OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Freaks: espèce de salles obscures http://owni.fr/2011/04/21/freaks-espece-de-salle-obscure/ http://owni.fr/2011/04/21/freaks-espece-de-salle-obscure/#comments Thu, 21 Apr 2011 17:30:34 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=58228 En octobre 1931, Freaks ou La Monstrueuse parade est en plein tournage. Les États-Unis sont encore dans la tourmente de la Grande dépression de 1929 et l’Europe fait face à la montée du fascisme et du nazisme. Le choc des mutilés de la Première Guerre est encore vif dans les mémoires: le cinéma connaît l’âge d’or des films de monstres et entre dans l’ère du parlant.

Dans le monde du cirque, c’est la grande époque des “sideshow” où sont présentés, en marge du spectacle principal, des êtres singuliers : hommes-tronc, femmes à barbe, avaleurs de sabres, microcéphales, siamois, etc.

Prince Randian, un des acteurs du film Freaks

L’ambiguïté de ce film commence dès le tournage où le réalisateur Tod Browning, auréolé de gloire après le tournage de Dracula [en] avec Bela Lugosi, impose à la Metro Goldwyn Mayer de monter le casting avec des phénomènes de foire issus des cirques du pays. La concurrence est rude entre les studios hollywoodiens et la MGM cherche à faire un gros coup face au succès de Frankenstein produit par Universal.

Le film est un échec cuisant, et il ne connaitra sa seconde vie qu’à partir des années 1960 lors d’une représentation au festival de Cannes. Freaks est reconnu aujourd’hui comme un film culte et universel sur la représentation du monstre moral et du monstre physique, où la fiction rejoint la réalité sur le tournage :

Parmi les anecdotes les plus célèbres mais aussi les plus emblématiques du malaise que provoqua la constitution d’une telle équipe, on se souvient (…) des problèmes récurrents de cantine, le personnel de la MGM protestant contre le fait d’être attablé dans la même pièce que les monstres, ou encore la triste et horrible nausée qui gagnait F. Scott Fitzgerald, (…) lorsqu’il observait la curieuse troupe manger (…).

On se souvient aussi des diverses tensions entre les acteurs, des multiples rivalités entre les monstres qui, bénéficiant chacun du statut de vedette dans leur cirque d’origine, n’appréciaient que moyennement de partager leur notoriété.

En 2011, Freaks est l’un des films sélectionnés dans le dispositif Lycéens et apprentis au cinéma en région PACA, au côté d’un autre film de monstres, Starship Troopers de Paul Verhoeven (1997). Boris Henry, chercheur-enseignant en cinéma, et intervenant pédagogique dans les classes, raconte que les élèves sont restés cois devant le film :

Ils ont eu beaucoup de mal à croire que les Freaks étaient réels, et que Tod Browning avait tourné sans effets spéciaux, trucages ou maquillage. Le film est en dehors de leur canon habituel et par opposition, leurs réactions sur Starship Troopers étaient plus réservées. Habitués à l’évolution des effets spéciaux, tant au cinéma qu’avec les jeux vidéo, ils n’ont pas adhéré à l’esthétique de ce film qu’ils ont trouvé vieillot. Les insectes géants manquaient de crédibilité esthétique, ils ne les ont pas fascinés comme les corps des phénomènes de la Monstrueuse parade qui leur ont fait se poser beaucoup de questions sur la représentation du corps mutilé ou handicapé, sur le monstre, la mobilité et la sexualité notamment.

Le corps de l’acteur est, chez Browning, un instrument de la déformation et est au centre d’un dispositif dépourvu d’effets spéciaux. Il donne à voir le monstre qui est en chacun de nous. L’intérêt de Browning s’est toujours porté sur les acteurs, en témoigne sa longue collaboration avec Lon Chaney, surnommé “L’Homme aux Milles Visages”.

Pour Browning, “les acteurs sont des personnes à la marge de la société, ils sont singuliers. Le corps hollywoodien est un corps monstrueux, aujourd’hui encore, on le constate avec la chirurgie esthétique chez les stars, et le monstre est un dispositif en soi auquel participe l’acteur. Être acteur c’est aussi être un monstre”, selon Boris Henry.

Si Freaks n’a jamais fait l’objet d’un remake, il n’en a pas moins inspiré beaucoup de cinéastes. David Lynch avec Elephant Man et Twin Peaks, ou Tim Burton avec Big Fish, qui a aussi sa galerie de monstres forains. La chaîne HBO a notamment produit une série sur les “sideshows” dont l’action se passe dans les années 1930 aux États-Unis, La caravane de l’étrange.

Pour Boris Henry,

Freaks est en quelque sorte la queue de la comète de la culture foraine dans laquelle on montrait les monstres ; cette culture ayant en grande partie disparu, le regard porté sur les phénomènes a changé et il est donc difficile, voire sans doute impossible, de refaire un film comme Freaks.


Freaks, dans son intégralité [en]:

Hans et Frida
Prince Randian, l’homme-tronc
Cléopâtre pendant le dîner de noces
Johnny Eck, l’homme sans jambes
Minnie Woolsey dite Koo Koo
Schlitze
Cléopâtre “One of us ! One of us !

Les soeurs Hilton
Les soeurs siamoises Ping et Jing dans Big Fish de Tim Burton, 2003
The Red Room dans Twin Peaks Fire Walk With Me de David Lynch
Edward aux mains d’argent
Big Fish de Tim Burton, 2003 ©Columbia Pictures



Retrouvez tous les articles de notre dossier “monstres” sur OWNI.
- “Le corps jugé monstrueux n’a pas d’humanité”
- “Un nouvel appendice pour l’espèce humaine ?”

Image de Une par Loguy /-)

Crédits photos et illustrations :
Les enfants de cinémaCNC ressourcesSite ImageImages de la cultureLycéens et apprentis au cinéma, région PACASunday MagazinePhreeque ; Sony Pictures

Via Flickr Something by the wolf [cc-by-sa]

Pour aller plus loin :
Le dossier pédagogique sur Freaks, par Boris Henry, édité par le Centre National de la Cinématographie pour le dispositif Lycéens et apprentis au cinéma
Cinémaction nº125 “Tod Browning, fameux inconnu” de Pascale Risterucci et Marcos Uzal, 2007
>”Freaks, la monstrueuse parade de Tod Browning” de Dick Tomasovic, Editions du Céfal, 2005Lon Chaney chez Tod Browning [article] de Carole Wrona, sur le site Critikat
La télégénie du monstre [pdf] de Jean-Pierre Sélic
Le site Human Marvel
Le site Sunday Magazine
Le casting complet de Freaks [en]

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Balade dans la Demeure du Chaos http://owni.fr/2011/04/12/ballade-dans-la-demeure-du-chaos/ http://owni.fr/2011/04/12/ballade-dans-la-demeure-du-chaos/#comments Tue, 12 Apr 2011 10:30:51 +0000 microtokyo http://owni.fr/?p=56286

Certains articles résistent à s’écrire. Non que vous n’ayez rien à dire sur le sujet (il suffit alors de se documenter) ou que vous craigniez les représailles de quelqu’image castratrice du père. La difficulté vient d’ailleurs : de l’affect que ledit sujet déchaîne chez ses partisans et ses détracteurs. Pour le blogueur n’adhérant pas au mythe de l’objectivité, il s’agit de se positionner en évitant de pondre un article fadasse. Il y a quelques temps, nous vous avions promis la chronique de la visite de la Demeure du chaos en compagnie de son directeur artistique, Pierrick, graffeur, a.k.a Cart 1.

