien

Italie – Seconde Guerre Mondiale

Grande Bretagne – Caricature de Churchill – God Save The King

Portugal – Pays Basque

“Ayuda a la Evacuacion” : Aidez à l’évacuation

Le Socialisme forgera une nouvelle Espagne – L’implication des femmes pour la victoire

“L’unité de l’armée du peuple sera l’arme de la victoire”

Propagande des régions qui se veulent autonomes : Catalogne et Pays Basque

République Espagnole

Avec tout cet article, on peut voir que la propagande a été l’un des vecteurs des valeurs de chaque pays et idéologies au cours de ces deux siècles. En pleine apogée lors des différents conflits mondiaux ou internes, elle est aujourd’hui considérée comme une véritable forme de média pour l’époque. Cependant, une question subsiste : Reste t’il des traces de la propagande aujourd’hui ?

Et Maintenant ?

La propagande aujourd’hui est reconnaissable grâce à tous ses codes esthétiques, on en retrouve beaucoup dans certaines publicités. Résultat, l’art et la publicité réutilise les codes de la propagande.

L’utilisation par M&M’s des anciens codes soviétiques – L’art qui stylise Obama en propagande moderne

Juste pour le plaisir final, ce petit détournement très … actuel.

Un long article donc, qui nous montre que la propagande était une forme de communication comme une autre avec des codes et règles précises. Aujourd’hui on en retrouve des traces dans l’art mais aussi et surtout dans la publicité. Si vous avez des modèles, pas d’hésitation, proposez ;)


Publié initialement sur Advertisingtimes
Illustrations : via Advertisingtimes ; via Flickr par motobrowniano [cc-by-nc-sa]

]]> http://owni.fr/2011/05/02/deux-siecles-de-propagande-en-images/feed/ 20 Henri-Jean Debon, l’homme qui faisait des (beaux) clips pour 1000 euros http://owni.fr/2011/04/14/henri-jean-debon-lhomme-qui-faisait-des-beaux-clips-pour-1000e/ http://owni.fr/2011/04/14/henri-jean-debon-lhomme-qui-faisait-des-beaux-clips-pour-1000e/#comments Thu, 14 Apr 2011 14:49:11 +0000 Lara Beswick http://owni.fr/?p=31551 Nous avons déjà eu l’occasion de parler de Henri-Jean Debon sur OWNImusic. Réalisateur quasi “attitré” de Noir Désir, Chroniclip lui avait demandé de décrire le clip “Lost” de ce groupe. Il a notamment travaillé pour les grands comme les Thugs, Dionysos, Dominique A, Louise Attaque, etc…
Aujourd’hui, c’est à lui de prendre la parole pour nous en dire plus sur le projet LCD Videostystem, la division “low cost” de son travail qu’il a initié il y a deux ans déjà. Une vingtaine de clips a déjà été réalisée pour ce projet qui consiste en la réalisation d’un clip pour 1000€.

C’est à l’occasion d’une soirée organisée à la Péniche, le vendredi 15 Avril que nous avons souhaité en savoir plus. Dix clips de l’an 2 seront projetés et suivis des concerts de CYRZ, petit protégé des Dionysos, auteur-compositeur intimiste, et tragi-comique, LEGS, groupe parisien très Pavement et les RANDY MANDYS, de Pau, vainqueurs 2010 de l’Eurodemo (Santander), dont le nouvel album “The way we are” vient de sortir, en vinyle avec une belle pochette 3D, oui oui), que nous vous avons présenté sur OWNImusic a fait parti de ce projet et “The Wholling stoppelizzy stroke back, in your face, dammit !” en est le résultat.

LCD Videosystem est une division « low cost » de mon travail, consacrée à des groupes non signés”. Pourquoi une telle initiative au delà d’une certaine passion pour la musique et un challenge ? Est-ce un bon outil marketing pour votre carrière ?

Ma carrière ?? Hmm… J’ai réalisé par le passé des clips assez chers, certains trop chers (à titre d’exemple, “Lost” pour Noir Désir a couté 200 000 euros). Donc là, en fait de tremplin ou de progression, c’est plutôt un retour en arrière, aux tous premiers court-métrages réalisés à 14/15 ans. Je suis en période totalement régressive donc. Et puis pour ce qui de l’outil marketing, on peut difficilement imaginer pire. Pour les maisons de disque, et les maisons de productions de clips, le LCD, ça accumule toutes les tares. Déjà, c’est pauvre, ça commence mal, ils se disent “il n’a donc pas besoin de plus” et aussi “il n’a plus besoin de nous, on n’a plus besoin de lui.” Au mieux c’est suicidaire.

Ensuite, quand vous parlez de passion, je ne sais pas, mais… Ce qui est sûr, c’est que pour les réalisateurs, en général, le clip, comme la pub, c’est alimentaire. Moi, même si ça m’a nourri jusque là, je ne l’ai jamais fait comme ça. Je n’ai jamais vu ça comme un job qui nourrit jusqu’au “prochain vrai travail sérieux”. J’ai toujours trouvé ça super sérieux en fait. Les atomes crochus et les points d’achoppement entre la musique et l’image, et le récit, les rapports de fiction et de frictions entre les deux, c’est un domaine où énorme reste à faire, alors… Là, c’est peut-être aller au bout de ce raisonnement-là : l’aspect non-alimentaire de ce travail-là. Faudrait que j’en parle en ces termes à ma banque, ils seraient sûrement très émus.

J’imagine que les artistes doivent souvent avoir des envies de clips à plus de 5000€. Comment procédez vous pour conceptualiser un scénario à 1000€ et leur faire accepter ? Ou le fait d’avoir une telle contrainte budgétaire vous autorise à travailler en totale carte blanche ?

1000, 5000, 10000… Ça n’est pas là que se joue vraiment ce qu’on voit à l’image. À 100 000, oui, on pourrait commencer à voir autre chose, mais à 100 000 tout passe dans les salaires, et du coup on ne voit plus rien. L’une des idées de base du LCD c’était de se rappeler (si nécessaire) que 1000 euros, c’est beaucoup d’argent. Voilà. Pour le reste, on fait comme les autres. Il n’y a pas de carte blanche. Il y a de la confiance, et de l’envie, ce qui est différent. Je propose une idée, et si elle plaît, je tourne, je monte. Mais il n’y pas d’intervenants extérieurs aux groupes, pas de management, pas de maisons de disque, donc pas de chefs de produit ou de ce qu’on appelle les “directeurs artistiques”. On ne travaille pas non plus avec les critères de diffusion, qui changent tous les six mois. On est concentrés sur la chanson, sur ce qu’on peut en tirer. J’aurais maintenant du mal à revenir en arrière sur ce fonctionnement-là. Le mieux serait d’arriver à l’instituer, d’en avoir les moyens. Le rêve serait de faire un clip pour Britney à 1000 euros. Qu’elle vienne avec son million et qu’on lui dise “non chérie désolé nous c’est 1000 ou rien”.

Combien de temps environ acceptez-vous d’investir pour la réalisation d’un tel clip ?

Il n’y a aucune limite. J’ai passé 4 mois sur “Hollywood Babylon” pour le groupe Mad River (en faisant d’autres choses à côté, mais quand même…) Si un projet demandait un an de travail, je ne serai pas contre. D’autres clips de la série m’ont pris un jour ou deux.

Est-ce que vous travaillez seul (mise à part le groupe bien sûr) ou vous travaillez avec une petite équipe de production ?

Je travaille seul, ou avec mon amie Charlotte, qui m’assiste. Une ou deux fois, quand nous n’avions pas le choix (grosse figuration à gérer par exemple), nous nous sommes retrouvés avec une vraie grosse équipe LCD : quatre personnes. Dont nous deux bien sûr.

D’où sont tirées les images d’un clip comme celui effectué pour Danielson Family ?

De ma caméra. Nous avons gravi l’Etna, le Vulcano, le Stromboli. C’était le premier clip de la série, et pour mon groupe préféré en plus, alors il fallait payer de sa personne.