Située dans le très cossu village de Saint-Romain-aux-Monts-d’Or, à quelques kilomètres de Lyon, la Demeure du chaos est tout à la fois le bébé d’un businessman fou, une pépinière artistique et un feuilleton médiatico-judiciaire à la Dallas. Une sorte de doigt d’honneur ambigu et réfléchi à la société. Le milliardaire en question, c’est Thierry Ehrmann. Pionnier de la bulle internet des années 1990 et déclaré irresponsable en Espagne, il est aussi le créateur du Groupe Serveur – acteur majeur des banques de données informatiques et le boss du site Artprice, leader mondial de l’information du marché de l’art.

Artprice, c’est une entreprise regroupant une centaine de salariés et un fond de plus de 300.000 catalogues de ventes, de 1700 à nos jours. Pour un amoureux des livres, pénétrer dans les salles aux lourdes armoires abritant les collections, ça fait quelque chose ! Art, information et internet : Ehrmann, en rajoutant le goût de la provocation, te voilà superficiellement dégrossi !

Calendrier tzolkin, par Goin

Cendres chaudes et chaos fertile

Le choc initial semble venir du 11 septembre 2001. Ehrmann y voit la fin d’une civilisation, le chaos par lequel renaîtra quelque chose de neuf. Il acquiert alors une vaste propriété bourgeoise pour y installer son grand-oeuvre, à mi-chemin entre champ de ruines de Ground Zero et Factory d’Andy Warhol. Le projet de la Demeure, c’est une dualité, ou plutôt, une complémentarité entre une vision – l’Esprit de la Salamandre (pour les initiés), et la praxis d’un lieu sacré… ouvert au public.

La Demeure du Chaos n’est pas le bâtiment qui abrite des oeuvres d’art comme le ferait un musée conventionnel, mais une oeuvre d’art en soi, in process. Murs éventrés et massivement graffés par des artistes invités, sol violé par des épaves d’avion et poignardé par des ruines de structure métalliques, ciel défié par une plateforme pétrolière, espace des bâtiments détourné, esthétique générale empruntant au cyberpunk et à l’indus : rien ni personne n’est épargné. L’oeuvre monstrueuse, dégage une énergie hors du commun. Une mosaïque constituée de plus de 2700 compositions, la plupart sur des murs dont la porosité des pierres dorées fait les délices des graffeurs.

C’est aussi le musée privé le plus fréquenté en Rhône-Alpes, le siège des entreprises citées plus haut et la résidence d’Ehrmann. Ses appartements font partie de l’Oeuvre : des espaces brutalisés à l’ambiance délicieusement lourde. Parmi eux, une pièce au centre muré, sorte de tabernacle louche.

Pour qui arrive sur le site pour la première fois, le choc est soudain : vous entrez dans un mignon petit village par une mignonne petite route et bam ! à la sortie du premier virage vous tombez sur des murs noirs et tagués. Le choc est accentué du fait que les hauts murs des bâtisses signifient clairement qu’ici l’espace privé est jalousement préservé des regards extérieurs. La violence picturale de la Demeure prend le contrepied en magnétisant le regard.

Dès sa création, les villageois et le maire poursuivent Ehrmann en justice pour non respect du Code de l’urbanisme. C’est le début d’une longue campagne médiatique et juridique. Le chantre de l’Esprit de la Salamandre s’entoure d’une légion d’avocats et d’amis influents, fait appel systématiquement, s’expose avec délectation devant la loi et l’opinion publique. Pas tant par nombrilisme que par philosophie : l’art, les hommes et leur justice se rejoignent dans son travail alchimique.

On vous passe la liste des rebondissements judiciaires, dus notamment à la découverte des ruines d’un temple protestant sous les fondations de la Demeure et celles du lotissement voisin, lequel fut construit plus ou moins légalement. Par contre, on vous signale que le voisin d’en face, Marc Allardon, a répondu à la Demeure en transformant sa propriété en Maison de l’Eden Dudu ! Sa philosophie, le duduisme : être heureux, il suffit d’y penser !

Regard de l’abyme, regards en abyme

Car la Demeure du chaos, c’est ça, un formidable jeu de regards expérimenté par des artistes en résidence. Les fresques graffées de personnalités comme Claude Lévi-Strass, Rouhollah Khomeini, Andreas Bader ou Philip K. Dick par Cart One ou Michel Foucault par Thomas Foucher, pour ne citer qu’elles, nous rappellent la nécessité de se ré-approprier les images produites par les médias.

Godard disait que la vérité d’une image, c’est d’abord la vérité de la légende qu’on lui appose. Il s’agit alors de dé-légender la légende, laquelle n’est ni plus ni moins qu’un agencement de mots nourrissant aussi bien l’oeuvre que la réalité qu’elle présente. Comme le disait l’ami Lévi-Strauss, ce travail de taxinomie consiste à faire exister le monde et ses représentations et jusqu’à un certain point, à se les approprier. La question étant alors de savoir qui nomme quoi, au nom de qui. Entre autres oeuvres, les pochoirs de calendriers tzolkin de Goin semblent souligner le rapport de continuité des techniques de (re)production graphique à travers le temps, l’espace et la culture : du codex et de la sculpture religieux à la bombe Montana du street art profane. Ils semblent aussi tirer la sonnette d’alarme : la fin du monde, de cet état du monde, est proche. Pour le 21 décembre 2012, comme le pensaient les Pré-colombiens. Si vous voulez que vos enfants soient specta(c)teurs de la fin des temps, ne tardez plus, il vous reste précisément onze mois pour faire des bébés ! Quant à lui, le truculent Jace honore les murs de Mickey Mouse à contre-emploi, prévenant des dérives du projet Loppsi. Pour les fans, des interventions de Ben Vautier, ce Jacques Séguéla de l’histoire de l’art.

Mickey par Jace

La relation au regard a quelque chose de jusqu’au boutiste : le couple observant/ observé est démantelé. Le domaine est entièrement truffé de caméras vidéo. Ce panopticon ne permet pas à Ehrmann de surveiller tout ce qui s’y passe, mais plutôt d’observer à tout moment l’évolution de la vie grouillante. Quelle meilleure manière de déjouer le pouvoir visuel que de le combattre avec ses propres armes ? Plus foucaldien, tu meurs ! Encore faudrait-il s’assurer que tous les hôtes de la Demeure sachent qu’ils sont filmés, territoire sacré ou pas. En riposte à cette pratique éhontée, balançons (un secret de Polichinelle) : le bureau circulaire des écrans se trouve dans les appartements du sieur Ehrmann.

Humanisme et corps sacré

Le corps sacré, c’est l’autre grand chantier artistique de la Demeure. Soit la dualité corps/ âme, matière/ idée. En trait d’union, Internet. Ehrmann :

Je suis persuadé qu’Internet est la métaphore du Divin, si ce n’est le Divin lui-même. La voix sèche qui illumine La Demeure du Chaos lui donne le don d’ubiquité entre le monde physique et celui des idées (…). Etre capable d’étendre à l’infini sa présence mentale, être universellement connecté afin de pouvoir affecter et élever peu à peu la connaissance des êtres humains par la distribution du savoir organisé (la banque de données), telle est l’ambition humaniste du troisième millénaire.