Vous est-il déjà arrivé qu’un groupe refuse le résultat final ?

C’est arrivé une fois, oui. Une fois sur les vingt premiers clips. Ça me paraît normal en même temps, on me donne beaucoup de liberté, on m’accorde beaucoup de confiance, alors… Je pourrais être étonné qu’il n’y ait pas plus de refus, mais est ce qu’on peut refuser un clip à 1000 euros ?

Comment les groupes utilisent-ils vos réalisations en général (diffusion télévisée, internet, vente…) ?

Les groupes utilisent les clips comme ils peuvent. Je veux dire : avec leurs moyens. Pour l’instant, seuls deux des clips du LCD ont été présenté aux chaînes de tv, et les deux sont passés. Ça me pousse à encourager les autres à faire pareil, mais je travaille avec des groupes qui souvent n’ont même pas de management, ni d’asso. Et les chaînes se débrouillent très bien pour décourager les petits. Présenter (je dis bien juste présenter) un clip aux chaînes, c’est un parcours du combattant, en termes de contrats, d’autorisations, de visas, de paperasse diverses… Donc peu y vont, c’est bien dommage.

Est-ce des vidéos virales deluxe que vous proposez ?

Non… Moi je préfèrerais voir tous ces clips à la télé.

Comment sélectionnez-vous les artistes pour qui vous travaillerez, si séléction il y a ?

La seule sélection, si sélection il y a, peut avoir lieu quand je rencontre le groupe. La question est de savoir si on va s’entendre, se comprendre. J’ai compris (un peu tard) que mon travail ne consistait pas à aimer un morceau, ni même à le juger. Je suis plus avocat que juge, et dans le meilleur des cas je suis un peu docteur aussi. Je suis là pour bien écouter mon patient (la chanson), pour l’ausculter avec le plus d’attention possible. Ensuite, je propose des choses, des traitements, des soins.

On sort de l’esthétique habituelle d’un plan de groupe filmé ? Est-ce une pour des raisons économiques ou esthétiques ?

Des plans de groupes filmés ? Vous parlez des scopitones ? J’aime bien ça, je trouve qu’on devrait y revenir un peu plus d’ailleurs, mais… Je ne connais aucun clip un peu “célèbre” (et même très peu parmi les autres) qui soit “un plan de groupe filmé”. Encore une fois c’est peut etre dommage d’ailleurs.

Pas de réelle différence en tout cas avec un clip à 100 000.” C’est assez provocateur comme déclaration, comment la justifiez-vous ?

Elle est justifiée dès la phrase suivante : il faut trouver quelque chose pour la chanson. Ça, ça ne change pas. Pour le reste… Encore une fois, le gros d’un budget de clip (et de film, etc…), c’est la masse salariale. Là y’en a pas Et des problèmes d’argent… On n’en a pas non plus. On n’a pas eu de limites de ce côté là… Quand on regarde les vingt premiers clips, on pourrait comparer théoriquement avec une série de clips mainstream sur M6 : nous aussi on a des bombasses autour d’une piscine dans une belle villa, nous aussi on a des dizaines de figurants, des explosions dans tous les sens, des tournages à l’étranger, des guest stars, des chorégraphies chiadées (souvent plus que les leurs d’ailleurs). Voilà, tout va bien, vraiment, on n’a pas envie de se plaindre à personne.

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Artistes, vous êtes votre meilleur outil marketing http://owni.fr/2011/04/08/artistes-vous-etes-votre-meilleur-outil-marketing/ http://owni.fr/2011/04/08/artistes-vous-etes-votre-meilleur-outil-marketing/#comments Fri, 08 Apr 2011 15:58:46 +0000 Robin Davey http://owni.fr/?p=31504 Robin Davey est un musicien, réalisateur de films et producteur né au Royaume-Uni et vivant actuellement à Los Angeles. Avec son groupe The Hoax, il a eu les honneurs du British Blues Hall Of Fame à l’age de 23 ans. Son groupe actuel, The Bastard Fairies, a été le premier groupe à proposer son album en téléchargement libre sur internet en 2006. Cet album s’est écoulé à plus d’un million d’exemplaires.

Alors que les artistes rêvent que la musique avec un grand M occupe une place centrale dans l’industrie, dans la réalité, beaucoup d’éléments sont à mettre en place afin de pouvoir lancer une carrière.

Les dirigeants des maisons de disques et certains attachés de presse aimeraient vous faire croire que le grand M c’est pour le marketing. Ils adorent que tout le monde sache que c’est grâce à eux et leur stratégie qu’un artiste a émergé. En réalité, la raison pour laquelle un projet connait le succès, ça n’est ni grâce au grand M de marketing, ni au grand M de musique mais au grand M de “marketabilité” et cette qualité-là est entre les mains de l’artiste lui-même. Les artistes qui rencontrent le plus de succès, qu’ils soient mainstream ou qu’ils opèrent dans un genre de niche, sont ceux qui savent qu’il s’agit là de la clé pour grandir et vivre de son art.

Trop d’artistes échouent parce qu’ils mettent tous leurs oeufs dans le même panier. Ils négligent certains ingrédients qui, s’ils ne font pas clairement partie de l’équation, conduisent inévitablement à manquer des opportunités et à rater sa carrière.

La sphère dans laquelle vous pouvez faire connaître votre musique est plus large que jamais. Cela peut aller d’une couverture de magazine, à inciter un fan à partager votre dernière vidéo. Un magazine peut toucher des milliers de gens, ainsi inciter un millier de lecteurs à partager votre vidéo sur leurs profils, et le potentiel de la viralité exacerbe la portée de la publication physique.

Les stratégies aussi sont plus ouvertes. Etre un artiste des moins “marketables” peut bizarrement se trouver être un très bon outil de marketing, à condition que cette qualité soit utilisée à bon escient. Quoiqu’il en soit, ce sont les artistes qui doivent se montrer malins en étant conscients de ce qu’ils font et de la manière dont ils se présentent. Il n’existe rien de pire pour freiner une campagne qu’un artiste qui n’est pas à l’aise avec la façon dont on le présente.

3 éléments essentiels

Peu importe qui vous aide à marketer votre musique, il existe quelques éléments qui vous aiderons à être suffisamment marketable pour apparaitre en une de tel ou tel magazine, ou pour que des milliers de fans partagent vos liens sur leurs profils.

1. Vos compétences musicales :

Il existe une raison pour laquelle les footballeurs s’entrainent tout le temps; leur jeu doit rester à la pointe et leur forme demeurer olympique. Si vous souhaitez être un musicien pro, vous devrez adopter la même attitude. Votre esprit, votre voix et vos doigts devront être entretenus et devenir de plus en plus performants. Si vous pensez que votre talent inné suffira à faire votre notoriété, prenez l’habitude de n’être une star que pour vos amis et votre famille.

Quand quelqu’un parle d’une personne pour qui la musique coule de source, il ne fait pas référence à un être plus extraordinaire qu’un autre mais bien à quelqu’un qui a travaillé dur afin d’optimiser son talent, sans jamais baisser les bras. Le résultat de ce travail acharné, c’est que son aptitude à jouer devient naturelle. Nous pouvons tous marcher et parler, parce que nous le faisons constamment, tous les jours. C’est la même lorsque vous jouez d’un instrument ou chantez, vous devez vous plonger dedans dès que vous avez une seconde de libre.

Quand on monte dans un avion, on aime savoir que le pilote a effectué ses heures de formation. Quand vous êtes sur scène, vous êtes le pilote de votre public, et plus vous contrôlez le bon déroulé de leur soirée, plus ils seront receptifs.

2. Vos compositions

Une bonne composition est un excellent outil de marketing. Quoiqu’il en soit, n’avoir qu’une seule composition géniale, sans en avoir d’autres pour la soutenir, c’est se promettre une brillante carrière dans le karaoke plutôt qu’un succès aux VMA’s (MTV Video Music Awards, la grande cérémonie musicale de la chaîne aux Etats-Unis, ndt).

Tout comme l’apprentissage de la musique, la composition prend du temps afin de trouver le bon équilibre. Si par hasard il vous arrivait d’écrire et de sortir une chanson efficace trop tôt, elle pourrait condamner votre carrière à jamais. Plus vous écrirez, plus votre musique deviendra sincère et vos compositions meilleures. Trop d’artistes ne dépassent jamais le stade de l’imitation. Ils s’arrêtent de travailler pensant qu’ils ont découvert une formule qui leur permet de rencontrer leur public. Quand cette formule ressemble indéniablement à celle de quelqu’un d’autre, on peut trop souvent croire à tort qu’elle est marketable. Ce n’est pas le cas, car les gens sont capables d’entendre la différence. Même s’ils ne réussissent pas à vous le dire avec des mots, ils vous le feront comprendre en n’investissant pas à long terme sur vous et votre art.

Vous devez vous forger votre identité propre, sans quoi la comparaison avec Bob Dylan deviendra vite “il n’est qu’un Dylan de seconde main” et ça n’est pas bon pour votre carrière. Etre comparé à d’autres, c’est bien, mais si tout ce que vous pouvez faire c’est d’être comparé, vous ne tiendrez pas longtemps.

Ecrire vos propres chanson et être capable d’en écrire pour d’autres augmente considérablement votre marketabilité. Les collaborations sont très utiles quand il s’agit de séduire les fans des autres. Pas besoin de vous fixer tout de suite l’ambition d’écrire pour Lady Gaga; ça peut être pour un groupe local. Toute collaboration augmentera votre visibilité et votre merketabilitée.

3. Votre image

Comprendre ce qui vous va et vous met en valeur demande beaucoup d’implication de votre part. Il est très important que vous travailliez sur ce point. Ce n’est pas parce que vous réussirez à vous faire habiller par un super styliste pour une séance photo que vous n’aurez pas l’air de rien le reste du temps. Si vous savez ce qui vous va, vous pourrez tirer le meilleur de votre collaborateur sur ce point.

Pas la peine d’en faire des tonnes, pas la peine de vouloir choquer à tout prix, mais soyez d’être honnête et convainquant. Nirvana portait des jeans et des t-shirts déchirés, et les ados adoraient ça parce que ça leur semblait “vrai” et en cohérence avec leur style musical. Madonna a repoussé les limites de son époque avec succès parce qu’elle le faisait sans s’excuser. Tom Waits continue à jouer sur le personnage qu’il s’est crée, ce qui renforce son côté “authentique”.

Il n’y a pas de règle établie, mais si vous êtes un diplômé d’université orginaire des Hamptons (lieu de villégiature très uppé et prisé de la côte est des Etats-Unis, ndt), et que vous essayez d’incarner un vagabond californien, peut-être vous faut-il réviser votre stratégie. La meilleure façon d’être crédible est, comme je l’ai dit auparavant, d’être honnête. Si vous aimez faire semblant d’être quelqu’un d’autre, je vous conseille de devenir acteur. Au cas où vous ne seriez pas au courant, l’industrie de la musique ne paie pas très bien ces temps-ci, et la concurrence est féroce.

Le temps nous dira si le défilé de mode permanent de Lady Gaga donnera quelque chose sur sa carrière à long terme. Peut être que dans dix ans, en voyant un best of des années 2010 à la télé, on se dira “ah oui je me souviens d’elle, je crois qu’elle tient un karaoke dans le Texas, maintenant”. L’image de Gaga est clairement “marketable”. Est-elle durable pour autant ? C’est une toute autre question…

Pour conclure

L’honnêteté et le talent seront toujours les grands vainqueurs. Bien sûr, certains ont réussi dans le business de la musique et eu un minimum de succès pour de mauvaises raisons, mais il est de plus en plus rare que ce soit le cas. Vous voulez être célèbre ? Faites de la télé réalité, vos quinze minutes de gloire n’attendent que vous.

Vous voulez devenir un musicien à succès ? Dans ce cas, il faut vous accrocher. Comprendre qui vous êtes, pourquoi vous êtes comme ça, comment véhiculer tout cela au mieux etc. Cela demande du temps, de l’acharnement et, oh oui, une put*** de dose de boulot !

Article initialement publié sur Music Think Tank sous le titre “3 elements of music marketability” et traduit par Lara Beswick et Loïc Dumoulin-Richet

Crédit photos : Jinx!, Skip The Filler, agirregabiria

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Godard, le hackeur du cinéma http://owni.fr/2011/03/08/godard-le-hackeur-du-cinema/ http://owni.fr/2011/03/08/godard-le-hackeur-du-cinema/#comments Tue, 08 Mar 2011 07:43:07 +0000 Pier-Alexis Vial http://owni.fr/?p=49596 Jean-Luc Godard, cinéaste franco-suisse né à Paris en 1930, a traversé plus de cinquante ans de cinéma français tout en gardant la même exigence intellectuelle se nourrissant de différentes références culturelles. Le projet Histoire(s) du cinéma est à l’origine une idée que Godard devait concrétiser avec la collaboration d’Henri Langlois, alors directeur de la Cinémathèque française.
Soumis à la télévision italienne, le projet fut finalement refusé.

En 1978, Godard donna quatorze conférences au Conservatoire d’art cinématographique de Montréal dont il tira un livre, Introduction à une véritable histoire du cinéma (1980), qui réunissait les extraits de films présenté à Montréal.
Le souci de construire cette histoire non pas chronologiquement mais à partir de rapprochements stylistiques ou thématiques, qui lui venait de Langlois, donna ainsi naissance à la série de films Histoire(s) du cinéma en 1987. C’est une coproduction française entre cinéma et télévision (Gaumont et Canal + en tête) lui permit de concrétiser son projet .

Cette série est composée de huit épisodes divisés en quatre chapitres :

  • 1A : Toutes les histoires
  • 1B : Une histoire seule
  • 2A : Seul le cinéma
  • 2B : Fatale beauté
  • 3A : La monnaie de l’absolu
  • 3B : Une vague nouvelle
  • 4A : le contrôle de l’univers
  • 4B : Les signes parmi nous

L’épisode que nous allons traiter ici est le 2A : Seul le cinéma et il nous parait judicieux de préciser ici les raisons qui ont guidé notre choix.

Godard se construit une histoire particulière du cinéma à partir d’un imaginaire qui n’appartient qu’à lui. Pour ce faire cependant, il convoque différents médiums, et donc différentes temporalités pour les articuler de façon nouvelle.

L’épisode Seul le cinéma est en quelque sorte un condensé de la technique de Godard qui consiste à opérer des croisement entre les différents disciplines de l’Histoire de l’Art (peinture, musique, littérature et donc cinéma) afin de faire émerger une des spécificité de l’art cinématographique : se projetant sur un écran il permet ainsi au film de conjuguer les temps, en ce sens que le montage est la technique par excellence qui peut faire dialoguer les œuvres entre elles, qu’elles soient visuelles ou sonores, vieilles de plusieurs siècles, ou contemporaines.

Seul le cinéma parce que justement le cinéma peut réunir à la fois cette grande histoire institutionnelle avec les « petites histoires » qui en sont issues et forment la matière même de ce que racontent les cinéastes. Il déclare d’ailleurs :

C’est Seul le cinéma qui montre qu’en fait le cinéma a été le seul à faire vraiment cela : filmer cette histoire, et en même temps des petites histoires, des petites comédies musicales, des petits gags, des trucs loufoques que tout le monde trouvait nul dès 1920.

La relation entre l’image et le texte s’effectue dans un premier temps comme un support de citations, soit de lui-même, soit de livres qui font partie de sa bibliothèque imaginaire, à la manière du musée imaginaire de Malraux. Mais dans un second temps ces citations, dont certaines sont des éléments récurrents de sa série de films, lui permettent d’articuler différentes images de films entre-elles.

L’effet de répétition produit chez le spectateur une persistance des idées qui se superpose à la persistance des différentes images qu’il propose à la vision. Ainsi, le réalisateur peut dégager plusieurs interprétations d’un même symbole, convoquant de cette façon la notion de montage des idées qui lui permet d’illustrer la notion d’art complet du cinéma : ce dernier produit de l’histoire parce qu’il se pose comme en parallèle de la réalité, une sorte de négatif qui illustre ou met au jour les faits, dans leur entièreté ou leur contradiction.