Si Dieu a fait l’Homme à son image, celui-ci ne cesse depuis la Renaissance de questionner sa place dans l’univers et d’expérimenter les limites de son corps. Notamment au Bunker (un vrai de vrai), espace pirate de résistance à la pensée dominante : une TAZ – Zone autonome temporaire à la Hakim Bey. C’est là que de nombreux performers y présentent leur travaux de réflexion et d’action sur le corps dans la lignée de Gina Pane et d’Orlan.

Parmi eux, la dernière exposition Sanctuarium de Claude Privet : un mix de crânes humains optimisés de circuits et puces électroniques. Cette esthétique épouse pile-poil les thématiques de la Demeure : sacralité, mort et rédemption par l’immatérialité des réseaux électroniques d’information. Avec une piste intéressante qui fait qu’elle dépasse peut-être le propos d’Ehrmann : l’intuition d’une post-humanité.

Morceau du bunker

En effet, s’il convient de garder à l’esprit que les artistes invités à la Demeure n’épousent pas nécessairement l’esthétique d’Ehrmann à la lettre, celle-ci reste finalement dans le courant très classique de l’humanisme : l’Homme au centre du monde, le progrès par la connaissance et un relatif désenchantement du monde au profit d’une mystique volontariste. La nouveauté viendrait peut-être du côté de la touche cyberpunk : le corps humain devenant pure énergie, flux intelligent. Et encore, Platon en parlait déjà. S’il nous était encore permis de pinailler, nous ajouterions qu’on ne peut malheureusement plus envisager ledit humanisme sans ses fleurs pourries que sont l’esclavage et l’émergence du capitalisme planétaire.

Continuer à parler de progrès et de savoir partagé paraît alors vraiment compliqué, d’autant que de nombreuses oeuvres constituant la Demeure amorcent la piste post-humaine : un portrait de Michel Foucault qui annonce la mort de l’Homme, un autre de William Burroughs hanté par le virus du langage, les crânes hybrides de Privet alliant organique et silicone, reproduction de Ground Zero qui pourrait tout aussi bien être le champ de ruines du Tokyo post-apocalyptique d’Akira de Katsuhiro Otomo, références omniprésentes à l’Histoire et à des révolutionnaires… Autant d’oeuvres n’allant pas tant dans le sens d’une transcendance par le savoir que de la transformation de soi au contact d’autrui et/ou de la technologie.

En cela, la Demeure du Chaos joue paradoxalement bien son rôle : une pépinière portant les germes de sa propre mutation, de son propre renversement. Au-delà du procès fleuve concernant des règles d’urbanisme, c’est bien cette réalité de la Demeure du Chaos qui nous fait dire qu’elle doit perdurer : il y aura toujours davantage d’oeuvres, qui tels des enfants indignes, respecteront le père tout en le tuant sous le regard impitoyable des visiteurs. De votre belle-mère et de votre petit frère punk, petits meurtres rituels en famille.


Publié initialement sur Microtokyo, le blog du grand mix urbain, sous le titre “La Demeure du Chaos, promenade idéale pour votre belle-mère”

Crédits photos et illustrations : Aymeric Bôle-Richard (Microtokyo)

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Changer son corps — ou pas http://owni.fr/2011/02/19/changer-son-corps-%e2%80%94-ou-pas/ http://owni.fr/2011/02/19/changer-son-corps-%e2%80%94-ou-pas/#comments Sat, 19 Feb 2011 08:57:58 +0000 Didier Lestrade http://owni.fr/?p=46952

La dernière discussion sur le bébé médicament est vraiment un symbole de la gêne typiquement française sur le corps humain. Je ne sais pas si tout le monde s’est élevé contre cette histoire parce que ce bébé venait d’une famille française de Turcs qui parlent encore le turc dans l’espace familial, mais nous avons eu droit à des déclarations catastrophistes de tous les côtés et la Boutin a critiqué ces possibilités thérapeutiques comme des idées contraires à la République, pas moins. Dès qu’on parle des droits des transsexuels ou du corps qui change d’une manière plus générale, c’est comme si l’on pénétrait dans le domaine de l’eugénisme ou d’autres grands mots qui n’ont pas grand chose en commun avec la fascination que procure le corps humain de nos jours.

Le corps des gens change. À Minorités, on ne sait pas pourquoi, mais le texte qui a le mieux marché depuis deux ans, et de loin, c’est celui de Laurent Chambon sur « Vie de merde, bouffe de merde, corps de pauvres » . Le titre était accrocheur, mais c’est le contenu qui a fait peur. Notre corps évolue et comme toutes les choses qui changent, ça terrorise tout le monde.

Chirurgie esthétique, tatouage, piercing…

Les jeunes n’ont jamais été aussi grands en France et à travers le monde. Dans les pays riches, les doigts de pieds sont de moins en moins développés car nous avons accumulé plusieurs générations de chaussures de bonne qualité qui facilitent le travail de ces orteils. Les vrais blonds seraient une catégorie humaine en voie de disparition. Le tatouage est partout, les kids se font élargir les trous des lobes de leurs oreilles avec des bijoux qui ressemblent aux artefacts d’Afrique et d’Amérique latine. Les femmes ont de plus en plus recours à la chirurgie esthétique du vagin et pourquoi pas, qui ne voudrait pas avoir un organe sexuel plus joli ? Je ne dispose pas de chiffres exacts mais une personne calée sur le sujet m’a dit que pour la première fois dans l’histoire de la chirurgie esthétique masculine, les interventions les plus populaires concernent le sexe, pas le visage.

Bien sûr, ces derniers n’en parlent pas beaucoup car peu d’hommes (y compris les gays) ont envie de claironner sur tous les toits qu’ils se sont fait opérer pour avoir une bite plus harmonieuse ou plus longue. Il y en a beaucoup qui se sont fait circoncire à l’âge adulte parce que leur frein les dérange ou les fait jouir trop tôt, et puis il y a tout cet imaginaire inconscient qui sous-entend que la circoncision fait gagner ce petit centimètre en plus qui fait parfois toute la différence entre une bite moyenne et une belle bite.

Ma question : malgré Tumblr, Grindr [en], les sites de cul et de drague, le porno, le sexting, l’art érotique, la mixité raciale (le fait de découvrir d’autres corps), les partouzes des ados, l’excitation perpétuelle de la société qui nous vend du corporel à chaque seconde, pourquoi avons-nous tant de peur de la vitesse à laquelle nos corps évoluent ? La mode de la barbe, par exemple, qu’est-ce que ça veut dire sur ce besoin très facilement identifiable de séparer l’homme de la femme au moment où la transsexualité n’a jamais été autant visible ? Nous venons de traverser dix douloureuses années sur la métrosexualité, est-ce que nous allons revenir à une vraie virilité qui serait la prochaine étape du surhomme, l’Übermensch ?

Les gens n’ont jamais autant dépensé et investi dans leurs corps. Il y a encore vingt ans, on se moquait de ceux qui avaient recours à la chirurgie esthétique. Avec les progrès de la médecine réparatrice et un lobby médiatique redoutable via des dizaines d’émissions à travers le monde sur l’idée de Miss Swan et Relooking Extrême, tout le monde a désormais envie de changer ceci ou cela — et ça marche et ça coûte moins cher. Chez les gays, personne n’est dupe. Si chaque enfant coûte une moyenne de 385.000 dollars à ses parents au long de sa vie, alors un gay sans enfant peut théoriquement dépenser cette somme pour lui-même, pour son corps. Tout est alors possible. Vous avez remarqué sur Tumblr le nombre de mecs qui se sont tatoués la bite ? Personne ne faisait ça il y a encore dix ans !

Human enhancement

En 2007, le magazine Wired avait consacré sa couverture à l’amélioration du corps (humain enhancement) avec un titre qui résumait parfaitement l’idée: Beyond The Body [en]. L’expérience des sportifs nous montre que les joueurs de golf comme Tiger Woods recourent souvent à la chirurgie afin d’avoir une vision oculaire de 50/20 qui leur permet de voir très loin la balle de golf. Le plaisir sexuel de la femme peut être développé en insérant un implant au bas de la colonne vertébrale qui facilite électriquement l’orgasme. Pour solidifier les genoux, les sportifs bénéficient d’implants en métal et plastique qui assurent une meilleure liaison entre le tibia et le fémur. Ceux qui souffrent d’arthrite sévère aux mains améliorent leurs poings avec des os en métal, ce qui permet aux joueurs de piano ou de guitare de jouer plus rapidement. De même, les ligaments du coude peuvent être remplacés par d’autres ligaments prélevés sur une autre partie du corps. Certains marathoniens choisissent de courir sans chaussures [en], ce qui a un impact direct sur la morphologie du pied.

To poil...

Dans le cadre du sida, les programmes massifs de prévention sont en cours en Afrique pour circoncire des millions d’hommes (les hommes circoncis ont statistiquement moins à risque de devenir séropositifs que les hommes non circoncis). Ainsi, en Tanzanie, c’est 2,8 millions d’hommes [en] qui vont passer sur la table d’opération. On voit ainsi que des sujets de santé publique peuvent massivement changer la morphologie humaine. Sur Tumblr, on voit parfois apparaître des séries entières de portraits d’hommes pakistanais qui popularisent une beauté physique qui est souvent mise de côté dans les médias quand on parle d’un pays critiqué pour des raisons politiques. Sur Facebook et Tumblr aussi, certains se consacrent à promouvoir l’évolution récente de la morphologie des Asiatiques. C’est presque un travail de propagande, mais on peut voir ça aussi comme un outil qui encourage une meilleure connaissance de l’immense diversité des looks asiatiques et combattre ainsi les préjugés physiques qui contribuent à une forme de racisme.

Depuis l’année du Brésil en 2005, l’érotisme brésilien a eu un tel impact à travers le monde que les femmes se font épiler de manière à porter le string, c’est le désormais célèbre maillot brésilien. La mode hallucinante de l’eyewear fait que désormais des personnes qui n’ont pas de problème de vue se mettent à porter des lunettes qui ressemblent à celles que portent les myopes — ce qui d’ailleurs a fortement tendance à énerver ces derniers qui se passeraient bien de lunettes. Dans le porno, on utilise moins le Viagra et ses produits équivalents pour injecter directement dans le pénis un produit qui prolonge et développe l’érection. De même, dans le porno aussi, on voit de plus en plus d’hommes qui s’injectent du liquide physiologique dans les testicules pour avoir des trucs énormes qui ressemblent à de petits melons.

Le tatouage est devenue tellement industriel (voir l’immense succès de la série de MTV, Miami Ink) que l’on voit partout sur Tumblr des dessins et des idées totalement inimaginables il y a encore cinq ans. Les gangs mexicains et californiens imposent de plus en plus la beauté du tatouage sur le visage (voir le film de Christian Poveda et Sin Nombre de Cary Fukunaga) et n’oublions pas que le crâne tatoué de François Sagat a été un élément déterminant dans la promotion de son image.

Quand Britney Spears a décidé de se raser les cheveux en 2007, ce ne fut pas forcément le geste le plus idiot de la pop, mais la déclaration d’indépendance d’une superstar à travers un geste presque anarchiste. Madonna vient  de rajeunir ses mains pour y faire disparaître toutes les marques de son âge (53 ans). Les hommes imberbes qui veulent absolument avoir des pecs poilus n’hésitent plus à prendre des hormones mâles. En France, l’establishment médical est farouchement contre, mais l’hormone de croissance est largement disponible en Grèce et dans les pays voisins et a prouvé son statut de produit miracle dans la régénération de l’ensemble des tissus (peau, organes, cheveux), surtout chez les personnes âgées.

Les repères changent

Or not to poil ?

Sans arrêt, nous sommes confrontés à des images d’hommes et de femmes qui, par leurs différences physiques, nous amènent vers un monde moderne plus ouvert, plus tolérant. Caster Semanya a été au centre de polémique sur le statut d’hermaphrodite [en], peu discuté dans la société, et très différent du débat autour des personnes transgenres. Et puis,  comment un champion de cricket comme Hashim Amla avec sa barbe de musulman croyant devient un sex symbole dans son pays et bien au delà ? Pourquoi Thierry Henri est surnommé Anaconda sur ce que vous savez et cela reste au niveau d’un murmure underground ? Pourquoi l’acteur principal du film Submarino a attiré un public très gay uniquement parce que l’acteur avait un look de gay nordique alors que le film n’a rien à voir avec les gays ? Est-ce que le succès de Facebook est indépendant du sex appeal nerdy mais tenace de Mark Zuckerberg, ce qui a facilité la sortie d’un blockbuster ?

Au moment où Tron sort, l’idée du corps bionique n’a jamais été aussi séduisante à travers le monde et le succès des Daft Punk (artistes cachés par des masques de robot) touche désormais les 10-15 ans, alors que le public originel des Daft approche la quarantaine. I Sing the Body Electric [en] de Walt Whitman, repris par Weather Report [en] en 1972 est devenu réalité aujourd’hui. Les vidéos pop et la presse people imposent une morphologie humaine photoshopée, où la cellulite a été gommée et la peau est éclaircie pour tous (Noirs et Blancs). On est loin du désastre esthétique de Michael Jackson. On est dans une modification du corps améliorée, qui amène au succès.

Notre dilemme futur sera dans la conviction qu’un corps naturel, sans tatouage et sans rasage représente ce qui est le plus beau, mais qu’un corps modifié et amélioré concentre ce qui est le plus admirable.

Alors comment résoudre cette contradiction ?

Allons-nous devenir tous fous ?

Billet initialement publié sur Minorités

Images CC Flickr Glenn E. Malone BerlinMoritz et Pensiero

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Vie de merde, bouffe de merde, corps de pauvres http://owni.fr/2010/04/06/vie-de-merde-bouffe-de-merde-corps-de-pauvres/ http://owni.fr/2010/04/06/vie-de-merde-bouffe-de-merde-corps-de-pauvres/#comments Tue, 06 Apr 2010 14:25:49 +0000 Laurent Chambon http://owni.fr/?p=11724 Docteur en sciences politiques et co-fondateur de la revue Minorités, Laurent Chambon revient sur les origines de la pandémie d’obésité observée aux États-Unis, et sur son apparition en France. Ce phénomène est surtout le symptôme d’une société profondément inégalitaire.