Quand le texte rythme l’image

Un film se compose de deux éléments principaux : des images et des sons. Le texte peut donc apparaître comme une forme associée à l’image, en tant qu’il s’affiche sur l’écran comme une image, ou se superpose à elles : de fait, la matière textuelle a toujours existé au cinéma, que ce soit sous la forme des cartons au temps du muet, ou sous celle du générique (de début ou de fin qui présente généralement le titre de l’œuvre, le nom des acteurs, les membres de l’équipe et autres informations liées au contexte de sa production).
Mais dans ces deux cas sa fonction est, la plupart du temps, purement informative.

En revanche, le texte n’est pas seulement présent au début et à la fin d’un film, séparé du contenu diégétique de la narration. Plusieurs réalisateurs dont Jean-Luc Godard se sont posés la question de l’utilisation du texte comme d’un élément supplémentaire de leur palette.

La forme écrite "filmée" arrive tôt dans le film, comme une introduction, de la main de Godard même, capture d'écran 01'38

On pourrait penser que la forme de l’écrit, fixe, se combine à la forme en mouvement du cinéma sans pour autant changer sa nature informative. Mais si l’on y regarde bien, Godard joue avec son texte afin de procurer un rythme particulier à ses apparitions : d’un côté on peut voir certaines phrases qui s’affichent à l’écran tandis que Godard lui-même est en train de lire l’œuvre dont elles sont extraites.

D’un autre côté, le texte même est souvent coupé, alterné, remanié de différentes façons pour acquérir un nouveau sens.

Godard et la littérature

Cela provient du fait que Jean-Luc Godard a toujours eu un rapport privilégié avec la littérature : dans nombres de ses films l’on peut voir ses personnages lire, ou réciter des textes célèbres : on pense notamment à Pierrot le fou (1965) qui se finit sur une citation de Rimbaud, ou de Vivre sa vie (1962), qui narre les aventures de Nana, une jeune fille qui devient prostitué en référence au roman éponyme d’Émile Zola publiée en 1880.

Ce faisant, cette propension pour la littérature et le textuel en général est aussi visible directement à l’écran : dès ses débuts Godard a compris que le générique par exemple pouvait être un moyen d’expression plus riche qu’un simple déploiement d’information. C’est ainsi qu’il s’en sert pour faire pénétrer le spectateur dans son univers de référence dès les premières minutes de ses films, et certains se révèlent très fournis, comme celui d’Une femme est une femme (1961) qui raconte une histoire par les mots :

Il était/une fois/Beauregard/Eastmancolor/Ponti/Fran chement Scope/Godard/Comédie/Française [...]

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Il reprendra cette technique de nombreuses fois, en en changeant les modalités, faisant apparaître les lettres du générique de Pierrot le Fou par ordre alphabétique, où jouant sur les couleurs et les lignes à la façon d’un drapeau « bleu blanc rouges » dans Made in USA ( 1966).

C’est en quelque sorte une utilisation spécifiquement cinématographique du texte, parce qu’il défile dans une temporalité définie par le cinéaste : il y impose son rythme, ce qu’il veut qu’on lise, et surtout comment le lire. Le texte n’est donc pas à coté du film (ce qui serait la place d’un générique ordinaire dan sa fonctionnalité), il est en une partie intégrante, il en donne certaines clés même sans faire partie directement du récit.

Avec son passage à la technique vidéo au cours des années 1970-1980, Godard put se permettre d’assouplir encore ce dispositif afin de l’intégrer dans la matière même de ses films, et de « contaminer » en quelque sorte l’image par le texte.

imAGE + montAGE

Ces possibilités de montage, Godard les exploite depuis Numéro deux (1975) en entremêlant les incrustations de textes avec des procédés propres au travail sur les images en mouvements : ralentissements, arrêts sur image, clignotements, et aussi mise en place d’une bande sonore pouvant à la fois commenter ce qui se passe à l’écran ou se poser en parfait contrepoint.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Ce sont des exercices de maitrise, de appropriation du sens, mais qui se distinguent de la citation littéraire : si l’on peut admettre qu’un auteur peut écrire en fonction de ses auteurs de références, les écrits eux-mêmes sont rarement cités tels-quels en dehors des publications à caractère analytique, comme les travaux universitaires ou les critiques.

En revanche, au cinéma comme dans la vidéo, les images peuvent être citées elles-mêmes et pourtant prendre une signification différente de celle qu’elles avaient à l’origine. Prenons le cas de la citation d’un tableau : l’image n’a pas le même statut puisque son support change ; l’image du tableau sur un écran ne suffit pas pour dire que l’on a vu le tableau, mais cela n’empêche pas de lui donner une interprétation voire de l’inclure dans un discours sur ce tableau.
De plus, la forme temporelle de ces arts de l’image permet également la confrontation directe de plusieurs niveaux de discours : deux images peuvent se suivre ou se superposer, le texte peut s’y incruster, sans parler du son.

Et c’est précisément la technique que choisit Jean-Luc Godard pour faire son Histoire du cinéma, parce que c’est l’art du montage par excellence, et celui de la confrontation des images en particulier.

Un exemple de ces superspositions signifiantes : L'oscar "vu" renvoie à l'oscar "lu"... (capture d'écran 02'35)

..avant de se transormer en Oscar Wilde, dont une citation a été utilisé par Godard précedemment, sur fond d'un autoportrait de Joshua Reynolds (capture d'écran 02'42)

Conversation avec Serge Daney

L’un des autres principaux intérêts de cet extrait est de présenter une conversation entre Serge Daney, le célèbre critique des Cahiers du Cinéma et le réalisateur. Cet entretien a eu lieu en 1988 au moment où Godard achevait les deux premiers volets de ses Histoire(s). Il s’agit également de la seule véritable discussion présente dans l’ensemble des films qui composent le projet, comme une sorte de mise à plat de l’histoire, des cinémas, mais aussi de ceux qui l’ont étudié pour s’en servir dans leur production propres ou pour théoriser : il s’agit d’un retour sur la période de la Nouvelle Vague, moment charnière pour ces deux hommes qui serait un milieu idéal permettant de faire le point entre ce qui a été et ce qui sera.

Un point important est soulevé ici : la première façon de faire l’histoire a été, pour cette génération, de voir les films et d’en écrire les critiques. C’est la période Cahiers du cinéma, dont certains de ses plus célèbres représentants ont écrit nombres d’articles : on pense ici notamment à François Tuffaut, Jacques Rivette et Claude Chabrol par exemple.

Écrire avant de filmer : le texte était alors le moyen de mettre sur papier des idées sur le cinéma, mais aussi de s’atteler à en proposer un nouveau encore en gestation en reniant les réalisateur vieillissant de l’époque, comme le fera Truffaut quand il écrira « Une certaine tendance du cinéma français ».

Histoire(s), Mémoire(s)

L’utilisation du texte chez Jean Luc Godard est liée à une pratique historienne, associée à la volonté d’imager par le biais de ses propres recherches, et donc de son expérience personnelle du temps, les faits historiques qui se confondent dans le cinéma par l’intermédiaire de la fiction.

C’est, en quelque sorte, une des raisons de l’utilisation du mot Histoire avec un « s » entre parenthèses; non qu’il faille en déduire que c’est la volonté absolue de l’auteur qui s’exprime là, mais bien que cette indécision dans le rapport à l’histoire qu’induisent les images fait partie intégrante de la formation de cette même histoire dans l’imaginaire commun : ce sont souvent les images qui ramènent les gens à l’histoire, où plutôt exactement à leur rapport affectif à cette histoire, puisque pour dire certaines choses, comme par exemple les atrocités nazis de la Seconde Guerre mondiale, on ne pouvait pas forcément parler, mais à défaut, l’on pouvait montrer.
Et souvent, cela se passait effectivement de commentaires.