Pourtant, Evry, ça a l'air joli.

Pourtant, Evry, ça a l'air joli.

À chaque fois que je rentre dans la banlieue où j’ai grandi, dans le neuf-un, je suis frappé par plusieurs choses: (1) tout est bien propre avec des fleurs partout malgré les voitures qui brûlent, (2) les zones commerciales à l’américaine (des magasins/entrepôts construits à la va-vite autour d’un parking) remplacent les dernières forêts, (3) on voit que les gens ont de moins en moins d’argent et les supermarchés ont supprimé les produits les plus luxueux au profit des gammes premier prix, (4) la laideur commerciale et l’indigence des publicités omniprésentes sont d’une violence extrême et (5) il y a plein de gens vraiment très gros partout. Plus que gros. Carrément obèses, en fait.


Il y a quatre ans, j’avais été mixer mon premier disque à Detroit. Là-bas, la laideur structurelle de la ville et l’obésité des gens faisaient partie de l’exotisme. Mais chez moi, dans le neuf-un, la violence de cette pauvreté culturelle et visuelle mélangée à l’épidémie d’obésité m’a énormément choqué. Je ruminais ma déception quand je suis tombé sur plusieurs livres et articles sur la nourriture, l’obésité, les classes sociales et la révolution verte. Comme d’habitude, il faut savoir séparer le bon grain de l’ivraie, même si ce n’est pas facile.

Une des théories en vogue dans le Nord de l’Europe est que l’obésité est une maladie mentale. Ce serait une sorte d’anorexie à l’envers, mixée à des comportements d’addiction, de faiblesse morale et de dérèglements comportementaux. Au lieu de laisser les laboratoires nous mener en bateau et nous concocter des pilules magiques qui font maigrir sans aucun effet secondaire, les médecins et psychologues se voient en grands prêtres du contrôle de soi, à mettre en place des thérapies pour empêcher les gens de se bâfrer comme des cochons.

Un truc de paresseux

C’est vrai que je me sens mal à l’aise quand je vois à Amsterdam ces touristes américaines obèses qui se remplissent de mégamenus XL de frites, de hamburgers et de wraps (contenant au moins une demi-feuille de laitue) mais qui font une crise d’asthme si la serveuse leur sert un coca normal au lieu du coca light qu’elles ont demandé.

Voir des obèses manger trop, c’est presque aussi insoutenable que ces publicités pour les fondations de protection des animaux où ils vous montrent des chiots malheureux dans des cages. Il y a quelque chose d’obscène dans ce gavage d’obèses.

Cependant, même si on a envie de crier que ces Américains sont obèses parce qu’ils sont paresseux et gourmands, je me demande s’il y a là une explication valable. Car qui connaît les États-Unis sait que plus on est pauvre, plus on est soit super maigre, soit super gros. Les corps des Américains signent leur appartenance à une classe sociale, bien avant leur accent ou leurs vêtements. Les riches ont des corps athlétiques et des dents parfaites, les pauvres n’ont ni l’un ni l’autre, et la classe moyenne essaye de limiter les dégâts pour ne pas trop ressembler aux pauvres.

Quand on sait à quel point la méritocratie américaine est un mythe, et que la richesse comme la pauvreté sont avant tout hérités, on se dit qu’il doit y avoir autre chose que la volonté personnelle qui fait que les riches sont beaux et les pauvres sont moches. Donc l’idée que les gros le sont parce qu’ils sont paresseux, aussi évident que cela paraisse, ça me paraît quand même très douteux.

Les psy ont beau essayer de nous vendre leur thérapie anti-morfales, je n’y crois pas.

Faudrait qu'on fasse des efforts, quand même

Faudrait qu'on fasse des efforts, quand même

Un truc de classe

Un des bouquins essentiels de la décennie dont j’ai déjà parlé dans la Revue n°10 de Minorités est The Spirit Level, Why More Equal Societies Almost Always Do Better de Richard Wilkinson et Kate Picket. On y découvre un lien statistique direct entre les maladies et les inégalités.

Pour résumer rapidement, plus une société est inégale, plus les gens sont gros, dépressifs et violents. Plus une société est égalitaire, plus ses membres contrôlent leur propre vie : moins de criminalité, moins de violences, moins d’adolescentes enceintes, moins de viols, moins d’obésité, moins de maladies, moins d’extrême-droite…

Notre couple de sociologues anglais avoue cependant ne pas pouvoir vraiment expliquer dans les détails comment cela est possible: tout montre que les inégalités sont un facteur de stress individuel et collectif qui a des conséquences dramatiques, mais ils ne parviennent pas vraiment à mettre la main sur des articles scientifiques qui expliqueraient pourquoi vivre dans une société inégalitaire produit de l’obésité.

Finalement, je suis tombé sur un article de chercheurs, repris ensuite dans Slate, qui ont réussi à démontrer quelque chose de vraiment intéressant: l’obésité n’a pas de lien direct prouvable avec la quantité de nourriture ingérée, et elle n’est pas la cause de toutes les maladies en général associées à un important surpoids. L’obésité est en fait un symptôme d’empoisonnement alimentaire.

Pour résumer, le corps humain se protège de la nourriture de merde en stockant les éléments qu’il ne sait pas dégrader ou transformer à l’extérieur du corps, dans la couche de gras externe. Plus on mange de la merde, plus on se retrouve à dégouliner de gras sur le ventre, les seins et les fesses. Et puis, au bout d’un dizaine d’années, quand le corps n’arrive plus à se défendre et n’arrive plus à stocker toutes ces horreurs dans le gras externe, les organes internes sont touchés, et les maladies associées à l’obésité se font sentir.

Nation malbouffe

Dans Fast Food Nation, un livre très bien fait que j’avais dévoré en une traite, Eric Schlosser explique comment l’industrialisation de l’alimentation américaine est allée de pair avec une économie de bas salaires, d’un prolétariat ultra mobile et corvéable à merci, et la construction d’une Amérique inégalitaire où les infrastructures payées par tous sont au service des intérêts de quelques industriels.

Il raconte l’exploitation des adolescents par les chaînes d’alimentation rapide, l’indigence des contrôles d’hygiène, la très très mauvaise qualité des ingrédients utilisés par l’industrie alimentaire, la cruauté envers les animaux et les travailleurs sans papiers (dont les restes peuvent se mélanger dans votre hamburger), mais aussi le mensonge généralisé.

Le premier mensonge est celui de la composition des produits vendus: gras de très mauvaise qualité, graisses trans (désormais interdites dans certains États ou villes), bas morceaux, additifs en tous genre.

Pourtant, le clown inspire confiance...

Pourtant, le clown inspire confiance...

Le plus frappant est celui de l’odeur et du goût: pour cacher que nous bouffons littéralement de la merde, la viande est dotée d’un parfum « viande bien saisie sur le barbeque», les frites pré-cuites sont parfumées aux bonnes-frites-qui-n’existent-plus, la mayonnaise est parfumée au fromage et la bouillie de restes de poulets passés à la centrifugeuse pour augmenter la quantité d’eau est, elle aussi, parfumée au poulet.