Le titres qui apparaissent au fur et à mesure de l’épisode ramènent d’ailleurs constamment à la pratique même du réalisateur : ils sont pour la plupart composés des titres des autres épisodes, qu’ils soient passé ou non, ce qui confirme la volonté non-chronologique de leur auteur.

Il y a tout d’abord un travail de mémoire : chaque partie débute par une dédicace à une personnalité ayant compté dans le monde du cinéma ; ici il s’agit de Armand J. Cauliez et Santiago Alvarez. Le premier fut le fondateur de la fédération française des ciné-clubs et directeur de la revue Ciné-club paru de 1947 à 1954. Le second était un réalisateur cubain.

Première dédicace introductive, capture d'écran 00'23.

Seconde dédicace introductive, capture d'écran 00'27

Le choix de Cauliez n’est pas innocent. Godard lui-même ayant participé à cette vogue des ciné-clubs, c’est une manière de souligner la thématique de l’épisode placée sous le signe de la cinéphilie, par l’intermédiaire du dialogue Godard-Daney. Si Santiago Alvarez est une figure qui peut apparaitre plus flou, sa démarche de cinéaste a peut être inspiré le réalisateur. En effet Alvarez réalisait essentiellement des documentaires, avec toutefois une particularité très intéressante ; celui-ci n’hésitait pas à réutiliser et remixer des images existantes pour faire ses films :

The dominant characteristic of Alvarez’s style is the extraordinarily rhythmic blend of visual and audio forms. Alvarez utilized everything at hand to convey his message: live and historical documentary footage, still photos, bits from TV programs and fiction films, animation, and an incredible range of audio accompaniment.
Believing that “50 percent of the value of a film is in the soundtrack,” Alvarez mixed rock, classical, and tropical music, sound effects, participant narration—even silence—into the furious pace of his visual images.
For Alvarez, cinema had its own language, different from that of television or of radio, and the essence of this language is montage.

On le voit, c’est très certainement au niveau de la pratique du montage que Godard s’y retrouve.

Le cinéphile, historien du cinéma ?

Intéressons nous tout d’abord au problème de la cinéphilie. Comme nous l’avons vu précédemment, celle-ci est pour Godard une première manière de voir les films et d’en faire une histoire. Voir, parler, écrire : déjà un travail d’historien, qu’il compare à une réécriture en citant Oscar Wilde visuellement, et en réarrangent une citation : « faire une description précise de ce qui n’a jamais eu lieu est le travail de l’historien » .

Cette phrase qui apparaît textuellement dans le film fait écho à celle de Wilde:

Notre seul devoir envers l’histoire est de la réécrire.

Godard entend par là que l’historien se fait monteur d’histoire pour mieux la « montrer », la décrire. La cinéphilie de la Nouvelle Vague, qui s’est préparée en quelque sorte à la réalisation par la pratique de la critique, s’est inscrite dans le temps: c’est la prise de conscience qu’il y a un avant et un après lorsque que l’on est un créateur.

Serge Daney précise aussi qu’après cette période ce même élan fut rendu impossible par la transformation de cette histoire en un « héritage monstrueux » de par la quantité de films visibles, qui a augmenté de façon exponentielle.

La citation de Wilde réarrangée sur une photographie de Godard, capture d'écran 01'49

Seconde partie de la citation sur une autre photographie de Godard, capture d'écran 02'16

D’où le souci du montage pour Jean-Luc Godard : comment en effet proposer une histoire unifiée et chronologique du cinéma s’il est matériellement impossible de tout voir, et par conséquent de rendre compte de tout?

Le cinéphile est donc celui qui choisit, qui compose son propre paysage cinématographique idéal, et le cinéaste inscrit cette démarche dans son film même, sous forme d’aphorismes, de slogans, sortes de fourres-tout qui seuls ne renvoient qu’à de vagues catégories générales mais qui associés aux images et aux sons prennent un sens.

Ce sont ces écrits qui se superposent à l’image qui donnent un tempo à sa réflexion, qu’il s’agisse d’inventions de sa part comme « Montage, mon beau souci », ou de reprises tel « La monnaie de l’absolue », qui est aussi le titre d’un ouvrage d’André Malraux .

Projeter l’histoire

Ce qui intéresse également Godard, ce pourquoi il considère que l’histoire du cinéma « est la plus grande de toute », c’est parce qu’elle se « projette ».

Le montage dans le cadre de la projection sert en règle générale, pour la majorité des films de fictions, à effacer le « collage » qui a lieu entre les images. Ce qui les raccorde. Chez Godard en revanche la propension à vouloir absolument rendre cette opération visible devient une véritable volonté esthétique proche de celle de l’art contemporain.

En peinture, le collage peut consister à rajouter ou composer entièrement une toile à partir d’éléments qui ne servent habituellement pas à la peinture classique : on peut coller ensemble des journaux, des objets, en quelques mots toutes sortes d’éléments déjà constitués dont ce n’est pas la production qui produit l’œuvre mais leur assemblage.

Aragon parlait déjà de « collage » en 1964, pour qualifier le travail de Godard lors de l’émission Cinéma Cinémas, et compare même le travail de ce dernier sur Bande à part (1964) à son propre travail d’écrivain mené sur Le Paysan de Paris (1926), renforçant notre idée sur la filiation à double sens qui s’établit entre cinéma et littérature, entre Godard et les écrivains.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Ce dernier tente de rendre son processus de création visible pour le spectateur, parce que par l’intermédiaire de son film c’est aussi une part de l’histoire du cinéma qui est en train de se faire. Cela se traduit par ses superpositions d’images, la répétition d’un texte, l’apparition ou la disparition brusque de la musique ou des éléments sonores et enfin par l’incrustation de ses différents intertitres.

Godard superpose à l’entretien de nombreuses phrases clefs qui reviennent cycliquement dans sa série de films, capture d’écran 4′50.
Nous avons vu que Godard se sert de l’écrit comme d’une combinaison supplémentaire pour donner un sens différent du sens premier des images et des sons qu’il propose. Peut-on dire que l’écrit est ici une forme fixe? Il est permis d’en douter tant les quelques phrases qu’ils superposent pour la plupart aux images semblent s’intégrer dans un dispositif global.

Ses assertions, prises dans la dimension temporelle du cinéma, s’assemblent dans un ordre différent de celui de l’écriture traditionnelle : il ne construit ni des phrases, ni une narration : il s’agit plutôt d’un assemblage, d’un montage justement dont le sens ne tient totalement ni au caractère linéaire d’un texte ni à son association avec d’autres objets visuels.

Ce qui est signifiant, c’est la reconstruction que le spectateur peut opérer à partir de ses collages : par exemple lorsqu’il superpose « une vague nouvelle » lors de son entretien avec Daney, au moment même où ce dernier cite Truffaut et toute la génération des Cahiers du cinéma, non seulement un rapport direct est établi entre ce qu’on lit et ce que l’on voit et entend, mais aussi avec tout ce qui est sous-entendu. « Une vague nouvelle » est un jeu de mot qui se base sur l’appellation d’origine « Nouvelle Vague », qui renvoie à tous ces cinéastes, Jean-Luc Godard compris.

Vague – Nouvelle – Vague

Mais la dénomination « vague nouvelle » en change quelque peu le sens pour en faire une sorte de description : il s’agit d’une « vague nouvelle » de cinéastes, mais aussi d’un titre d’un des futurs épisodes de sa série, et une manière de réinterpréter la période en lui donnant un contexte historique, qui se manifeste visuellement par un clin d’œil qui est la présence à l’écran de Godard et de Daney qui en ont été des acteurs.

La structure pyramidale de la signification permet au cinéaste de combiner à l’infini divers éléments historiques sans avoir à se soucier de la chronologie ou du déroulement même des faits : pour ceux qui connaissent cette période, il s’agit d’un système de référence qui rentre en jeu, tandis que pour pour les plus profanes c’est une manière de souligner un fait important sans pour autant l’imposer de manière didactique.