Quand à l’umami, ce cinquième goût découvert par les Japonais, celui qui nous fait adorer le poulet frit ou la viande bien saisie, il ne doit rien aux ingrédients ou à la cuisson: il vient d’additifs chimiques destinés à tromper votre palais.

Non seulement on nous vend de la merde dans des jolis emballages, mais on trompe notre instinct et notre odorat.

Une histoire qui traîne beaucoup sur le Net et dans les journaux est celle de cette Américaine qui a laissé traîner dehors un Happy Meal™, ce menu concocté avec amour par McDonald pour les enfants, juste pour voir. Ignoré par les champignons, les bactéries et les insectes, il n’avait pas bougé un an après. Si même les bactéries et les champignons n’en viennent pas à bout, et que les mouches (qui ne sont pas connues pour être de fines bouches) s’en désintéressent, comment peut-on imaginer que notre corps puisse le dégrader pour y trouver les éléments dont il a besoin? Je sais que ça a refroidi beaucoup de parents autour de moi qui ont lu cette histoire.

Empoisonnement collectif planifié

Il suffit de se promener dans n’importe quel supermarché américain, néerlandais ou britannique pour réaliser à quel point la bouffe industrielle domine: il est presque impossible de se concocter un repas avec des produits non transformés exempts d’additifs destinés à tromper vos sens. Manger sainement demande des ressources pécuniaires et organisationnelles que les pauvres ne peuvent pas se permettre.

Cette évolution, on la retrouve désormais dans ma banlieue d’origine: les magasins de primeurs ont fermé depuis longtemps, remplacés par des boutiques télécom, les supermarchés font de plus en plus de place pour les plats préparés par l’industrie alimentaire (avec des marges très intéressantes) au détriment des produits frais non transformés (dont la marge est bien moindre).

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Vendre un poireau à quelques dizaines de centimes pour faire une soupe rapporte énormément moins que vendre un litre de soupe à plusieurs euros, surtout quand elle consiste surtout en de l’amidon, des exhausteurs de goût, des gras de mauvaise qualité et du sel.

Tout à coup, les statistiques des sociologues commencent à faire sens: les sociétés inégalitaires (États-Unis et Royaume-Uni en tête) sont celles où la pauvreté est la plus violente, mais aussi où l’industrie alimentaire a le plus développé d’alimentation à bas prix pour satisfaire les besoins caloriques des plus pauvres. Car leur revenu disponible y est aussi bien moindre que dans les société plus égalitaires.

Les pays européens qui suivent cette pente facile de l’inégalité sont aussi ceux qui sont les plus touchés par l’industrialisation de l’alimentation, réponse économique à la baisse des salaires réels et la violence organisationnelle qui est exercée sur les familles.

Dans une société où les gens n’ont plus beaucoup l’occasion de manger ensemble parce qu’on leur demande d’être flexibles tout en les payant moins, la malbouffe industrielle est une réponse normale.

Manger bouger point FR

Alors quand je vois ces campagnes gouvernementales « manger bouger » après des publicités pour de la malbouffe à la télé, je commence à voir rouge. On laisse les classes moyennes se paupériser, on transforme leurs villes en centres commerciaux vulgaires uniquement accessibles en voiture où la seule nourriture possible est de la merde parfumée, et on nous dit qu’il faut bouger sinon on va tous être gros.

Maintenant qu’on sait que nos corps deviennent obèses parce qu’on nous fait ingérer des produits toxiques, et qu’on mange de la merde car c’est l’organisation optimale si on veut maximiser les profits de quelques uns tout en maintenant les salaires  des autres aussi bas que possible sans que les gens aient faim, ça ne vous fait pas tout drôle d’entendre dire partout que si vous bougiez un peu votre cul vous seriez moins gros?

Ce qui m’énerve encore plus, c’est qu’on sait désormais que le modèle américain de développement est une catastrophe: une nature à bout de souffle, des villes laides où l’on vit mal, des classes moyennes paupérisées qui sont obligées de vivre à crédit parce que travailler ne nourrit plus son homme, et un quasi-monopole de l’alimentation industrielle qui a conduit à une obésité pandémique et une morbidité inconnue jusque là, même chez les enfants.

Donc on sait. Mais rien n’est fait, on continue comme ça.

Tout va bien, le pays se modernise. Vous reprendrez bien un peu notre merde parfumée?

Mais n’oubliez pas de vous bouger le cul, bande de gros paresseux.



> Article initialement publié sur Minorités.org

> Illustrations par Lee Coursey, The Rocketeer, Mustu et Srdjan Stokic sur Flickr

> Légendes par la rédaction

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Marie-Claire sans retouches ? http://owni.fr/2010/03/19/marie-claire-sans-retouches/ http://owni.fr/2010/03/19/marie-claire-sans-retouches/#comments Fri, 19 Mar 2010 10:01:13 +0000 Alexie Geers http://owni.fr/?p=10313 Quand le magazine féminin promet un numéro d’avril 100% sans retouches, qu’entend-il par là et que veut-il démontrer ? Alexie Geers, auteur du blog L’Appareil des apparences sur Culture visuelle, et nouvelle venue sur Owni, analyse l’opération.

Un an tout juste après Elle et ses stars photographiées «sans fards, sans maquillage, sans retouches» par Peter Lindbergh, Marie-Claire, nous promet, pour son numéro d’avril 2010, un numéro «100% sans retouches».

Elle, avril 2009, "Stars sans fards, sans maquillage, sans  retouches" (Monica Belluci)

Elle, avril 2009, “Stars sans fards, sans maquillage, sans retouches” (Monica Belluci)

Marie-Claire, avril 2010, Une, "Numéro 100% sans  retouches" (Louise Bourgoin)

Marie-Claire, avril 2010, Une, “Numéro 100% sans retouches” (Louise Bourgoin)

Selon Christine Leiritz, directrice de rédaction et éditorialiste, « nulle retouche, pas de tricherie »[1] dans ce numéro, pensé comme un pied de nez à la proposition de loi de Valérie Boyer[2]:  «Ce que nous voulons montrer est limpide. Marie-Claire n’offre pas une «représentation erronée de l’image du corps dans notre société» comme le craint la députée, à grand coup de logiciels de retouche, de castings de filles maigrissimes et d’injonctions à maigrir. Marie-Claire, pas plus, n’offre à ses lectrices une image réductrice d’une beauté unique et d’une jeunesse éternelle».

Une petite observation dudit magazine s’impose au regard de ce discours.

La directrice de rédaction mentionne que «les publicités ne sont pas concernées» par la non-retouche, seules les photographies dites éditoriales participent au défi. Or sur les 322 pages que comporte ce numéro, 123 sont des publicités pleine page: 30% du magazine échappe donc à la «non-retouche», donnant au numéro un aspect visuel tout à fait proche de ce dont on a l’habitude.

L’éditorialiste en a d’ailleurs parfaitement conscience «Pas sûr, même, que si nous n’avions pas ajouté la mention “photos non retouchées” vous auriez perçu un quelconque changement»…

Prêtons attention au 70% restant et aux «photographies non retouchées».