De cette manière le spectateur est impliqué dans le travail de recherche, tout en donnant une dimension plastique à son propos.
Godard ne se fait pas romancier, plutôt poète et peintre à la fois : ces intertitres n’ont pas d’utilité pris séparément. Ils ont besoin du film pour exister, mais aussi des films (les images des cinéastes tout autant que celles de Godard) pour signifier quelque chose.

Qu’ils soient paratextes, comme pour la dédicace au début de l’épisode, ou commentaires, ces inclusions du texte à l’image restent une pratique spécifiquement cinématographique dans le sens où il ne s’agit pas d’un « à côté » du film, mais d’une partie intégrante de l’œuvre. A la fois référence et indication informative, c’est ce qui donne sa cohérence à toute la démarche du cinéaste tout comme Duchamp se jouait de l’image de la Joconde en lui donnant le titre « L.H.O.O.Q. ».

Le pouvoir de la projection

Le second élément déterminant du cinéma pour Godard est la projection. C’est en quelque sorte le principe de mise en contexte des images : le cinéma est bien un art distinct de la photographie en cela qu’il propose non pas de s’attarder sur une image particulière mais sur la mise de ces images ensemble par le biais du montage. Différentes strates apparaissent au fur et à mesure des connexions qui s’établissent au fur et à mesure de ses différentes citations de films.

Ce qui est intéressant, ce n’est pas forcément ce qui est directement représenté, mais ce qu’on essaye d’y projeter. Si l’on s’en tient aux images seules, on peut essayer de retrouver de quel film il s’agit, de quelle situation, mais ce faisant l’on tente d’en reconstruire une signification linéaire issue d’un mode de narration particulier : la fiction. Or, l’utilisation du texte en surimpression, ou en intertitres fixes fonctionne plutôt sur le mode de la légende.

Loin de toute interprétation précise, Godard parvient à faire dire à ces images autre chose que ce qu’elles représentent dans le contexte de leur production : il leur donne un nouvel objectif, qu’il fait sien, et qui est la tentative d’envoyer un signal qui va au delà de la représentation classique. Par l’utilisation du textuel il en oriente la vision dans une perspective historique en comptant sur le fait que le pouvoir de suggestion des images repose sur une ambiguïté, comme André Gunthert le souligne à propos de la photographie :

Contrairement au message linguistique, élaboré afin de réduire l’ambiguïté de la communication, l’image ne relève pas d’un système de codes normalisés qu’il suffirait d’appliquer pour en déduire le sens. Comme celle d’une situation naturelle, sa signification est toute entière construite par l’exercice de lecture, en fonction des informations de contexte disponibles et des relations entre eux des divers éléments interprétables.

Collage, Montage, Bouclage

Ainsi, c’est la démarche même de Godard qui rend cohérent cet ensemble apparemment hétéroclite fait de collages, de surimpressions, où l’on retrouve cette construction pyramidale que nous avions évoqué plus haut. Prenons un exemple:
Lorsque durant l’entretien Godard se met à évoquer l’histoire de l’art surgissent alors à l’écran des images de différents tableaux :

  • Hendrickje se baignant dans une rivière (Rembrandt, 1654),
  • La femme dans les vagues (Courbet, 1868) et,
  • Judith I (Klimt 1901).

Au moment où le tableau de Courbet apparaît, Godard parle des historiens de l’art et le texte suivant apparaît :

Tes seins sont les seuls obus que j’aime.

Il s’agit d’un extrait de la correspondance érotique entre Guillaume Appollinaire et Madeleine Pagès alors que celui ci était sur le front en 1915.On peut y voir une sorte de clin d’œil au fait que tout les tableaux qu’il propose représentent des femmes. Puis l’on passe au tableau de Klimt, et on l’entend parler précisément des ces historiens qu’ils considèrent par dessus tout : Diderot, Baudelaire, Malraux.

Sur la bande sonore un bruit d’appareil photo se fait entendre, comme soulignant l’apparition de Truffaut dans la discussion, ce qui se confirme à l’image par l’apparition d’une photographie de Truffaut avec un appareil photo. Cette dernière apparaît en long fondu enchainé donnant l’impression que ce dernier prend effectivement en photo les femmes des tableaux qui sont successivement apparus.

Ce qui est en jeu ici, pour Godard tout du moins, c’est comme le titre de l’épisode l’indique que seul le cinéma est en mesure de produire sa propre histoire car il est singulier : il ne se contente pas de produire des images, il permet la projection et la substitution de ces images et de créer un rapport entre elles. Donc de produire de la pensée :

La pensée du cinéaste-historien est une expérience faite sur les images – toutes les images – et c’est l’écran qui prolonge et achève la pensée esquissée dans un geste. […] Sa pensée n’advient pas de ce qu’il est, mais de ce qu’il voit. Alors, autre substitution, du cogito ergo sum cartésien, nous passons au cogito ergo video de Godard.
Le Discours de la méthode de l’œuvre ne repose plus sur le discours, mais sur la voyance; l’historien/cinéaste est celui qui voit et c’est le cinéma qui fait de l’histoire .

Le cinéaste articule des éléments choisis : les mots d’Appolinaire, les tableaux de grand maitre, la photographie de Truffaut, la citation de Diderot, Malraux, Baudelaire pour articuler symboliquement sa vision de l’histoire de l’art : Truffaut en héritier de ces derniers, voyeur tout autant que voyant qui se substitue par le commentaire de sa place « d’image de Truffaut prenant une photographie » à celle de symbole d’une filiation de critiques et d’historiens qui fait aboutir tout ces arts dans le prisme de ce média qu’est le cinéma.

Dernier clin d’œil : la phrase d’Apollinaire prend alors un nouveau sens à son apparition, ne concernant plus seulement les tableaux montrés mais Truffaut lui-même, le réalisateur de L’homme qui aimait les femmes (1977).

Peinture, Littérature, Cinéma : la boucle est alors bouclée.

Dans cet épisode des Histoire(s) du cinéma, le cinéaste Jean-Luc Godard met en perspective les possibilité visuelles du cinéma avec son caractère fondamentalement historique. Montage de différentes références, où la cinéphilie se croise avec la littérature, la photographie et l’histoire de l’art, ce film apparaît comme une sorte d’essai sur le cinéma en tant qu’art capable de produire sa propre histoire quand un cinéaste/historien permet à des images hétéroclites et référencées de devenir la propriété de tous par le bais de la citation et du collage.

Ce film, constant work in progress, reproduction de reproductions, se fait un voyage à travers la vision d’un homme, d’un réalisateur, qui met l’accent sur la spécificité de ce médium par le biais non pas d’un récit chronologique mais d’un ensemble d’images qui fondent sa culture cinématographique ou qui le nourrissent.

Le cinéma, sorte de condensateur de tous les autres arts est une parabole pour évoquer la création de la pensée, par le rapprochement des images, de phrases, de sons, et où toutes les combinaisons semblent possibles, même « autoriser Orphée à se retourner sans faire mourir Eurydice ».
Une Eurydice revisitée, sur fond de La Fiancée de Glomdale (Dreyer, 1925), et d’un texte de Pavese extrait de De la Nuée à la Résistance (1978), de Straub et Huillet.

Et maintenant, le silence qui suit est-il aussi du Godard?

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Publié initialement sur Culture Visuelle dans le blog Le Visionaute, sous le titre: Un Godard, du texte et des images : réflexions autour de l’épisode 2A des “Histoire(s) du Cinéma”

Toutes les références picturales, textuelles et sonores présentes dans cet article ont été trouvé grâce au travail exceptionnel réalisé par Céline Scemama pour le Centre de Recherche sur l’Image de l’Université Paris 1, et sont disponibles ici.
Crédits photo via Flickr: Godard sur un tournage par Gemini Collision Network [CC-by-nc]

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Découvrez Cannibal by Sacha Di Manolo http://owni.fr/2011/03/07/decouvrez-cannibal-by-sacha-di-manolo/ http://owni.fr/2011/03/07/decouvrez-cannibal-by-sacha-di-manolo/#comments Mon, 07 Mar 2011 17:08:07 +0000 Lara Beswick http://owni.fr/?p=30751 Sasha Di Manolo passe son temps à la recherche de sonorités plus ou moins étranges. Nous le rencontrons dans un café, et en arrivant, il nous raconte les discussions qu’il a entendues à droite à gauche. Nous avons vite abordé sa passion pour les vinyles, qu’il collectionne de façon frénétique. Il passe son temps à la recherche de sons, sait en apprécier les qualités de façon précise afin d’en extraire le nectar et produire le sien. Sacha ne se prend pas au sérieux et réussit à vivre de ses productions. Il sait dire quelle sortie plaira à quel public et n’a pas peur du commerce de ses fruits.

Il n’aime pas, comme la majorité des artistes, qu’on le classe, (“ça m’déprime”) et c’est vrai que son genre qu’il dit lui-même être du hip hop, ressemble pour nous plus à du trip-hop mais ce terme lui fait penser à de la musique d’ascenseur, pareil pour le lounge ou l’electro, qui sont des style à forte connotation dans lesquels il ne se reconnaît pas. Il fait de la musique soyeuse qui n’a pourtant pas pour intention de se fondre dans le paysage. Il s’inspire de tout et de rien, à l’instar de l’art contemporain, ses titres ne se veulent pas emplis de sens mais sont bien des titres qui dérangent. Ce ne sont pas forcément des pensées intellectuelles mais sont plutôt le reflet de ses expériences qui ont parfois du sens et qui parfois ne sont que des imprimés de sensations. A force de parler genre, il nous avoue avoir une profonde addiction pour l’absurde. Si l’absurde n’est pas un genre, il n’en reste pas moins une direction ou en tous cas, celle qui drive notre homme et cela peut expliquer bien des choses dans son oeuvre parfois mystique.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Sacha s’inspire de toute forme musicale ? En fait, non, il a clairement un penchant pour les bizarreries électroniques des années cinquante et soixante, il utilise comme sources pour son travail les musiques traditionnelles, s’inspire d’une folk aux limites de la justesse, des grooves à la brésilienne en passant par les lamentations argentines, de la basse et l’intensité de la black music, le dansant, la musique au mètre, le faux, le velours…

Cannibal, c’est sa deuxième collaboration avec Ekler’O’shock, un label fondé par Matthieu Gazier (aussi responsable de Mobile Roadie France). Le premier, c’était le 45 tours Ride On. Malgré son amour pour le vinyle, on s’étonne de constater qu’il ne distribue cet EP qu’en digital. Le format physique est en fait réservé à la sortie d’un album, d’une douzaine de titres, dont certains sont déjà présents sur l’EP.

Sacha Di Manolo, du vrai nom de Sacha Sieff est Parisien, de père et de mère photographes dont Sonia Sieff, la soeur du personnage qui nous inspire aujourd’hui, attirée par l’image a suivi les traces de ses parents. Comme souvent dans les familles d’artistes, il existe un vilain petit canard. Lui, a délaissé le piano et la pellicule et s’essaie d’abord au scratch, au collage, au remixage. Il finit par se procurer un synthé, commence à “chanter” pour arriver à la production et à la composition.

Sacha Di Manolo, musique et images

Son statut, c’est donc compositeur, il fait de la musique pour des films, des pubs et utilise peu de samples pour ses activités “commerciales” pour la simple et bonne raison que c’est administrativement trop compliqué. La licence de samples, c’est infernal !

Des fois, clearer, ça veut juste dire perde du temps. Tu rentres dans un process juridique qui est long et chiant. Moi, je rêverais de pouvoir clearer quelques choses, faire des projets en faisant les choses bien, mais il y a pleins d’éditeurs protecteurs qui ne font pas leur boulot, qui son des grands-pères avec leurs catalogues d’éditions.

Il fait donc tout tout seul et ça marche bien. Il travaille régulièrement, compose pour la synchro et sort ses projets plus personnels avec Ekler’O’Shock.
Sans doute sa particulière appréciation des différences sonores lui permet-elle d’être efficace dans la fabrication d’identité sonores, subtiles, discrètes mais efficaces pour Hermes, YSL, Citroën, les compilations de Béatrice Ardisson pour qui il reprend Let’s Spend The Night Together des Rolling Stones ou encore Heroes de David Bowie avec Mark Kerr.

Puriste du son

Il fait partie de la génération qui ne comprend pas les “digital natives”, pire ça l’effraie. Même s’il fut le premier à utiliser Napster et megaupload à outrance afin de découvrir de la musique. Sa plateforme préférée : Soundcloud. “C’est une plateforme pour les puristes, il n’y a pas le blabla qu’on trouve sur Myspace”. Par contre, lui, il achète, c’est un gros consommateur de physique.

(A force d’interviews on commence à se demander finalement si les artistes eux-même ne sont pas les plus grand consommateurs de musique et par conséquent, l’une des solutions pour cette industrie en crise ne se trouverait-elle pas dans l’éducation des publics par l’apprentissage de la musique? Créer des artistes qui consomment de la musique.)

Il comprend le fait de télécharger mais lui, ce qu’il ne comprend pas c’est de ne pas donner la possibilité aux gens d’écouter du son de qualité et que les gens n’aient pas la curiosité de les chercher. Offrir un MP3 au même prix qu’un .Wav, c’est pour lui la plus grosse boulette de l’industrie en plus des autres qu’ils accumulent.

L’industrie elle réagit en retard à chaque coup, elle avance tout doucement. Elle fait sa victime. C’est devenu un peu sclérosé, les gens ne prennent plus de risques, ils ont peur. C’est un peu hypocrite de la part des maisons de disques de dire qu’on peut plus investir. Même si le disque ne constitue plus le principal de leurs revenus, ils trouvent d’autres moyens de combler les pertes. Il reste encore pleins de très bons labels qui ont le courage d’investir mais les majors en général pour moi ce sont vraiment des espèces de dinosaures, des escargots… Ils s’y sont vraiment mal pris avec le téléchargement. Qu’ils mettent les albums accessibles à 10€ sur Itunes store, il y a pleins de gens qui trouvent ça génial, moi je trouve ça lamentable. Soit tu achètes l’album à 10€ à un format correct ou au moins, on te laisses le choix. Moi je mettrai les album en MP3 à 5€, en tout cas deux fois moins cher et la possibilité d’obtenir un format de bonne qualité type Wav.

Faire de la musique intègre et la vendre à des marques n’est pas contradictoire

Nous lui demandons si le fait de considérer la musique comme un produit d’appel est une notion qui le dérange. C’est à dire utiliser la musique pour vendre d’autres choses.

“ Moi, ça a toujours été un peu mon cas. Vu que ce n’est pas pour l’instant mes “concerts” qui me font gagner de l’argent, moi, c’est la synchro. J’ai toujours vécu la musique de cette manière. Je ne trouve pas ça dégradant puisque parfois, mes morceaux de projets solo, ce sont ceux-là qu’on va me demander pour de la pub alors qu’ils n’ont pas été crées pour ça et dans ce cas là, c’est génial, parce que je fais de la musique que j’aime et on va me les demander pour en faire une utilisation commerciale.”

Tu ne trouve donc pas ça dégradant qu’on considère ton art comme un produit utilitaire?

C’est très prétentieux d’être scandalisé par cette idée. Tu peux faire de la musique intègre et la vendre à des marques un peu à la con.

“Je trouve pas ça du tout scandaleux. Je pense à Gainsbourg qui disait qu’il préfère une mec qui écrit quelque chose d’un peu cheesy, pas très profond qu’un faux mec qui va faire de la musique engagée de chez engagé mais mauvaise.
La musique c’est pas que du premier degrés, c’est pas que un truc torturé et intellectuel. Ca peut l’être mais moi quand j’écris des morceaux en anglais, je ne suis pas un grand poète anglais, ou un cerveau, je ne maîtrise pas cette langue de manière poétique et j’en ai rien à foutre.”