Tout d’abord, que signifie «sans retouche»? A quel moment commence la retouche d’une photographie? Au moment de l’éclairage qui unifie le visage et qui gomme les pores? Au moment du choix d’un noir et blanc légèrement surexposé? Au moment de la chromie qui elle aussi peut se révéler avantageuse? Ou plus généralement avec l’utilisation de la palette graphique et des outils de modifications numériques?

Bien entendu la rédaction de Marie-Claire entend la retouche dans son acceptation la plus courante (voir le débat sur le Worldpress[3]), la retouche numérique soit toutes les modifications que l’on peut faire sous Photoshop, mincir les modèles, effacer rides et boutons…

Pourtant les photographes n’ont pas attendu Photoshop pour donner à leurs modèles l’apparence la plus avantageuse. Ainsi si l’on regarde de plus près  la page 227 (dossier mode), bien que l’image n’ait peut-être pas subie l’action d’une gomme Photoshop, il est certain que par le travail du photographe, une partie des “défauts” si souvent traqués dans la presse féminine, disparaissent d’eux-mêmes sous l’effet de l’éclairage et du noir et blanc. Sans évidement parler du choix du modèle, lui aussi capital.

Dossier mode "Peps un the city", in Marie-Claire, avril  2010, numéro 100% sans retouches, page 227

Dossier mode “Peps un the city”, in Marie-Claire, avril 2010, numéro 100% sans retouches, page 227

Ainsi on comprend aisément que la construction d’une image photographique se fait autrement qu’en retouchant.

A la lecture de l’éditorial de Christine Leiritz, un second point me semble intéressant:  c’est la volonté de prouver que le magazine ne donne pas d’ «injonctions» à maigrir ou à l’éternelle jeunesse. Cependant, quels articles peut-on lire: “Nouvelles crèmes minceur” (p. 193), “Médecine esthétique, des nouveautés futées” (p. 204 ), ou encore “Aides minceur à dévorer” (p. 285)… soit des articles en complète opposition avec le discours de la rédaction voulant montrer des femmes qui s’assument et qui sont bien dans leur peau.

D’ailleurs, en regardant l’illustration de l’article sur “les nouvelles crèmes minceurs” (p. 193), on peut voir une image de quatre modèles très minces, qui dans un numéro traditionnel et “retouché” auraient subies un remodelage des cuisses pour les …rendre plus rondes! En définitive, dans cet exemple, la version sans retouche montre des corps plus minces que si l’image avait été retouchée.

"Nouvelles crèmes minceur", in Marie-Claire, avril 2010,  numéro 100% sans retouches, page 193.

“Nouvelles crèmes minceur”, in Marie-Claire, avril 2010, numéro 100% sans retouches, page 193.

Ce qui fait réfléchir à la place du discours. Si l’image a une place importante dans la presse féminine, il ne faut pas oublier la diversité du discours proposé par celle-ci. Comme nous l’avons dit plus haut, il y a 123 pleines pages de publicités, dont par exemple 49 pages pour la cosmétique (crèmes, maquillage, complément alimentaires “beauté”) vantant les mérites de produits censés «activer la jeunesse» ( Lancôme, Généfique), «camoufler les imperfections» (Séphora, BareMinerals), lisser les capitons et resculpter (Elancyl, Offensive cellulite),  «amincir jusqu’à 20%» (Somatoline Cosmetic, Traitement amincissant intensif )…

On peut alors se demander ce que retient la lectrice du feuilletage de ce magazine «spécial»?

Car si les images ne sont pas «retouchées», au sens «modifiées sous Photoshop», elles sont pourtant bel et bien travaillées, fabriquées, composées. D’autre part la coexistence d’article sur la minceur, sur la quête de perfection n’a pas disparu, ni les publicités du même ordre. Ce qui remet a priori en question l’idée de la rédactrice selon laquelle «Ce ne sont pas les images qui créent des schémas sociaux, comme cette proposition de loi veut nous le faire croire, mais les schémas sociaux qui se reflètent sur ces images».[4]


[1] LEIRITZ Christine, “Pas (re)touche!”, edito in Marie-Claire, avril 2010, page 30.

[2] Proposition de loi relative aux photographies d’images corporelles retouchées, http://www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion1908.asp

[3] GUNTHERT André, “Le détail fait-il la photographie”, L’Atelier des icônes, 7 mars 2010, http://culturevisuelle.org/icones/447

[4] LEIRITZ Christine, “Pas (re)touche!”, art. cit.

Billet initialement publié sur L’Appareil des apparences, blog de Culture visuelle

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Les enfants de l’esprit http://owni.fr/2009/11/27/les-enfants-de-lesprit/ http://owni.fr/2009/11/27/les-enfants-de-lesprit/#comments Fri, 27 Nov 2009 08:25:54 +0000 Agnès Maillard http://owni.fr/?p=5763

On ne naît pas femme, on le devient, écrivait Simone de Beauvoir dans Le Deuxième sexe. En fait, l’étude de l’éthologie et la longue observation des personnes que j’ai la chance de côtoyer m’ont enseigné qu’on ne naît finalement pas grand chose, ce qui ouvre un vaste champ de possibles, de la même manière qu’on ne naît jamais seul au monde, mais avant tout dans le regard des autres.

Reconquista

L'échappée belleDe la même manière que le pénis de l’homme ne fait pas la femme en la pénétrant, l’enfant ne fait pas les parents en naissant. Je discutais dernièrement avec un ami de la parentalité, dans laquelle je me sens tellement insuffisante, et de la manière dont s’était construit mon désir d’enfant, un peu à rebrousse-poil de ma personnalité et de mes inclinations naturelles, et j’ai compris, à travers son propre récit, que nous étions tous, plus ou moins, logés à la même enseigne. Nous finissons généralement par oublier, ou remiser tout au moins dans quelque recoin peu fréquenté de notre mémoire, tout ce cheminement particulièrement intime qui a fait qu’un jour, nous avons cessé de nous percevoir comme strictement les enfants de pour envisager de devenir les parents de, à notre tour. J’ai toujours été sévèrement agacée par les discours lénifiants sur les merveilles de l’instinct maternel, sur ce présupposé naturel qui court dans nos veines et nous rendrait tellement enclines à ouvrir les cuisses à celui qui nous fertilisera et nous accouchera, en quelque sorte, de notre plénitude de femmes enfin accomplies dans la maternité. Ce fichu instinct maternel a probablement plongé des générations de jeunes femmes dans les affres d’une horrible culpabilité, voire d’une implacable négation de soi et de ses désirs profonds, quand elles ne l’ont pas ressenti dans leurs tripes, que ce soit dans l’élan fécondateur ou dans le maternage attentif.

En creusant bien la question de l’être et du paraître, je me dis que nous sommes le fruit de regards croisés : ceux que posent sur nous nos proches, la société, les autres, et celui, encore plus grave, inquisiteur et intransigeant, que nous portons sur nous-mêmes. Parce que j’ai déclaré haut et fort que l’instinct maternel est une vaste fumisterie phallocrate, parce que je n’ai jamais été attirée par les bébés comme par un aimant, j’ai été jugée par la part la mieux attentionnée de mon entourage comme mauvaise mère avant même d’avoir acheté le seul et unique test de grossesse que je n’ai jamais utilisé de ma vie. Et ce regard, dur, définitif et condescendant a manqué sceller mon destin de mère et par ricochet, celui de ma fille. Tout cela parce que l’on existe avant tout dans le regard des autres et que celui-ci agit sur nous comme des lunettes correctrices lorsque nous faisons face à nous-mêmes, même dans la plus stricte intimité morale et intellectuelle.

Je n’ai même pas terminé le long parcours de conquête de ma propre féminité. Parce que je n’étais pas terriblement portée sur le froufroutant et l’esthétique futile, j’ai longtemps été cantonnée aux rôles de garçon manqué ou de bonne copine. Et il s’agit là de manières d’être que j’ai moi-même parfaitement intériorisées, jusqu’à ce que je change de point de vue, par la grâce, peut-être, d’un autre discours extérieur et que je décide d’exister enfin pleinement en tant que femme, non pas comme pur esprit féministe et fier de l’être, mais aussi comme créature complète, habitant enfin totalement ce corps de femme qui m’a été donné par les caprices de la génétique et dont je pouvais, au choix, faire un vaisseau splendide ou une vieille carcasse. Reprendre le contrôle de ce corps qu’une éducation cartésienne m’avait fait dédaigner au profit des plaisirs purement intellectuels a effectivement été une reconstruction tant mentale que physique dont la réussite a été précisément amplifiée par le changement de regard que les autres portent à présent sur moi, tant au niveau de l’enveloppe que du contenu. Je m’amuse encore monstrueusement d’avoir atteint un nouveau degré d’évolution personnelle en passant par le sport, moi qui ai toujours tenu les pratiques sportives en grand dédain pour ne pas dire en pure aversion. Le fait de ne pouvoir habiter mon propre corps m’avait amputé de la grande richesse sensorielle dont cette interface sublime peut nourrir un esprit ouvert. Je ne percevais que l’effort et la souffrance, là où il pouvait aussi y avoir de grandes satisfactions mentales. Il y a un yaourt qui prétend modifier notre apparence physique en améliorant notablement notre transit intestinal, quelque chose du genre : ce qu’il vous fait à l’intérieur se voit à l’extérieur. Mais ce jeu de poupées russes fonctionne à l’infini, comme un reflet dupliqué par une batterie de miroirs. La modification du corps par nos pratiques change notre rapport au monde, tant par ce que nous émettons de nous-mêmes comme message brut que par ce qui nous est renvoyé, par la sanction du regard social. De me sentir plus femme me rend effectivement plus femme, de me percevoir comme mère améliore mes relations avec ma fille, laquelle existe d’abord parce que je l’ai voulue.

Petite chose

Ce sac de vêtements pour enfants qu’elle vient de me donner pèse bien plus à mon bras que la somme des couches de tissus soigneusement pliés et repassés qu’il renferme. Parce que ce sac de vêtements signifie plus que le don qu’il est réellement, parce qu’il a une histoire qu’elle est en train de me raconter de sa voix chantante qu’un à-coup d’émotion vient parfois érailler. Dans ce sac de supermarché, ce matin, elle a soigneusement rangé son désir d’enfant et de ce sac de supermarché, c’est l’histoire de son petit dernier qui ressort. Celui qui n’est pas là. Celui qui n’a pas de nom. Pas de visage. Même pas de sépulture.

Cela a commencé avec ce don de vêtements, cela a continué avec une vanne sur mes aventures gynécologiques et comme si une digue rompait soudain, elle a enchaîné avec sa fausse couche de l’année dernière. À cinq mois de grossesse. D’ailleurs, ce n’est plus vraiment une fausse couche, c’est plutôt l’histoire d’un trop grand prématuré. Elle raconte sa peur quand la poche des eaux s’est rompue, la course aux urgences, l’attente, dans l’espoir que la poche se reconstitue, tous ces moments où elle le sent bouger en elle et où elle doit commencer à envisager sa mort, et puis, finalement, l’accouchement tragique, parce que c’est bien d’un accouchement qu’on parle, l’accouchement qui va tuer son enfant. Pas vraiment une fausse couche, donc, mais un vrai deuil, sans rien, rien à quoi se raccrocher, rien à se rappeler, rien qui subsiste si ce n’est ses souvenirs immensément douloureux. À deux semaines près, il aurait eu un état civil. Mais là, rien. Rien de rien. Aucune trace tangible, à peine plus qu’un rêve.
Ou un cauchemar.

Il s’agit là de quelque chose de profondément intime et douloureux, et je reçois cette confession avec la délicatesse que je mettrais à accueillir un nouveau-né dans mes mains. Les mots jaillissent, se bousculent, parfois dérapent, vacillent et repartent de plus belle. Ils ont tenté d’en refaire un autre dans l’élan, comme tout le monde le leur a conseillé, mais cela s’est encore soldé par une fausse-couche, à deux mois de grossesse. Pas quelque chose d’aussi lourd que cet accouchement donneur de mort, mais peut-être pire encore, parce que ce nouvel échec a rouvert encore plus grand la douleur refoulée de l’enfant non-né. Elle commence son travail de deuil, finalement, avec ce sac de fringues pour la gosse. Jusqu’à présent, elle gardait précieusement les vêtements de ses deux grands pour le petit troisième, mais, là, elle n’y croit plus. D’ailleurs, pour elle, c’est comme si elle avait eu trois enfants. Parce que ce troisième, ce fils absent, ce manque immense, elle avait commencé à le faire vivre dans son esprit, elle l’avait porté dans son imaginaire bien plus longtemps que dans son ventre. Et je comprends son désarroi de n’avoir plus aucune trace de lui, plus rien à regretter, plus rien à enterrer.
Dans le même temps, je repense à ces mères qui accouchent presque sans le savoir, parce que cet enfant qui sort de leur matrice n’est pas né dans leur esprit, n’a pas grandi dans leur tête. Ces impensés qui n’existent donc pas, que l’on ne peut donc pas faire naître ni disparaître.

Je me demandais, l’autre jour, si je n’étais pas le rêve éveillé d’une cavalière traversant des steppes sans fin. Même dotés de nos corps sensibles qui nous rattachent au monde des vivants à chaque inspiration happée sur le chaos, notre propre existence a parfois, aussi, ce petit côté miraculeux et intangible qui nous fait chevaucher les frontières de l’imaginaire et douter de notre propre matérialité. Mais je repense à présent au chagrin insondable de cette mère, à la manière dont elle fait vivre, jour après jour, cet enfant qui n’est pas né, à la force de son souvenir et de son amour qui arrachent ce petit d’homme au néant dont il n’est pourtant presque pas sorti. Il existe parce qu’elle se souvient. J’existe parce que vous êtes là. Nous existons, parce que nous sommes ensemble. Tous nés du regard et de l’esprit de l’autre.

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Der Mensch als Industriepalast http://owni.fr/2009/11/04/der-mensch-als-industriepalast/ http://owni.fr/2009/11/04/der-mensch-als-industriepalast/#comments Wed, 04 Nov 2009 07:40:21 +0000 Media Hacker http://owni.fr/?p=5137 Cliquer ici pour voir la vidéo.

Une vidéo qui nous vient d’outre-Rhin, pour changer un peu. Elle consiste en l’animation d’un tableau de Fritz Kahn datant de 1926. Ce dernier représente les processus à l’œuvre dans le corps humain comme une métaphore de la vie industrielle.

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