“J’écris des morceaux en anglais, c’est facile et c’est pas pour ça que c’est pas intègre. C’est juste que ça n’a pas vocation à ce qu’on y perçoive un sens, une référence à Orson Wells ou je sais quoi. Je pense qu’il faut arrêter avec cette hypocrisie. Mieux vaut faire de la bonne pop que de la mauvaise chanson intègre. Pourtant, j’aime profondément la musique. Mais la pub n’a rien à voir avec mon intégrité.”

Faites un tour sur l’excellent blog de Sacha

Crédits photos tous droits réservés : Frédéric P. Méry, Sonia Sieff

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7 images pour 2010 http://owni.fr/2010/12/31/7-images-pour-2010/ http://owni.fr/2010/12/31/7-images-pour-2010/#comments Fri, 31 Dec 2010 08:48:53 +0000 André Gunthert http://owni.fr/?p=40702 Haïti, une catastrophe pour les images

2010 s’est ouvert sur une histoire bien moche de photo volée. Pas par Wikipédia ou ces truands d’amateurs, mais par l’AFP, parangon du photojournalisme, prise la main dans le sac de l’accélération du marché. Confrontée à l’urgence du tremblement de terre de Haïti, la presse a commis de nombreuses erreurs, reprenant sans vérification des images d’autres catastrophes, signalées notamment sur Twitter. Comme les autres, l’AFP n’a fait que se servir sur le réseau social, et a rediffusé sans autorisation et avec une fausse attribution une photo qui allait faire la une de nombreux journaux (voir ci-contre). Lorsque Daniel Morel, son véritable auteur, porte plainte pour exploitation illégale, l’AFP réplique par un recours – que l’agence vient de perdre devant le tribunal de New York.

Jamais en retard d’un combat perdu, le pape du photoreportage, l’inusable Jean-François Leroy, a choisi de se faire l’avocat du vol de l’agence contre le droit de l’auteur, au nom de l’argument bien connu de la jupe trop courte et de la provocation du pot de terre contre le pot de fer. Le défenseur du photojournalisme assis s’est justement fait épingler par Duckrabbit sur son blog.

Rimbaud, un nouveau visage

Depuis avril 2010, Rimbaud a changé de visage. Découverte par Alban Caussé et Jacques Desse, une photo du perron de l’hôtel de l’Univers à Aden, datée de 1880 (ci-dessus, n° 9), montre une physionomie si inhabituelle que de nombreux fans ont préféré ne pas y reconnaître leur auteur favori. Pas de chance, il semble bien que ce soit toute l’imagerie de la rimbaudmania qu’il faille désormais retourner cul par-dessus tête. Le célèbre portrait par Carjat, fondateur d’une vision éthérée d’un poète les yeux dans le vague (ci-dessus, n° 2), s’avère manifestement retouché. D’autres images de Rimbaud, jusqu’à présent écartées, font écho à la photo d’Aden et donnent un visage plus humain à l’auteur des Illuminations. La passionnante controverse qui a accueilli cette découverte (dont on peut suivre les échanges sur ce blog) montre que l’édition de la fin du XIXe siècle a su créer des icônes aussi puissantes que les industries culturelles du XXe siècle.

YouTube, fini de rire

Le Sacre de l’amateur (Patrice Flichy, 2010) s’ouvre sur le chiffre emblématique des vidéos téléchargées sur Youtube, censé résumer à lui seul l’essor conféré par le web aux pratiques créatives. Mais le temps est loin où l’on comptait les enregistrements familiaux remarquables, façon “Charlie bit me“. Désormais partagé par les maisons de disque, les émissions de télévision grand public ou la publicité de prestige, l’usage de la plate-forme s’est banalisé et a noyé le broadcast yourself dans la concurrence sans pitié des grands médias (on peut parier que le nullissime “Baby” de Justin Bieber sera la 1e vidéo à franchir prochainement la barre du demi-milliard de vues).

2010 restera l’année où YouTube a chassé le droit à la parodie de ses serveurs, en se soumettant à l’interdiction par le distributeur des pastiches de La Chute d’Oliver Hirschbiegel. Contrairement à l’avis des optimistes, qui pariaient sur un rebond du web, la célèbre crise de rage interprétée par Bruno Ganz n’a plus servi depuis de défouloir à la moquerie, qui s’est mise à l’abri sur les réseaux sociaux.

Bettencourt, le portrait d’une affaire d’État


Eté marqué par un conflit familial devenu scandale d’État par l’obstination dans le mensonge d’un ministre qui y a définitivement brûlé sa carrière. Dans un paysage visuel qui cache la vieillesse comme un crime, le visage archéologique de la patronne de la crème antiride produit un étrange raccourci des mythes du temps. On s’en souviendra. Accessoirement, la répétition du portrait de l’AFP rappelle qu’à l’ère du camphone, la disponibilité de l’image reste la première détermination de la dynamique de publication.

Lady Gaga crowdsourcée


Pas de best-of 2010 sans Lady Gaga. Mais pour une image différente des clips à succès de la pop-star. Enregistré simultanément par plusieurs dizaines de caméras et mobiles, puis retransmis sur les plates-formes de vidéo en ligne, le crowd surfing (ou jeté dans la foule) exécuté par Lady Gaga au festival Lollapalooza de Chicago le 6 août dernier a fait d’une figure classique des concerts rock une expérimentation grandeur nature de la capacité panoptique des nouveaux médias, sorte de déclinaison frivole des pratiques visuelles du mouvement de protestation iranienne de 2009. Preuve de la puissance du crowdsourcing visuel, ces deux exemples montrent aussi la difficulté de son emploi en dehors de cas très …mobilisateurs.

La toupie d’Inception: ne rêvons pas

Deux films oniriques ont marqué 2010. Laissons de côté Alice au pays des merveilles, gonflé d’effets spéciaux comme une Sahnetorte, pour faire un sort à Inception, vrai film à thèse. En résumé: il est possible de manipuler l’esprit grâce à une effraction du cortex et à quelques scènes d’action emboîtées. Ça aurait pu être une magnifique métaphore du cinéma. Le film passe résolument à côté par son manque absolu de fantaisie et son absence de réflexivité cinématographique. Inception réussit à dépoétiser jusqu’au totem, transformé en outil de vérification de l’état onirique, sorte de “pince-moi” objectif (voir ci-contre).

Faut pas rêver. Dans une époque qui préfère Onfray à Freud, peut-on avoir de l’imaginaire une autre approche que celle des écoles de commerce? Pourtant, comme l’avait bien compris le père de la psychanalyse, le rêve est d’abord un moteur à histoires. Dans Alice ou dans Inception, les effets de manche soupesés au millimètre par des comptables incrédules dévoilent un chapeau vide. Un cinéma qui n’est plus capable de croire à la puissance du rêve ne fait que creuser sa propre tombe.

La 3D à lunettes, un lancement qui tombe à plat

2010 restera comme l’année du lancement de la 3D, promue au cinéma par le succès d’Avatar, vaisseau amiral de la technologie des shutter glasses, et dont le Mondial de foot aurait dû assurer les prolongations dans les salons. Las, malgré quelques blockbusters pas forcément inoubliables (Piranha 3D, Le Choc des titans, Streetdance 3D, Alice au pays des merveilles, Schrek 4…), la demande n’a pas suivi. Sur 9 millions d’écrans plats achetés cette année en France, on estime à un petit 2% la proportion de téléviseurs 3D, bien loin du succès annoncé par le marketing.

Entretemps, les spectateurs américains commencent déjà à se lasser de l’estampille “3D”, et l’auto-stéréoscopie avance à grands pas, programmant l’obsolescence du relief à lunettes, qui risque bien de n’avoir été qu’un des coûteux faux-pas des technologies de l’image, à ranger bientôt à côté du vidéodisque ou du HD-DVD. Pour ma part, muni par le père Noël d’un écran LED tout neuf, j’ai pu constater qu’Avatar est aussi un excellent film en 2D, et que sa vision à plat ne fait pas le moins du monde regretter sa version bodybuildée – ce qui est une autre manière de vérifier le caractère superflu du leurre 3D.

Article initialement paru sur Culture Visuelle, L’Atelier des icônes.

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